Un journaliste du quotidien Le Républicain, Moussa Dagnoko a été empêché de couvrir le premier tour des élections législatives, ce 29 mars 2020. Alors qu’il a voulu en savoir sur un présumé faux militaire arrêté par la police du IIIème arrondissement, dans le centre de vote du groupe scolaire de Bagadadji, notre reporter a été à son tour interpellé et mis à plat ventre par les gendarmes du camp I au motif qu’il ne devrait pas s’intéresser à autre chose que les opérations de vote proprement dites. Pendant cette période de crise sanitaire et sécuritaire, tout semble être mis en œuvre par nos autorités pour intimider la presse, la mettre sous pression, et empêcher les journalistes d’exercer cette profession dans la dignité, la quiétude et la sérénité requises.

Tout a commencé aux environs de 11 heures au centre de vote du groupe scolaire de Bagadadji, lorsque les forces de l’ordre (police et gendarmerie) en place ont remarqué une personne en tenue militaire, qui a attiré leur attention. Les présentations du présumé militaire n’a pas répondu aux attentes des agents qui l’ont interrogé sur son chef de centre d’instruction (C.I.). C’est là que le présumé faux militaire a été démaqué. Mais un problème surgit des tiraillements qui ont suivi, entre les deux corps : police et gendarmerie, qui voulait chacun avoir la paternité de l’affaire.

Dans la cour du centre de vote, il y a eu un attroupement autour de l’évènement, et quoi de plus normal que notre reporter cherchât à savoir davantage sur ce qui attirait l’attention de tout le centre de vote, créant un regroupement au moment où chacun doit observer les geste-barrières, en cette période de coronavirus.

Dans ces tiraillements chaque corps avait ses prétentions pour la paternité du butin. Pour les gendarmes, le présumé faux militaire a été identifié grâce à eux, sinon il a passé devant les policiers postés à l’entrée du centre de vote ; mais pour les policiers, c’est le secteur d’intervention du IIIème arrondissement, donc il revient de droit à cette juridiction. Les tiraillements ont fini à l’avantage du troisième arrondissement dont le véhicule s’est présenté le premier, embarquant le suspect, sous l’œil vigilant de notre reporter Moussa Dagnoko (journaliste au Républicain depuis 2009).

C’est en ce moment que le véhicule de la gendarmerie à son tour est arrivé devant le centre. Un regroupement des gendarmes s’en suit avec une discussion qui s’animait entre eux, dans la cour du centre de vote, et notre reporter Moussa Dagnoko était là sur les lieux de cet évènement insolite, qui s’est produit au sein même du centre de vote. Le reporter qui attendait la fin de leur discussion, pour s’entretenir avec le chef de poste sur sa version des faits (s’agit-il réellement d’un faux militaire ? Pour quelles raisons un civil porterait-il une tenue militaire pour venir dans un lieu qui abonde de forces de l’ordre ?). Moussa Dagnoko a été l’objet d’incriminations de la part des gendarmes. Sa faute n’est autre que d’avoir été là pendant le déroulement de cet évènement. Alors qu’il s’est présenté et a exhibé sa carte de presse, un gendarme la lui retire ainsi que son bloc-notes, qu’ils ont remis au chef de poste. Ce dernier demanda au reporter de se présenter encore, alors qu’ils détenaient déjà sa carte de presse et ses notes. Et c’est pendant qu’il se présentait encore audit chef de poste qu’un autre supposé être un chef surgit en disant de ne pas faire des gestes en parlant et de « baisser les bras tout de suite », sur un ton martial. Notre reporter répond qu’il n’a pas de manière d’être à recevoir d’eux, et qu’il ne peut pas changer sa façon de parler à cause de leur intimidation. « Il parle mal hein, amenez-le dans le véhicule », ordonne-t-il. Deux gendarmes sautent sur le journaliste, tord ses bras au dos, en disant qu’ils vont les lui briser. Ils l’amènent dans le Pick up de la gendarmerie, avant de le mettre à plat ventre. Cinq minutes environ après, un gendarme lui intima de se relever et de s’assoir derrière le véhicule à ciel ouvert pendant qu’il se rendait au camp I, traversant toute la ville. On lui retirait le turban qu’il avait mis comme mesure de protection contre Covid-19.

Au camp I le responsable sur place, l’adjoint au chef de brigade (ACB) a demandé les motifs de l’arrestation du journaliste. Les agents lui expliquent en soutenant que « le journaliste a manqué de respect en faisant des gestes pendant qu’il parle alors qu’on lui a demandé de baisser les bras en parlant ». Et l’ACB de conclure qu’ « un journaliste parti pour la couverture de l’opération de vote ne devrait pas s’intéresser à autre chose que ça », surtout pas à une affaire concernant les forces de l’ordre. Le journaliste a été retenu devant le bureau de l’ACB pendant deux heures environs, avant de se voir relaxer sans autre forme de procès.

  1. Daou

SourceLerepublicainmali