La célébration de cette journée a été délocalisée dans la cité des rails à cause de la consommation abusive du tramadol. Les jeunes sont exposés à ce phénomène qui constitue un danger pour la société

Mardi dernier à Kayes, le ministre de la Sécurité et de la Protection Civile, le général Salif Traoré, a officiellement lancé les activités marquant la commémoration de la journée internationale de lutte contre l’abus et le trafic illicite des drogues. C’était en présence de Meïssa Fané, directeur de cabinet du gouverneur et de nombreux invités. L’événement a été organisé par le ministère de la Sécurité et de la Protection civile, à travers l’Office central des stupéfiants (OCS), en partenariat avec l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le crime (ONUDC), la MINUSMA et l’Ordre des pharmaciens du Mali.
Sur des banderoles affichées dans la salle de la cérémonie, on pouvait dire : «L’ordre des pharmaciens du Mali et l’Office central des stupéfiants s’engagent à mettre fin à l’usage non médicalisé du tramadol par les jeunes». «La Consommation du tramadol amenuise le bien-être de la jeunesse». Ces messages forts mettaient en exergue la volonté du gouvernement et de ses partenaires de protéger les jeunes contre les effets néfastes du tramadol.
Depuis 1987, l’ONU a choisi la journée du 26 juin pour exprimer sa détermination à sensibiliser les populations partout dans le monde sur les dangers liés à l’abus et au trafic illicite de drogue. Le Mali, à l’instar de la communauté internationale, n’est pas restée en marge de cette mobilisation sociale. Cette année, les activités d’information et de sensibilisation ont été délocalisées à Kayes pour des raisons évidentes. En effet, Kayes est reconnue comme étant une région très ouverte au reste du monde, partageant trois longues frontières avec des pays côtiers (la Guinée, la Mauritanie et le Sénégal), toutes choses qui participent à sa vulnérabilité. Le thème national retenu cette année pour la célébration du 26 juin est intitulé : «La problématique de la consommation non médicale du tramadol au Mali». «Ce thème revêt une importance toute particulière pour la région de Kayes, compte tenu de l’ampleur de la prise des comprimés de tramadol hors prescription médicale par les jeunes. Cet anatalgique utilisé pour atténuer la douleur, est en phase de devenir un véritable problème de santé publique, en raison de sa consommation non contrôlée», a déclaré le ministre de la Sécurité et de la Protection civile. Pour lui, il est bon de savoir que la consommation non médicale du tramadol par un individu modifie non seulement ses fonctions physiques et psychologiques, mais aussi ses réactions et ses états de conscience. Ainsi, une personne sous l’emprise de cette substance peut mettre sa vie et celle des autres en danger en raison de ses effets dépressifs ou hallucinogènes sur l’organisme. Cela explique parfois le regain de violences constatées dans nos villes et campagnes ces derniers temps, caractérisé par des braquages, des vols à main armée, des meurtres, des viols collectifs, parmi tant d’autres. Le phénomène grandissant de la consommation de ce produit dans notre pays doit interpeller les décideurs politiques, les forces de sécurité, les membres de la société civile, les légitimités traditionnelles, les leaders d’opinion ou les chefs de famille. La région de Kayes doit être à l’avant-garde de cette mobilisation sociale au regard de l’ampleur des saisies estimées à 200.000 comprimés de tramadol avec près d’une cinquantaine d’interpellations opérées en 2017 ,par l’antenne de l’OCS de Kayes que dirige le capitaine Kanouté. «C’est le lieu de féliciter l’OCS et l’ensemble des forces de sécurité pour leur vigilance accrue et de les inviter à persévérer davantage dans ce combat afin de minimiser les conséquences drastiques de la consommation illicite du tramadol par les jeunes de la Région de Kayes. L’occasion me paraît opportune pour lancer un appel à l’ensemble de la population de Kayes, que je sais engagée et responsable afin qu’elle s’implique davantage à travers des actions d’information, d’éducation et de sensibilisation à l’endroit des jeunes pour réduire les effets dévastateurs de la consommation non médicale du tramadol», a lancé le ministre. «La participation de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime à ce grand événement s’inscrit certes dans le cadre de son mandat en tant que dépositaire et gardien des conventions internationales sur le contrôle des drogues, mais elle est plus motivée par l’importance de la thématique choisie», a soutenu le coordinateur du bureau de l’ONUDC, Ganda Traoré. Ce choix dénote, selon lui, d’une approche révolutionnaire adoptée par le ministère de la Sécurité et de la Protection civile qui interprète la sécurité, non pas dans son sens étroit de la sécurité physique des personnes et des biens, mais dans le sens plus large de la sécurité humaine qui renvoie à la préservation de la santé du citoyen en tant qu’être humain. «Le fait de placer les jeunes au centre des débats de cette thématique comporte, à notre sens, une dimension pédagogique qui vise à faire de ceux-ci un levier incontournable pour vulgariser l’information et la sensibilisation auprès de tous», a-t-il dit.
Conscient des menaces qui pèsent sur le pays, l’ONUDC s’est engagé depuis 2010 au Mali à travers des actions de renforcement de capacités des forces de sécurité en termes d’équipements mais également en termes de formations au profit des agents de la police nationale, de la gendarmerie nationale, de l’Office central des stupéfiants dans divers domaines tels que la lutte contre le terrorisme, le trafic illicite de stupéfiants, le trafic d’armes, la criminalité organisée. «Avec une superficie de 1.241.000 km2 et des frontières poreuses avec 7 pays, au Mali, les enjeux sont donc de taille et ne peuvent être résolus que par des services spécialisés, et hautement qualifiés ayant une compétence nationale et internationale tel l’Office central des stupéfiants», a indiqué M. Traoré. En janvier 2016, la police nigérienne a saisi 7 millions de comprimés. En septembre 2017, plus de 3 millions de comprimés de tramadol, emballés dans des cartons portant l’étiquette des Nations unies, on été interceptés au Niger dans un véhicule provenant du Nigeria à destination du Nord du Mali. Au début de ce mois de juin, 35 conteneurs contenant plusieurs centaines de tonnes de tramadol ont été également saisis par la douane nigériane.
Les experts s’inquiètent du fait que le dosage des comprimés tramadol saisis en Afrique de l’Ouest est largement supérieur aux 50 milligrammes habituellement vendus dans les pharmacies. Dans le circuit illicite, les dosages vont de 100, 200 jusqu’à 250 milligrammes de substance active. On estime qu’environ 75% des 70 millions d’hommes et de femmes dans le Sahel ont moins de 25 ans, ce qui fait de la jeunesse sahélienne un marché privilégié pour les trafiquants de drogue. Ce problème d’augmentation de consommation non médicale du tramadol joue également un rôle déstabilisateur dans la région car certains groupes ne se contentent pas seulement de trafiquer ces pilules afin de générer des revenus, mais les utilisent également à leurs propres fins car on «retrouve régulièrement du tramadol dans les poches de suspects arrêtés pour terrorisme, ou ayant commis des attaques kamikazees».
Le lancement officiel de la cérémonie a été suivi d’un panel sur le thème de l’événement. Il était animé par le magistrat colonel Adama Tounkara, directeur de l’Office central des stupéfiants, Dr Dominique Arama de I’Ordre des pharmaciens du Mali et le médecin lieutenant-colonel lsmaël Makalou de la Direction centrale du service social des armées (DCSA).
Dans l’après-midi, les invités ont assisté à une cérémonie de destruction de 4 tonnes de produits stupéfiants (tramadol, cannabis, cocaïne, etc…) et de produits pharmaceutiques saisis dans la région. Ces produits sont évalués à’une dizaine de millions de Fcfa. Une marche a mis fin aux activités commémoratives de la journée internationale de lutte contre l’abus et le trafic illicite des drogues à Kayes. L’itinéraire choisi était l’axe Bougie-Gouvernorat.

Bandé Moussa
SISSOKO
AMAP-Kayes

 

Source: Essor