Dans une République qui se veut normale, les institutions fonctionnent conformément aux lois et autres dispositions réglementaires. Et la loi, cette norme de portée générale et impersonnelle, régit les rapports dans la société. Donc, elle n’est dirigée contre personne et protège l’intérêt général. Qu’on soit riche ou pauvre, puissant ou faible, nul n’est au-dessus de la loi. Pour trancher les litiges entre les hommes, la société a investi certaines personnes du pouvoir de rendre la justice au nom du peuple et sur la base des lois et autres instruments de la République découlant du droit.

« La justice est un rempart absolu contre les violations, contre les excès et elle est le remède des contradictions. La justice est l’obstacle faite au politique. La justice est le rempart puisqu’elle limite le politique dans son dessein d’abuser du pouvoir et contre les excès des gens de pouvoir. Elle est le bouclier qui doit protéger les faibles. Elle est l’épée qui doit frapper les puissants lorsque ceux-ci dévient du droit chemin au mépris du bien commun », déclarait, le 30 novembre 2017, Me Mamadou Ismaël Konaté, ancien ministre de la justice, garde des sceaux dans son intervention lors de la cérémonie de passation avec son successeur Hamidou Youmoussa Maïga.
En tirant les leçons de l’affaire dite Ras Bath, le chef des magistrats du ministère public ou du parquet a rendu le tablier en quittant le train du Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta. Le temps est-il en train de donner raison à ce brillant avocat ? On ne saurait l’affirmer avec certitude. Mais, devant les incitations à la haine ou à la violence, les magistrats du parquet placé sous l’autorité hiérarchique du ministre de la justice, garde des sceaux, brillent par une inaction assimilable à de la forfaiture.
Les appels multiples au meurtre sont lancés dans une indifférence totale des responsables qui ont reçu mandat de veiller à la défense des intérêts de la société. Les réseaux sociaux sont devenus sous nos cieux, des espaces où certains individus sans scrupule et guidés par l’appât du gain facile font l’apologie des faits qualifiables d’infraction à la loi pénale sans que l’on ne lève le petit doigt. Aujourd’hui, n’importe qui peut faire une vidéo aux antipodes de nos valeurs républicaines, sociales et religieuses sans être inquiété. Des agents des forces de sécurité sont agressés dans l’exercice de leurs fonctions sans aucune poursuite. Et l’on ne peut pas s’empêcher de s’interroger où sont passés le Procureur général et les procureurs de la République ?
Face à ces dérives tolérées simplement sous nos cieux au Mali, les magistrats du parquet n’ont aucune excuse et ne peuvent nullement brandir le rapport hiérarchique avec le garde des sceaux. Si la loi les place sous l’autorité du garde des sceaux qui peut leur donner des ordres, il faut avouer que le ministre de la justice ne peut pas empêcher un Procureur général d’entamer une poursuite sur des cas individuels.
Selon Mohamed Sidda Dicko, ancien procureur de la République près le tribunal de première instance de la commune III du district de Bamako, « dans l’exercice de sa fonction, le Magistrat, fusse-t-il le Procureur, n’obéit qu’à la loi et à sa conscience ».
La situation dans laquelle se trouve le Mali ne doit pas nous amener à fermer les yeux devant les violations des lois de la République ou d’autres anomalies qui préparent le nid à une aventure périlleuse. Il ne faut pas courber l’échine. Une application rigoureuse et non sélective des lois est plus que nécessaire. Pourvu qu’il n’y ait pas des individus au-dessus de la loi comme c’est le cas dans cette démocratie malienne, pas loin d’une République bananière.

Chiaka Doumbia

Le Challenger