Paiement obligatoire d’une somme d’argent par voyageur, par bus et par camion, menaces vis-à-vis des passagers qui rechignent à payer, conditions d’accueil inexistantes aux postes de contrôle… La liste n’est pas exhaustive. Ce triste constat a été fait par une mission de l’Observatoire des pratiques anormales (OPA) de l’Uemoa qui a sillonné, du 30 avril au 10 mai courant, les axes routiers précités. C’est dire combien le processus dit d’intégration sous-régionale a du chemin à faire. Que valent alors les décisions de nos chefs d’Etat en matière d’intégration sous-régionale ? Si ce sont leurs propres agents de sécurité et douaniers qui les violent.

 

chaque sommet des chefs d’Etat et de gouvernement des Etats membres de l’Uemoa, ce sont les mêmes discours qui glorifient les avancées en matière d’intégration sous-régionale, avec son corolaire la libre circulation des personnes et des biens. Alors même qu’à y regarder de près, sur le terrain, la réalité est toute autre. Les citoyens-voyageurs dans la plupart des pays membres de l’espace Uemoa continuent à souffrir le martyr lors de leurs déplacements sur les corridors Bamako-Abidjan et Bamako-Ouagadougou. Comme il nous a été donné de le constater lors de ce périple d’une dizaine de jours qui a conduit la mission de l’OPA sur lesdits corridors.

En partant par car de transport public de Bamako pour la capitale ivoirienne, les perceptions illicites commencent dès la sortie de la ville, au poste de Sénou, jusqu’à l’entrée d’Abidjan.  A chaque poste de police, de gendarmerie ou de douane, c’est le même rituel: le conducteur de bus remet son « cahier »et une somme d’argent à son apprenti pour « aller gérer »les agents qui s’y trouvent. Comme si cela ne suffisait pas, les passagers sont aussi sollicités, presqu’à chaque poste, pour débourser une somme d’argent destinée aux agents de sécurité ou de douane.

Des montants qui varient de 1 000 à 2 000F par passager et de 2 000 à 5 000F par bus et par camion de transport de marchandises. Des sommes perçues naturellement sans aucun reçu en contrepartie.

A savoir maintenant où vont ces montants faramineux estimés à des millions de FCFA par jour et cela tous les jours durant les 365 jours de l’année. Les pièces d’identité sont retirées et remises contre paiement de la somme de 1 000F ou 2 000F, voire plus pour les « anglophones ».

Ces perceptions illicites étant devenues la règle, rares sont les voyageurs qui s’en offusquent.Et les quelques passagers qui rechignent à mettre la main à la poche se voient traités de récalcitrants et menacés par les forces de sécurité de ne pas être autorisés à poursuivre leur voyage.

Le mythe de la libre circulation des personnes et des biens

S’y ajoutent la détresse des voyageurs, qui sont traités avec mépris lors des arrêts aux postes de contrôle.

Dans la plupart des postes, il n’y a ni bancs, encore moins des chaises destinés aux voyageurs alors que le temps d’attente peut aller jusqu’à  trois heures, voire six heures comme cela a été le cas à notre arrivée à la frontière Burkina-Mali du côté de Madouba/Benena. Là, les passagers de notre bus ont dormi au clair de lune, dans une totale insécurité, en attendant l’ouverture du poste qui avait été fermé de minuit à six heures du matin. Pour quelles raisons ? Personne ne sait.

Pourtant, avant notre arrivée à cette frontière, le conducteur de notre bus Ouaga-Bamako avait procédé à une collecte d’argent, en raison de 2 000 F par passager (le car en comptait 75, selon le conducteur). Cela, au motif qu’il allait soudoyer les agents pour « éviter tout contrôle »des bagages dans la soute et nous épargner en plus une perte de temps pouvant aller de deux à trois heures.

Il est à noter que sont les mêmes pratiques auxquelles les membres de la mission ont été témoins tant sur les territoires malien, burkinabè qu’ivoirien. Alors que, selon les dispositions du Traité de l’Uemoa, la libre circulation des personnes signifie que tout ressortissant de l’Union a le droit de se déplacer librement d’un Etat Membre à un autre sans entrave aucune. Tel est loin d’être le cas jusqu’à maintenant.

Silence de mort des autorités

Bref. Si nos autorités sont élues pour faciliter réellement la vie à leurs concitoyens, nous nous interrogeons sur le silence de mort qu’ils affichent face à ces tracasseries et à ces perceptions illicites dont les citoyens-voyageurs de l’espace Uemoa continuent à être les victimes innocentes, les agneaux sacrificiels.

Encore qu’aucun de nos chefs d’Etat ne peut dire « Je ne savais pas ».Car, depuis 2005, date de la mise en place de l’OPA par l’Uemoa avec l’appui technique des partenaires techniques et financiers (PTF), pour une bonne gouvernance routière, tous les rapports de la structure sont régulièrement envoyés aux Etats membres. Qu’est-ce qu’ils en font ? Voilà toute la question.

 *De retour des corridors 

  Bamako-Abidjan 

 et Bamako-Ouaga.

Source: l’Indépendant