Dans l’explication qu’il donne de la laïcité, le Robert indique notamment qu’il s’agit de la «conception politique impliquant la séparation de la société civile et de la société religieuse, l’État n’exerçant aucun pouvoir religieux et les églises aucun pouvoir politique». Ce concept a pris corps et s’est imposé dans la vie publique sous d’autres cieux, où des générations de citoyens, du fait de leur appartenance religieuse, différente de celle qui était officiellement proclamée par le pouvoir temporel, ont dû subir mille et une exactions.

Selon les chercheurs de la revue Études théologiques et religieuses, c’est un certain Roger Williams, fuyant l’Europe du fait de la persécution royale dans les années 1600, qui fut l’un des premiers à avoir pensé la neutralité de l’État en matière religieuse en Amérique.

Le combat engagé par ces voix divergentes pour se faire entendre conduira au principe de la neutralité de l’État en ce domaine. Toutes les confessions religieuses obtenaient ainsi droit de cité, et le principe en sera fixé par nombre de pays dans leur loi fondamentale.

En Occident, cet acquis constituait une avancée considérable pour la dernière religion révélée, qui avait dû évoluer jusqu’alors dans des conditions moins que favorables. Au-delà des premiers siècles qui avaient vu son implantation, elle était pratiquement confinée dans la clandestinité, en exil sur des terres où étaient déjà ancrées d’autres traditions, où les antagonismes des cultes avaient laissé des cicatrices vivaces. L’islam ne s’en épanouira pas moins pour autant, devenant en certaines de ces contrées, la seconde religion par le nombre de citoyens qui s’en réclament. Sous nos latitudes, l’islam a connu une situation bien différente. Implanté avant la réglementation de la vie des nations suivant un certain code napoléonien, il a cohabité avec des pratiques traditionnelles et d’autres confessions. La forme républicaine de l’État qui prévaudra par la suite fera sien ce concept de laïcité dans la gestion des cultes et croyances.

Les adeptes des diverses confessions étant l’une des composantes des forces vives de la République, leurs préoccupations ne peuvent être ignorées dans la bonne marche des affaires publiques, quand on s’en tient à l’énoncé coranique : « À vous votre religion, et à moi ma religion. » (109 :6) Il se pose ainsi la question d’aménager les meilleures conditions de pratique des cultes et d’évolution de ces communautés dans la société.

La problématique de leur représentation émerge aussi, lorsque doit se définir avec le pouvoir temporel des dispositions devant les affecter dans leurs pratiques cultuelles. Le constat qui s’impose à cette étape au niveau des congrégations musulmanes est la difficulté d’une harmonisation, du fait de l’existence de diverses sensibilités. Les communautés musulmanes sont les premières à pâtir de cet éparpillement, les voix discordantes ne favorisant guère le renforcement de son unité prônée par les textes fondamentaux de l’Islam.

La laïcité ne pouvant être perçue dans son acception originelle comme un principe antireligieux, les communautés musulmanes contribuent elles-mêmes, par leurs émiettements, à s’éloigner de la possibilité de constituer un cadre de référence. Car les multiples divisions n’ont jamais abouti à l’érection d’une force. Les oulémas en font le rappel en diverses occasions, invitant les uns et les autres à surmonter des contradictions qui ne peuvent être que secondaires entre musulmans. L’unanimité étant intangible sur les préceptes essentiels, l’exhortation est faite pour une référence constante au Coran et à la Sunna, afin que leurs adeptes méritent de cette confiance : « Nous avons fait de vous une communauté de justes, pour que vous serviez de témoins à tous les peuples. Votre témoin à vous sera le Messager ». (4 :143).

A. K. CISSÉ

Source: Journal l’Essor- Mali