Afin d’informer l’opinion sur les désidératas du dossier des personnalités poursuivies et détenues pour “complot contre le gouvernement, association de malfaiteurs, offense à la personne du chef de l’Etat et complicité de ces faits”, les avocats ont animé, le week-end dernier, à la Maison de la Presse, une conférence de presse au cours de laquelle ils ont dénoncé ce qu’ils qualifient de cabale politique contre leurs clients, à travers les accusations qui n’ont “aucun fondement, ni légales et ni objectives”. Ainsi, ils demandent la libération pure et simple des détenus “politiques”.

Premier à ouvrir le bal des interventions, l’avocat du DG du Pmu-Mali, Me Éric Moutet. Il a laissé entendre que dans ce dossier il s’attendait à voir des documents d’audit sur une éventuelle remise de fonds que son client est accusé d’avoir effectué. A le croire, le Pmu-Mali est une organisation qui dispose des organes dont il est absolument impossible d’échapper à leur contrôle. Et d’ajouter ceci : “Où est-ce que ces sorties et décaissements d’argent du Pmu dont on reproche à mon client se sont exprimés ?”.

En réponse aux accusations sur une éventuelle réunion secrète, il est formel : “Il faut quand même qu’on nous démontre qu’il y a eu des réunions. Et on nous parle des réunions nocturnes et secrètes, mais quand ? Avec qui ? Et selon quel témoignage elles ont été faites”.

Dans son réquisitoire, il a laissé entendre qu’à la suite de la lecture du dossier et de l’interrogatoire, les Officiers de police judiciaires chargés de l’enquête préliminaire nageaient dans l’inconnu le plus absolu. “Nous avons assisté à une véritable séance de répétitions de ce qu’on a bien voulu leur faire écrire. Ces enquêteurs sont bien embarrassés pour avoir des éléments de preuves. On reproche à Vital Diop d’avoir remis des fonds à monsieur Ras Bath pour organiser une espèce de ces bazars médiatiques. Mon client n’a jamais rencontré Ras Bath.

On lui reproche d’avoir également remis des fonds à certains individus et organisations dans des lieux qui ne sont pas également expliqués dans les documents”, a martelé Me Éric Moutet.

Des dossiers judiciaires glissent vers l’immatériel 

Selon lui, ils défendent des personnes qui sont privées de liberté. Et de la procédure, il dira que les autorités judiciaires imposent aux avocats une enquête dont les conclusions ne sont pas communiquées aux conseils, conformément à la loi. “Il n’existe quasiment pas d’éléments de preuves dans le dossier. De dossiers judiciaires qui ont glissé vers l’immatériel. Il y a, aujourd’hui, un jeu d’ombre dans cette affaire qu’il nous faudra décrypter et démontrer pour savoir pourquoi en est-on arrivé-là”, a-t-il expliqué.

A sa suite, Me Abdourahamane Touré a déclaré que le secrétaire général de la présidence de la République, Sékou Traoré, est connu pour être un homme de très grande rigueur, en ce qui concerne son travail, et très loyal dans le service. “Vous ne trouverez un seul homme dans l’administration publique qui vous dira que Sékou soit capable de faire ce qu’ils sont en train de lui reprocher”, a-t-il renchéri.

Et de poursuivre qu’à travers cette arrestation extrajudiciaire, c’est l’indépendance de la justice qui est en danger car, ajoute-t-il, dans la mesure où un magistrat doublé de son statut de rang de ministre peut ainsi se faire enlever.

Pour lui, le problème dans ce dossier est le fait qu’on bafoue les statuts protecteurs des acteurs de la justice parce la garantie de protection statutaire des magistrats a été touchée, cela ne doit pas rester impuni. Et Me Touré de souligner que le lien entre Sékou Traoré et Dr Boubou Cissé est le fait que Sékou occupait une position administrative centrale au niveau de la Présidence.

“Par le passé, il a travaillé avec Boubou. Donc si Boubou a une ambition présidentielle, Sékou peut, selon l’imagination des autorités transitoires, influencer les choses en sa faveur. Voilà les imaginations sur la base desquelles Sékou se trouve impliqué dans cette affaire. Mon client est irréprochable sur le plan professionnel. Ce que nous souhaitons, c’est de laver l’honneur et la dignité de Sékou Traoré dans cette affaire, de même que les autres qui sont détenus sur la base des indices qui ne sont ni graves ni concordants”, a laissé entendre Me Touré.

Selon Me Touré, ses deux clients notamment Ras Bath et le magistrat Sékou Traoré ne se connaissent pas. “Je suis l’avocat des deux, Sékou et Ras Bath ne se sont jamais rencontrés. Il n’y a pas de preuve dans cette affaire. Qu’on nous les amène s’il y en a. Il n’y a absolument rien comme élément de preuve”, martèle-t-il.

Pour sa part, l’avocat de l’ancien Premier ministre Dr Boubou Cissé, Me Kassim Tapo, a souligné qu’il n’y a aucune preuve contre son client. “Boubou Cissé s’est caché parce que ceux qui sont partis le chercher chez lui pouvaient l’agresser s’il se trouvait dans son domicile”, déclare l’ancien Bâtonnier. Et de poursuivre que les personnalités accusées et détenues pour “complot contre le gouvernement, association de malfaiteurs, offense à la personne du chef de l’Etat et complicité de ces faits” sont privés de libertés sur la base de simples affirmations car il n’y aucun élément de preuves, ni d’aveux encore moins de pièces à conviction.

Un dossier sans éléments de preuve, sans pièces à conviction

A en croire Me Kassoum Tapo, le réquisitoire informe que son client nourrit une ambition présidentielle. Et dans ce cadre, il aurait constitué un noyau de groupe pour déstabiliser la Transition au profit de cette ambition. Ce qui lui fera dire qu’il y a contradiction, puisqu’on ne peut pas vouloir devenir président et tenter de désorganiser la Transition qui est censée organiser ces élections. “Cela me parait pour le moins aberrant”, commente-t-il.  S’agissant des présumées réunions secrètes, il souligne que les personnes citées n’ont jamais tenu une réunion autour de Boubou Cissé.

Quant à l’avocat français, Me Marcel Ceccaldi, il a affirmé que la procédure employée est une atteinte directe volontaire aux principes pour lesquelles les Maliens se sont sacrifiés.

“L’impartialité est consubstantielle à la justice. Il ne peut pas y avoir de justice qui ne soit pas impartiale. Lorsque l’action politique se mêle de la justice, ne parlons plus de justice. Parlons tout simplement d’arbitraire”, indique-t-il.

Par ailleurs, il a noté que le Mali devrait s’inspirer de la Transition Burkinabè qui n’a pas eu besoin d’une année, à fortiori 18 mois pour mettre en place des institutions légales et légitimes à travers l’élection présidentielle. “Une révolution peut être fondée, mais une révolution doit avoir des objectifs immédiats. Un objectif dont elle ne peut pas se soustraire. C’est le respect des droits et libertés des citoyens tels qu’ils sont garantis par les textes internes et internationaux signés par le Mali.

Notamment la Charte universelle des droits de l’homme, le Pacte international des droits civils et politiques. Nous allons refuser de nous prêter à une palinodie judiciaire”, a-t-il fait remarquer.

Avant d’inviter les autorités de Transition à éviter que le juge soit l’otage d’action politique qu’elles ne maîtrisent pas, qui leur sera toujours dissimulée. “S’il n’y a toujours rien dans ce dossier, nous ne serons pas l’otage de cette palinodie judicaire. Ce dossier sera ouvert sur la table. Chacun pourra dire que des poursuites qui sont engagées ne reposent sur rien. Il n’y a rien dans la procédure qui permette de fonder les poursuites qui ont été engagées. C’est la première fois dans ma carrière d’avoir connaissance d’un dossier de cette nature. Ce dossier est scandaleux. Ce qui le met en cause n’est pas seulement la situation des personnes mises en examen et incarcérées, ce qui est en cause dans cette procédure, ce sont les droits et des libertés des citoyens Maliens”, a poursuivi Me Marcel Ceccaldi.            

Boubacar PAÏTAO

 

Source: Aujourd’hui-Mali