Réputés pour leur influence, tant au sein de la population que dans les associations musulmanes, ces deux leaders religieux ont, l’un après l’autre et, à trois petits mois d’intervalle, vu leur crédibilité et leur respectabilité, entamées par deux scandales de 100 millions CFA. Comme un coup du sort.

Le premier, Ousmane Chérif Madani Haïdara, tout-puissant président du Mouvement Ançar-Dine, avait nié, publiquement, avoir reçu de Soumaïla Cissé, la veille de la présidentielle de 2013, 100 millions CFA contre son soutien. Avant qu’il ne soit confondu par les témoins, ceux-là même qui lui ont remis cet argent. Main à main.
Depuis, « Y’A BANI », comme l’appellent ses adeptes, se fait discret. Il ne se montre plus en public, s’exprime peu. La diffusion de ses prêches sur les antennes de certaines radios privées de la place a été suspendue. Et comme si tout cela ne suffisait pas, les défections se multiplient dans les rangs de son mouvement : Ançar-Dine. Sur les réseaux sociaux, de plus en plus de témoignages d’hommes et de femmes circulent à son sujet, les uns plus graves que les autres.

L’origine du scandale

A l’origine de ce scandale, une déclaration : « Je ne suis pas ce leader religieux, qui a peur de dire la vérité aux leaders politiques. Parce que, moi Haïdara, je ne leur dois rien. Aucun homme politique ne m’a jamais donné un centime », disait-il dans un tonnerre d’applaudissements. C’était à l’occasion de la commémoration du baptême du Prophète Mohamed, PSL, célébré au Stade du 26 mars.
Indignés par cette déclaration, Mamadou Hawa Gassama, député élu à Yélimané, et Dr Bandiougou Gakou, ex-ambassadeur du Mali en Iran, chargés de lui remettre les 100 millions CFA du candidat Soumaïla Cissé, contre le soutien de ses partisans à la présidentielle de 2013, sortent de leur silence.
« Les 100 millions CFA ont été remis à Haïdara, en présence d’un de ses proches, député de Banamba et non mois opérateur économique », précise l’honorable, qui refuse de se taire, face à ce qu’il qualifie d’inacceptable.
« Rien ne m’a fait plus mal que d’entendre Haïdara dire, publiquement, qu’il n’a pas pris cet argent. Dieu est notre témoin et Dr Gakou aussi…. Je suis prêt à jurer sur le coran et j’invite Haïdara à le faire ».
Et Dr Gakou, compagnon de l’honorable Gassama, ce jour-là, d’ajouter : « Haïdara prétend que nous sommes retournés avec l’argent, ce n’est pas exact. Tout l’argent est resté sur place. Nous ne sommes pas retournés avec un centime ». Avant de conclure, déçu :
« J’avais, énormément, confiance en Haïdara. Mais suite à cette affaire, j’ai conclu qu’il n’a pas posé-là un acte religieux, surtout un vendredi, et dans la semaine sacrée du Maouloud ».
Depuis le Guide d’Ançar-Dine n’est plus que l’ombre de lui-même.
Quatre mois, seulement, après – comme un coup du sort –  c’est le tour d’un autre leader religieux, Mahmoud Dicko, de se voir noyer par un autre scandale de 100 millions CFA.
Dans le cadre de l’organisation, dimanche 10 février, d’une « journée de prières et de bénédictions pour le Mali », le président du Haut Conseil Islamique avait reçu du Premier ministre 50 millions CFA.
Mais quelle ne fût la surprise de ce dernier ?
Le président du Haut Conseil Islamique exhibe les 50 millions CFA devant les caméras. Avant de les retourner au chef du gouvernement, en ces termes : « Nous n’avons pas besoin de cet argent ».

Les dessous de cette affaire

Dans une vidéo relayée par les réseaux sociaux, Chouala Bayaya Haïdara, leader du Mouvement religieux, dénommé Ikmaldine, déclare : « C’est Mahmoud Dicko, qui a demandé de l’argent au Premier ministre Soumeylou Boubeye Maïga ». Et de conclure : « En 2012, le capitaine Sanogo, auteur du putsch qui a chassé ATT du pouvoir, avait remis de l’argent au président du Haut Conseil Islamique pour organiser un meeting en sa faveur, pourquoi n’a-t-il pas retourné cet argent à son donateur ? ».
Selon nos informations, c’est Mahmoud Dicko en personne, qui aurait appelé IBK pour lui annoncer l’organisation de cette « journée de prières et de bénédictions pour le Mali ». La suite, on la connaît.
« Comme vous tous, j’ai vu la théâtralisation assez visible par rapport à l’appui que le gouvernement s’est fait le devoir d’apporter à l’organisation d’une prière destinée, normalement, à appeler à la paix et à la réconciliation », déplore le chef du gouvernement.
Pour le président du Haut Conseil Islamique, le problème est ailleurs : « Le chef du gouvernement m’a annoncé 100 millions CFA et il m’a envoyé 50 millions CFA », a-t-il précisé. Avant de réclamer la démission pure et simple de Soumeylou Boubeye Maïga.  Comme on le voit, les principales motivations de nos leaders religieux restent l’argent.  Si le chef du gouvernement lui avait envoyé les 100 millions CFA, Mahmoud Dicko allait-il en faire une affaire d’Etat ? Combien de millions et de voitures de luxe avaient-ils reçu de nos autorités, sans en piper mot à leurs partisans ? Considérés comme les deux leaders religieux les plus influents de notre pays, Chérif Ousmane Madani Haïdara et Mahmoud Dicko viennent, tous deux, de brûler leurs ailes à la flamme de deux langages. « La vertu se perd dans les intérêts, comme les flots dans la mer », disait Montesquieu.
Oumar Babi 

Source: Canard Déchainé