Le gouvernement continue à donner des rassurances sur le respect de l’échéance du 29 Juillet 2018 pour le premier tour de l’élection présidentielle. Cependant, que pourrait-il se passer si un report s’avérait nécessaire ?

Entre les insinuations des uns et les supputations des autres, il faut interroger la Constitution de février 1992 qui reste la seule norme de référence.
La première crise politique majeure que le Mali démocratique a connue est intervenue le 22 mars 2012, lorsque de jeunes soldats mécontents ont fait irruption au palais de Koulouba, contraignant le maître des lieux à un repli stratégique qui se poursuivra cinq ans durant à Dakar. Grâce aux efforts de certains de nos concitoyens et aux pressions de la communauté internationale, notamment la CEDEAO la junte a fini par céder. ATT a présenté formellement sa démission et Dioncounda Traoré, président de l’Assemblée Nationale a assuré l’intérim. La Constitution du 27 février 1992 s’est ainsi retrouvée pour la première fois au cœur du débat en permettant le retour à la vie constitutionnelle. Cependant, des difficultés sont apparues dans la gouvernance de la transition, d’abord parce que la CEDEAO a fait nommer un « premier ministre de pleins pouvoirs » inconnu de notre arsenal juridique, ensuite parce que la Constitution n’accorde qu’un délai de 21 à 40 jours au président par intérim pour organiser l’élection présidentielle. Sans un véritable chef, le pays est resté balloté entre trois pôles de décision aux missions et compétences mal définies. Le capitaine Amadou Haya Sanogo contrôlait les forces de défense et de sécurité à partir des hauteurs de Kati, le premier ministre Cheick Modibo Diarra gérait l’Administration depuis la cité administrative, le président par intérim Dioncounda Traoré assurait entre la vallée et la colline la continuité de l’Etat. Les turbulences provoquées par ce triumvirat insolite sont largement connues. L’attelage ne tiendra jusqu’à l’organisation de l’élection présidentielle de Juillet 2013 qu’après un changement de premier ministre intervenu au forceps.
Le schéma est totalement différent en 2018, avec un président élu en fin de mandat dans un contexte où la situation sécuritaire est préoccupante dans certaines parties du pays. En effet, le nord et le centre sont devenus des zones à risques où il sera difficile de battre  campagne et de voter en toute sérénité si des décisions vigoureuses ne sont pas prises. Puisque le pays tout entier devient une seule circonscription électorale lors de la présidentielle, deux hypothèses sont à envisager : soit le gouvernement décide d’organiser l’élection présidentielle sur toute l’étendue du territoire, quitte à faire le constat a posteriori que dans certaines parties du pays elle a été perturbée, soit le président de la république en tant que clé de voûte des  institutions et garant du respect de la Constitution, saisit avant le 29 juillet 2018 la Cour Constitutionnelle sur la conduite à tenir. L’article 85, alinéa 2 de la Constitution, dispose s’agissant de la Cour Constitutionnelle : « Elle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des Pouvoirs Publics.» C’est à ce titre qu’elle peut intervenir dans le processus électoral en cas de décès ou d’empêchement de candidats, pour décider du respect de l’élection, prononcer le report de l’élection, ou décider de la reprise de l’ensemble des opérations électorales (article 33). En cas de saisine par le président de la république comme indiqué plus haut, la Cour Constitutionnelle pourrait prendre une décision de report fondée sur la force majeure et sa décision qui est insusceptible de recours s’imposerait à tous sans exception. Pour mémoire, l’article 26 de la Constitution dispose que « La souveraineté nationale appartient au peuple tout entier qui l’exerce par ses représentants ou par voie de referendum. Aucune fraction du peuple, ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice.» C’est cette même Constitution qui confie à la Cour Constitutionnelle la mission de réguler le fonctionnement des institutions.
Autant on s’est appuyé en 2012 sur la Constitution malgré ses insuffisances pour sortir le pays de l’impasse, autant elle pourrait servir si d’aventure l’échéance du 29 Juillet 2018 devenait intenable, pourvu que tout le monde reste dans le cadre de la loi. En tout état de cause, la rébellion à la loi n’est pas la marque de fabrique d’une personne responsable et, encore moins celle d’une personne qui aspire à diriger le pays par la voie normale.
Mahamadou Camara
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Source: Canard déchaîné