À La Haye, une audience de confirmation des charges a eu lieu mercredi 10 juillet pour l’ancien responsable d’Ansar Dine, le Malien Mohamed al-Hassan, poursuivi pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis à Tombouctou en 2012-2013. Il comparaît en tant qu’ancien commissaire de la police islamique durant l’occupation de Tombouctou par les jihadistes. Une audience durant laquelle l’équipe du procureur a continué d’étayer ses accusations – arrestations, détentions et jugements arbitraires, actes de torture, violences sexuelles, etc. -, avant que le premier représentant des victimes ne s’exprime.

 

Une nouvelle journée d’audience, et encore de nombreux éléments présentés par l’accusation pour prouver qu’il y a lieu de poursuivre Mohamed al-Hassan. Des cartes, des vidéos, des témoignages écrits, un enregistrement audio d’ailleurs diffusé par RFI à l’époque des faits… Autant de pièces qui démontrent, selon le bureau du procureur, que Mohamed al-Hassan a apporté une contribution essentielle dans un plan commun. Un plan qui visait à imposer la charia alors que la ville de Tombouctou était entièrement sous contrôle jihadiste.

Dans l’après-midi, c’est avec solennité que l’avocat malien Seydou Doumbia prend la parole. Devant un Mohamed al-Hassan impassible, ses premiers mots sont pour remercier la Cour au nom des victimes. Car ces dernières, dit-il, ont longtemps attendu d’être entendues.

Dans la foulée, Seydou Doumbia rend hommage au travail du bureau du procureur. « Nous avons aujourd’hui la certitude que l’accusation a vu, a entendu, a senti les peines longtemps endurées par ces victimes, ces douleurs qui résonnent dans chaque être de Tombouctou. »

Briser le tissu social

Et Maître Doumbia tient les comptes : 882 victimes autorisées à participer à la procédure à ce stade, parmi lesquelles plus des deux tiers sont des femmes. L’avocat l’affirme : ce sont elles qui ont payé le plus lourd tribut. « En même temps que les jihadistes déracinaient et enterraient tout ce que Tombouctou avait de spécifique, s’est ajoutée cette violence extrême vis-à-vis de la femme, parce que justement, pour l’homme de Tombouctou, la femme représente un symbole très fort. »

Ce faisant, pour Maître Doumbia, les jihadistes s’en sont pris au ciment traditionnel de la société. Car la sanction publique comme les violences sexuelles, explique-t-il, sont une honte intergénérationnelle. Seydou Doumbia voit ici un moyen clair de traumatiser la population et de briser le tissu social. Le dépeuplement de Tombouctou qui a suivi montre selon lui que l’objectif a été atteint.

Ce jeudi, c’est Maître Mayombo Kassongo, autre représentant des victimes qui s’exprimera en premier. Les audiences se tiennent jusqu’au mardi 16 juillet. La chambre préliminaire se prononcera ensuite au plus tard le 30 septembre 2019 pour dire s’il y a lieu ou non d’organiser procès.

RFI