La réfection du toit du Kamablon, Case sacrée de Kangaba, a lieu tous les sept ans. L’événement populaire et culturel s’est déroulé cette année. En prélude, le baptême de la nouvelle génération de « Kari » a eu lieu le 23 mars. Le groupe d’âge des jeunes filles et garçons a pris le nom de « Diarrassi ». Pendant les travaux, ces jeunes sont encadrés par leurs aînés directs de génération, les « Massassi », baptisés en 2012.

Le samedi 20 avril, les « Diarrassi », toujours encadrés par leurs aînés, ont cherché les matériaux pour la construction de l’enclos autour de la case sacrée. Le lundi 22 avril, il y a eu la descente de l’ancien toit. Les nouveaux matériaux sont apportés de la brousse par les générations anciennes : les « Massassi » apportent la paille et les « Sebessi » (« Kari de 2005 ») fournissent les traverses et fibres en bambou. A l’intérieur de l’enclos, les vieux sages font le tri de ces matériaux à l’insu des jeunes qui les ont apportés.

Les filles du groupe d’âge « Diarrassi » transportent l’argile, la bouse de vache et le kaolin et quelques mottes de termitière pour le badigeonnage de l’intérieur comme de l’extérieur de la case. Le 24 avril, les membres du groupe d’Age de « Kari » de 1998, nommé « Mogoyassi » confectionnent la nouvelle charpente et posent une couronne de paille au sommet de la charpente. Le jeudi 25 avril est consacré à la pose de la nouvelle paille sur la charpente par le « Mogoyassi ». Les jeunes filles, « les Diarrassi », font le crépissage de l’intérieur comme de l’extérieur de la case sous la direction des très vieilles femmes. Les motifs du dessin sont libres inspirations. Les cérémonies de sacralisation de la nouvelle toiture commencent le jeudi dans la soirée avec l’arrivée des griots du village de Kela. Ces griots viennent à pieds de Kela et font une pause sur le site cultuel « Faradje ». Là, les Berete viennent les chercher pour les amener à la place publique où ils font sept fois le tour de la Case sacrée et sept fois le tour de la tombe de Massa Sema, le fondateur de la case. Ensuite les Berete les accompagnent dans la famille Fodela. Tout au long du trajet de Kela à la famille Fodela, les griots gardent le silence total.
Après le diner, les griots reviennent sur la place publique, rentrent dans la case jusqu’au petit matin. Toute la nuit, ils chantent les louanges des Keïta, font des incantations, retracent l’histoire du Mali jusqu’au petit matin. Ensuite, ils retournent à Fodela.
Le vendredi 26 avril, très tôt le matin, le groupe d’Age, les « Mogoyassi », placent la sculpture en calebasse au sommet du toit. Ce geste marque la fin de la confection de la nouvelle toiture.
Le vendredi soir est consacré à la montée solennelle du toit. Les Keïta de Kangaba et alliés dans la cour et les invités à l’extérieur. Juste, après la pose de la nouvelle toiture, c’est la liesse populaire. Les gens viennent de tous les coins pour formuler des vœux, la main posée soit sur la nouvelle toiture, soit sur le mur de la case. C’est l’unique moment où les étrangers peuvent toucher le mur ou le toit de la case.
Pendant toute la semaine de la réfection, les habits et objets de couleur rouge sont interdits dans la cour et aux abords immédiats de la cour. Le piquet de régulation des mœurs et le piquet sur la tombe de Massa Sema sont renouvelés à l’occasion de la réfection septennale.
Le Kamablon, Case sacrée de Kangaba, dont la construction remonterait à 1653, serait le dernier en date des Kamablons de l’aire culturelle du Mandé. Situé magnifiquement au cœur de la place publique (bara) de la ville de Kangaba, le Kamablon, Case sacrée de Kangaba, est un édifice de plan circulaire construit en terre (banco) et couvert d’un toit conique de chaume. Elle mesure 4 m de diamètre pour 5 m de hauteur. Ses murs sont élevés en briques crues recouvertes d’un crépi en banco. Il abriterait des objets et des éléments de mobilier d’une grande richesse symbolique pour la communauté. Les murs, à l’intérieur et à l’extérieur sont ornés de peintures sensées prédire l’avenir du Mandé pendant les sept années suivant la réfection du toit. L’édifice est associé à des éléments sacrés qui l’entourent. Ces éléments sont : le puits, les trois plantes (fromagers), le terre-plein carré appelé « wasi », la tombe de Mansa Sèmè, fondateur et premier prêtre de la Case sacrée et les piquets de régulation des mœurs.
La réfection de son toit qui a lieu tous les sept ans, se déroule à chaque édition d’un vendredi à un vendredi et s’accompagne de plusieurs activités socioculturelles rassemblant tous les ressortissants du Mandé, et de nombreux visiteurs venant de plusieurs contrées du Mali. La cérémonie est organisée par les membres du clan des Keïta – descendants du fondateur de l’empire du Mali, Soundjata Keïta – et par les griots du patronyme Diabaté, du village de Kéla, situé à 6 km au sud-ouest de Kangaba, lesquels sont les détenteurs de l’histoire du Kamablon et des traditions et expressions culturelles qui lui sont liées (contes, légendes, épopées, mythes, proverbes, chansons, etc.) du Mandé.
Toutes ces activités sont exécutées par des jeunes filles et des jeunes garçons dirigés par des hommes et des femmes avertis du statut social et de la moralité de chacun des jeunes gens. Ces hommes et ces femmes officient comme guides et initiateurs des générations montantes. Ils disposent de savoirs et de savoir-faire dans la conservation de la Case sacrée, tant dans ses aspects physiques qu’en ce qui concerne le patrimoine intangible associé. La supervision générale est assurée par les dignitaires dépositaires des sciences liées à la Case sacrée.
Les matériaux utilisés pour la réfection du toit sont : les bambous, (bô wontan), [Oxynanthera Abyssinica] la paille, (cêkala) [Andropogon Caniculatus] et les lianes réputées être de meilleurs attaches. Ceux utilisés pour la réfection des murs sont l’argile noire, symbole de la fertilité et du secret, la poudre du charbon de bois, symbole du chaos initial, le kaolin, symbole de la lumière, le savoir et l’espoir.
La réfection du Kamablon est donc un événement rituel d’une haute portée culturelle et symbolique, au cours duquel les traditions orales sont déclamées et chantées, transmettant l’histoire orale de l’empire du Mali à ses descendants des temps modernes dans la région du Mandé.
« Elle consacre la réunification des membres du clan et de la famille autour d’un symbole puissant de leur identité culturelle ». D’où son inscription, le 30 septembre 2009, sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO et son classement dans le patrimoine culturel national par décret n° 05-547/P-RM du 20 décembre 2005 et dans le patrimoine culturel national dans le registre des biens culturels immatériel du Mali par décret n° 2011- 237/P-RM du 12 mai 2011.

Mamadou Cissé
chef de la Mission culturelle de Kangaba

L’Essor