L’inamovible président de l’Assemblée permanente des Chambres d’agriculture du Mali (Apcam) et de la Confédération des sociétés coopératives des producteurs de coton (C-SCPC), Bakary Togola est rattrapé par sa gestion calamiteuse des fonds des paysans. Il est dans l’œil du cyclone pour des détournements présumés d’environ 3,4 milliards de F CFA sur juste quatre ans.

 

En prenant fonction, le nouveau Procureur de la République près le Tribunal de la Commune III du district de Bamako, chargé du Pôle économique et financier de Bamako a secoué le cocotier. A la faveur d’une conférence de presse, Mamoudou Kassogué a laissé entendre qu’aucun dossier relatif à des faits de corruption ne lui échappera. Il a notamment signalé des enquêtes en cours sur l’affaire des avions et équipements militaires et les ristournes des paysans de la C-SCPC où des suspicions de détournements d’argent sont constatées.

Bakary Togola s’est véritablement senti échaudé à la suite de cette conférence de presse, considérée comme la rampe de lancement du Procureur anti-corruption. Pour la simple raison qu’il est soupçonné de malversations et autres détournements au préjudice de la structure qu’il dirige depuis plus d’une décennie avec des complicités internes et externes.

Selon des indiscrétions, se fondant sur nos enquêtes, le Pôle économique et financier est sur les traces de 3,4 milliards de F CFA détournés à la C-SCPC sur quatre ans, soit sur la période 2014 à 2018. De lourds soupçons pèsent sur Bakary Togola en sa qualité de président du conseil d’administration. Il est chargé de signer tous les états financiers et toutes les dépenses relèvent de sa crédibilité à travers ses différentes signatures.

Bakary Togola fort de son rôle de président s’entête à faire main basse sur les ristournes estimées à des milliards de F CFA, payées par la Compagnie malienne de développement textile (CMDT) aux paysans en plus des financements d’autres partenaires telle que l’Agence française de développement (AFD). Selon des sources proches de ce dossier, M. Togola s’arrange toujours à cacher le montant exact des ristournes payées par an par la seule CMDT dont la somme atteint 1 à 3 milliards de F CFA.

Main basse sur un pactole

Au lieu que cet argent aille dans les comptes des différentes sociétés coopératives du pays pour les besoins de la formation, l’achat d’intrants agricoles et autres de quelque quatre millions de producteurs de coton, le président lui-même et son cercle fermé s’en servent à la pelle.

A l’opposée de toute règle comptable et financière, c’est lui qui détient le chéquier dans son sac, distribue de l’argent à qui il veut, attribue les ristournes aux sociétés coopératives à la tête du client, utilise son neveu comptable, un certain Mamadou Togola pour les besoins de la cause.

D’autres faits majeurs qui accablent M. Togola sont qu’il a travaillé en dehors de toute orthodoxie financière. Pour la simple raison que la C-SCPC n’avait même pas de comptabilité viable pendant de bonnes années, de sa création en 2007 jusqu’en 2014. C’est à partir de 2014 que les bailleurs de fonds que sont l’AFD et la CMDT ont exigé la mise en place d’une comptabilité, gage d’une gestion transparente et saine. Ce qui a nécessité d’ailleurs le recrutement de deux comptables pour Sikasso et Fana et d’un responsable administratif et financier (Raf) pour le siège à Bamako.

Ayant pris très au sérieux et surtout peur du rouleau compresseur de la machine judiciaire plus que jamais déclenchée, Bakary Togola ne dort plus que d’un œil. Lui-même est sûr de ses gaffes financières et ne peut plus que se prévaloir de ses propres turpitudes. Selon nos sources, le président de la C-SCPC est en train de remuer ciel et terre pour se couvrir, toute honte bue de ses malversations de ces quelques années. Certains de ses cadres et des membres du bureau de la C-SCPC ont commencé à défiler devant les enquêteurs du Pôle économique à l’ACI 2000.

Il nous revient qu’il a réuni il y a de cela quelques jours, ses proches collaborateurs en vue de colmater les brèches ensemble. Le langage qu’il leur a servi a été celui de la solidarité pour couvrir les différentes malversations. Selon toujours nos radars pointés du côté de la C-SCPC, Bakary Togola travaille en ce moment à réunir de vraies fausses factures et autres justificatifs pour couvrir ses présumés détournements.

Bakary Togola est cité dans d’autres affaires sulfureuses comme l’imitation de la signature du Pr. Baba Berthé, PDG de la CMDT, dans une affaire de commande d’intrants agricoles, d’écoute téléphonique de son ex-responsable administratif et financier. Il y a aussi la commande d’engrais de mauvaise qualité en 2015 pour plus de 64 milliards de F CFA dont les enquêtes sont pendantes au Pôle économique et financier de Bamako

Pour ce cas précis de détournements présumés de ristournes des cultivateurs de coton dans le cadre de la C-SCPC, le Pôle économique et financier a été saisi par dénonciation d’une tierce personne, sous le procureur sortant, Mamadou Bandiougou Diawara. Il se trouve aussi que des paysans de certaines localités, abusés par les pratiques mafieuses de M. Togola, ont de leur côté des dents contre lui. Ils ne sont pas étrangers à ces enquêtes judiciaires.

Le Procureur Mamoudou Kassogué doublé de syndicaliste qui était le substitut de Mamadou Bandiougou Diawara avant sa nomination est donc en terrain connu. Il est au fait de tous ces dossiers sulfureux pour y avoir déjà enquêté sous les ordres de son procureur. Il ne va sans nul doute pas lâcher prise.

A suivre.

Abdrahamane Dicko

30minutes