Malgré la soif de justice dont souffre le peuple du Mali, depuis belle lurette, malgré les multiples dénonciations du fléau de la corruption par différentes composantes de la nation, l’initiative d’enquête du procureur anticorruption qui a déjà permis d’envoyer un présumé coupable derrière les barreaux, semble laisser la classe politique malienne, de manière générale, et même les chancelleries indifférents. Aucun communiqué officiel, aucune annonce de soutien à l’initiative du procureur KASSOGUE n’a jusque-là été enregistré.

 

Le Procureur Mamadou KASSOGUE vient d’ouvrir la brèche dans la lutte contre la corruption au Mali. À cause de cette pratique, le pays perd par an plusieurs dizaines de milliards de FCFA. Selon les chiffres de la plateforme de lutte contre la corruption, la perte occasionnée par la corruption à l’économie nationale est faramineuse. Elle avoisine les 250 milliards de FCFA par an. De quoi susciter la colère, l’indignation des bailleurs de fonds du Mali ou des chancelleries.
En aparté ou publiquement, à l’image l’ancien ambassadeur d’Allemagne au Mali, certains milieux diplomatiques n’ont pas hésité à sortir de leur silence pour dénoncer les « voleurs de la république ». En fin de mission diplomatique de quatre ans au Mali, l’Allemand Dietrich Becker lors d’une rencontre en fin juin a fini par cracher le morceau. Pour lui, c’est la corruption qui freine les investisseurs allemands à venir au Mali. Quelques semaines, plus tard lors d’une interview accordée à nos confrères de l’Indépendant, il va plus loin : « (..) si un investisseur allemand me rend visite dans le but de me demander conseil pour investir au Mali, je me sens obligé de lui répondre : ‘’Non’’. Ce n’est pas qu’une question de sécurité. Vous serez bien parmi les Maliens, mais vous n’aurez aucune chance de sortir victorieux d’un verdict de la justice malienne. La bureaucratie est trop lourde, l’assiette fiscale est trop petite et se concentre sur le secteur formel. Et, en tant qu’étranger, vous êtes obligé d’investir dans ce secteur qui est étouffé par la corruption, les Impôts ».
Après les déclarations, les mises en garde aux partenaires, des autorités ont décidé d’agir si ce n’est pas un bluff pour clamer la colère de certains clients révoltés. Ce qui a suscité l’affaire Bakary TOGOLA.
Tout a commencé, il y a quelques jours avec l’arrestation du très bavard président de l’APCAM non moins militant du parti présidentiel, Bakary TOGOLA, conduit au gnouf par le Procureur Mamadou KASSOGUE suite à une affaire de ristournes aux cotonculteurs de la CMDT sur un montant de plus de 9 milliards entre 2013 et 2019.
Bientôt une semaine après l’acte du procureur du pôle économique et financier de la CIII de Bamako en charge de la lutte contre la corruption, presque aucune réaction de la classe politique, des chancelleries pour condamner ou saluer le geste qui suscite plein d’espoir chez nombre de Maliens.
En d’autres circonstances, ces acteurs n’ont pas pris du temps à réagir. Pourquoi pas ce même geste suite à cette initiative du procureur de la République.
Le même silence est observé au sein des organisations de la société civile de lutte contre la corruption. À part, l’interview accordée par le porte-parole de la Plateforme de lutte contre la corruption et le chômage PCC, Clément DEMBELE, à nos confrères de la RFI, il n’y a officiellement eu aucune déclaration de la part de ces organisations pour soutenir et encourager l’initiative enclenchée par le Procureur.
Au même titre que ces organisations de la société civile, le peuple de façon générale, qui a soif de justice, a également une belle occasion de se faire entendre tout en exigeant l’arrestation de tous ceux qui sont impliqués de près ou de loin à des affaires de détournement des deniers publics. En effet, sans une forte mobilisation de la société civile, cette affaire ne risque de se terminer en queue de poisson.

Par Sikou BAH

Source : Info-Matin