Il fait partie de cette jeune vague de créateurs qui sont en train de donner à l’art malien un nouveau virage. Généralement titulaires de diplômes d’études supérieures, jeunes et férus des TIC, volontaires et ambitieux, ils n’attendent pas d’être assistés. Ils foncent avec leurs propres moyens, si maigres soient-ils, et décrochent la reconnaissance au Mali et à l’extérieur.

Les œuvres de Tiécoura N’Daou ont déjà parcouru une bonne partie du monde : de Mopti à Sao Paulo (Brésil), en passant par Bamako, Ségou, le Sénégal, le Bénin, l’Afrique du Sud, l’Allemagne, la France, la Belgique, l’Espagne, les Pays-Bas, les Etats-Unis.
Le jeune vidéaste de 36 ans expose, anime des ateliers à la fois pour adulte et pour enfant, participe à des colloques, et donne des cours sur l’art numérique, la photographie, le webdesign et la vidéo à travers le monde et au Conservatoire des arts & métiers multimédia Balla Fasséké Kouyaté de Bamako. Officiellement, il est actuellement assistant de recherche/réalisateur multimédia.
Né en 1983 à Mopti, dès son jeune âge, il dessine et peint des figures d’humains et d’animaux, des bâtiments qu’il vend aux touristes. Ce qui lui permet de subvenir à ses petits besoins. Il est d’ailleurs encouragé par de nombreux touristes à s’inscrire à l’Institut national des arts (INA) après le Diplôme d’études fondamentales (DEF). Mais son père préfère qu’il fréquente le lycée. Il continue à dessiner et se perfectionne de plus en plus. Une fois le Bac dans la série Sciences humaines en poche, en 2004, il s’inscrit à la Faculté des langues, arts et sciences humaines (FLASH) pour étudier les sciences de l’éducation, sans grande conviction, car il était toujours attiré par l’art. Néanmoins, il poursuit ses études, histoire de se forger un bagage intellectuel et donner du contenu à ses œuvres. Il décroche successivement le Diplôme d’études universitaires générales (DEUG), en 2006 et la Licence en 2008.

LABORATOIRE DE CRÉATION- Tiécoura N’Daou intègre ensuite le Conservatoire des arts & métiers multimédia Balla Fasséké Kouyaté, en 2009, dans la section multimédia pour se consacrer aux arts numériques, à la photographie et à la vidéo. Il a dû expliquer qu’il étudiait l’informatique, afin d’échapper à l’opposition d’une partie de sa famille, qui ne veut pas entendre parler d’art.
Il effectue ensuite des stages de formation en design graphique au Centre d’études universitaires (CEU) Universidad Cardenal Herrera à Valence en Espagne. Une expérience qui aiguise son intérêt pour les TIC.
Remarqué à la Biennale de Dakar Off pour sa vidéo « Les naufragés de la Méditerranée », il est invité à « Travesia », exposition sur le thème de l’émigration organisée par le Centre Atlantique d’Art Moderne (Las Palmas, Canaries). Il a également été convié en collectif avec les étudiants du l’ENSAD de Paris à présenter les travaux sur l’hôpital de Mopti à la Fondation Blachère, en France, en octobre 2008.
Tiécoura N’Daou collabore avec « Afrique in visu » depuis 2006. Lancée à Bamako lors de la 5è édition des Rencontres africaines de la photo, cette plateforme participative autour de la photographie en Afrique constitue une véritable archive vivante. C’est aussi un laboratoire de création et un lieu de dialogue. Elle rassemble aujourd’hui plus de 1000 articles publiés, mais elle a surtout permis l’existence d’expositions, d’ateliers de formation, de projets divers autour de l’image…
Ses solides connaissances techniques permettent à Tiécoura N’Daou, grâce à des images numérisées et créant des effets visuels légers et délicats, de parler efficacement aux jeunes, et à les aider à prendre conscience des dangers et de l’impact du mirage européen.
C’est en peintre qu’il manie les contrastes graphiques. Étranges et décalées, ses images, derrière la gravité de ses propos, révèlent un jeune artiste responsable, dont le style aérien et très visuel est empreint de politesse et de modestie.

COSMOGONIE DOGON- Pour lui, il y a deux aspects dans l’image : la représentation du sujet et la vision de l’artiste. Une image est une représentation visuelle, voire mentale, de quelque chose (objet, être vivant et/ou concept). Elle peut être naturelle, ombre ou reflet, ou artificielle, sculpture, peinture, photographique, visuelle ou non, tangible ou conceptuelle (métaphore), elle peut entretenir un rapport de ressemblance directe avec son modèle, ou au contraire y être liée par un rapport plus symbolique.
Après une première participation en 2013, Tiécoura N’Daou était le 2è Africain sélectionné pour participer à la 19è édition du Festival international de Sao Paulo, au Brésil en 2015.
Ce festival d’art contemporain « Sesc Videobrasil » est l’une des plus grandes manifestations d’art contemporain au monde.
Il est consacré à la diffusion, la promotion et la réflexion sur l’art et les productions de l’hémisphère sud, une zone comprenant l’Amérique latine, les Caraïbes, l’Afrique, le Moyen-Orient, l’Océanie et certains pays en Europe et en Asie. Le thème de cette édition était « Changements géopolitiques ».
Soixante-deux artistes de 27 pays participent à une des trois expositions que propose le 19è Festival d’art contemporain « Sesc videobrasil ». Cinq d’entre eux sont des artistes invités. Les 57 autres ont été sélectionnés par le biais de deux appels d’offres ouverts.
Tiécoura N’Daou y avait présenté un pan de la cosmogonie dogon à travers une vidéo. Dans cette vidéo, il donne à voir une des cérémonies funèbres les plus importantes du peuple dogon du Mali. C’est une société pleine de mystères. La sortie des masques a lieu lors de la levée de deuil d’un patriarche.
Tiécoura N’Daou se trouve actuellement à Sao Paulo pour sa 3è participation à cette grande manifestation artistique. Cette année, il présente une vidéo expérimentale sur le thème de ‘L’eau, comme le miroir du monde’. Notre artiste travaille sur un autre projet d’importance intitulé : « Cartographie des régions musicales du Mali ». Ce dernier lui a permis d’être le lauréat du concours Digital Lab Africa (DLA) dans la catégorie web création. Il consiste en la création et à la mise en ligne d’une série de documentaires sur la musique malienne. Ce sera une sorte de bibliothèque digitale de notre musique. Il s’agit pour lui d’aller dans chacune des aires culturelles pour faire des interview des musiciens et des interprètes de tout âge, de tout sexe pour les mettre en ligne.
DLA encourage à travers ce concours des jeunes ayant des projets innovants et aide à leur concrétisation. Les 30 finalistes africains ont été invités à venir présenter leurs projets respectifs devant un jury à Johannesburg en Afrique du Sud. Dix projets ont été retenus. Celui de notre compatriote est retenu dans la catégorie « Web création ». à ce titre, il participe à un certain nombre d’évènements. Le premier était un atelier de formation, puis il prendra part au « African digital Festival », au cours duquel, Tiécoura a présenté son projet devant un panel de professionnels, de structures de formation et de financiers venant du monde entier. Il était l’unique Francophone de la rencontre et il a tapé dans l’œil des organisateurs du Festival international du film d’animation d’Annecy (France). Son projet a donc bénéficié d’une aide en moyens techniques et en formation.