Au total, ce sont 17 personnes qui ont témoigné, lors de la 4è audience publique de la Commission, vérité, justice et réconciliation (CVJR), des atrocités qu’elles ont subies du fait de la violation grave des droits de l’Homme. Individuellement et collectivement, ces victimes ont exprimé leurs maux devant un panel composé de cinq membres et dirigé par le président de la CVJR, Ousmane Oumarou Sidibé.

 

Les descendants de Bourama Sissoko, Abass Diawara et Mamadou Diarra, tous hauts fonctionnaires sous le régime de Modibo Keïta, sont sortis de leur silence, au cours de cette rencontre, en dénonçant les conditions de détention de leurs parents. Mais aussi, plusieurs autres responsables d’alors. Ces événements se sont déroulés suite au coup d’État du 19 novembre 1968 contre le président Modibo Keïta.

Après leurs arrestations, les autorités de l’époque ont été dispersées à travers le territoire, selon leurs progénitures. «Modibo Keïta se trouvait à Kidal où il était mal traité au point d’avoir perdu le goût de la nourriture», ont-elles confié, avant de révéler que pour cacher son identité, les gardes pénitentiaires d’alors l’appelaient entre eux le «numéro un».

Si le président de la première République a été «assassiné» en prison, certains de ses collaborateurs ont été libérés quelques années plus tard. Cependant, selon les intervenants, même après leurs libérations, ces derniers ont continué à être «humiliés» par le régime de Moussa Traoré.

Pour eux, le pouvoir de cette époque voulait détruire les familles des membres du premier régime de notre pays.

«Dès le lendemain du coup d’État, nous, on ne recevait que le quart des salaires de nos parents, dont les biens ont été confisqués», ont-ils dit. Avant d’ajouter que cette situation a beaucoup joué sur l’éducation de la plupart d’entre eux.

Animés, aujourd’hui, d’un sentiment de vivre ensemble, les descendants de ces anciens dignitaires ont demandé l’adoption du 9 août comme journée du drapeau, du pardon et de la réconciliation.

Car, selon eux, c’est le 9 août 1961 qu’a été signé le décret de création du drapeau national.
Outre les réparations matérielles et morales qu’ils ont sollicitées pour les ayants droit des autorités du premier régime de notre pays, les intervenants ont requis la réhabilitation de la maison de l’ancien président Modibo Keïta.

De son côté, le village d’Amidi Ag Kanine a été attaqué par un groupe armé, il y a quatre ans dans la Région de Ménaka.
Le pauvre Amidi Ag Kanine a perdu 12 personnes de sa famille à cause de ces événements malheureux. Mais aussi, «15 millions de Fcfa et trois boutiques».
Au-delà des dégâts humains, selon lui, les assaillants ont brûlé la localité, forçant les habitants à fuir vers Ansongo (Région de Gao).
Le survivant Ag Kanine a demandé aux autorités de trouver une solution à cette situation, afin que les populations puissent retourner dans leur village.
En attendant, il a souhaité que le gouvernement vienne en aide à ces personnes en détresse.

Deux rescapés d’une attaque terroriste perpétrée contre le village de Yoro dans le Cercle de Koro ont brisé le silence lors de cette audience. Ces faits se sont déroulés, le 16 juin 2019.
«C’est aux environs de 16 heures que les assaillants sont venus à moto dans notre localité.
Dès leur arrivée, ils ont commencé à tirer sur les gens», ont déclaré les deux survivants sous l’anonymat pour des raisons de sécurité. Selon eux, cette attaque a coûté la vie à 115 personnes, dont certaines brûlées vives.
«Ces individus ont emporté tous nos bétails et brûlé notre hôpital ainsi que nos boutiques et nos moyens roulants», ont-ils ajouté. Après l’intervention des militaires, selon eux, les terroristes sont revenus dans le village pour faire la paix avec les populations tout en instituant la «charia».

Aujourd’hui, ces deux rescapés ne savent plus la situation dans laquelle vivent les habitants.
Ils ont sollicité, au cours de cette rencontre, le déminage des axes routiers qui se trouvent aux alentours de leur village, situé à peu près à 18 km de la frontière du Burkina Faso. Mais aussi, la réalisation des points d’eau, la création d’un programme d’urgence alimentaire et la réouverture des écoles, fermées depuis 2012.

S’agissant de Korotoumou Sangaré, elle a témoigné de l’enlèvement de sa mère par des «rebelles».
Ces événements se sont déroulés, en 2012, dans la Commune de Youwarou (Mopti).
Selon elle, ces individus ont kidnappé sa maman pour seulement sa «beauté», affirmant qu’elle a été par la suite victime de «violence sexuelle».
«Un jour, ma mère a pu s’échapper grâce à l’aide d’un collaborateur des assaillants et à son retour, elle était tripotée», a confié la jeune fille, larmes aux yeux.
Avant d’ajouter que cette situation a gravement détérioré la santé de son parent qui est décédé par la suite. Aide-soignant de son état, Korotoumou Sangaré a demandé au gouvernement et ses partenaires de prendre soin des études de ses frères et l’aider à avoir un travail, lui permettant d’assister son mari.

Mahamed Yahia Ould Hasni a déclaré que son père a été «enlevé par nos militaires».
Ces faits ont eu lieu, en 1991, à Tombouctou, en pleine journée. Selon lui, un jour, «un convoi militaire s’est introduit chez eux pour arrêter son père de façon inattendue».

«Quelques jours plus tard, nous avons appris que notre père a été tué et mis dans un fossé avec d’autres personnes», a déclaré Mahamed Yahia Ould Hasni.
D’après lui, du fait de cette situation, ses «deux mamans» n’osent plus aller, aujourd’hui, à Tombouctou. Il a ajouté que ces événements ont complètement bouleversé leurs vies au quotidien. Maintenant, il est difficile pour Mahamed Yahia Ould Hasni de pardonner cet acte sans «connaître les bourreaux de son père et le lieu où il est enterré afin de pouvoir se recueillir sur sa tombe».

 

Bembablin DOUMBIA

Source : L’ESSOR