Trois individus et un groupe de femmes viennent d’être magnifiés par les pouvoirs publics pour la dextérité exceptionnelle dont ils font preuve dans leurs domaines d’activité.

 

Notre pays reconnaît désormais cinq nouveaux Trésors humains vivants. La cérémonie de proclamation a eu lieu hier dans la salle de conférence du Mémorial Modibo Kéïta. Présidée par la ministre de la Culture Mme N’Diaye Ramatoulaye Diallo, la rencontre s’est tenue en présence d’Hervé Huo-Marchand, le chef du bureau Unesco de Bamako et son collègue chargé du programme culture Ali Daou. On notait aussi la présence des récipiendaires et des parents et alliés, ainsi que de nombreux d’invités.
Mme N’Diaye Ramatoulaye Diallo a remercié tous ceux qui ont contribué à la collecte d’informations sur les nominés au titre de Trésor humain vivant et à l’organisation de la présente cérémonie. Pour elle, cette cérémonie, certes modeste, est d’une importance capitale pour le ministère en charge de la conservation, de la sauvegarde et de la promotion de la culture et du patrimoine culturel national. Elle marque la reconnaissance du talent, de l’engagement, du mérite.
Le choix de ces personnes n’est pas fortuit, car elles incarnent, à un haut niveau, des compétences, des connaissances et du savoir-faire nécessaires pour interpréter ou recréer en permanence des éléments spécifiques du patrimoine culturel immatériel des communautés. En fonction de leur interaction avec la nature, elles procurent aux communautés un sentiment de fierté et de continuité culturelle, contribuant ainsi à promouvoir le respect de la diversité culturelle et de la créativité humaine.
« Par vos activités au quotidien, vous adoucissez les multiples souffrances de vos compatriotes, parfois des personnes venues de très loin », a rappelé la ministre de la Culture. Par leurs savoirs et savoir-faire, liant mythe et réalité, les Trésors humains vivants positivent le comportement de milliers de personnes, redonnent santé, espoir et joie de vivre aux personnes en détresse. Quelle tâche noble et exaltante !
La proclamation des Trésors humains vivants du Mali n’est point une récompense mais tout simplement la reconnaissance des efforts consentis au prix d’énormes sacrifices, avec honneur et dignité, au bénéfice des populations. « Les modestes contributions que l’Etat vous apporte ne visent qu’à vous encourager et à soutenir vos actions quotidiennes », a expliqué la ministre de la Culture qui précisera qu’il ne s’agit point de donner leurs connaissances à l’Etat, mais plutôt de leur permettre de préserver et de promouvoir la valeur scientifique de leurs connaissances, de les encourager à assumer leurs responsabilités pour la pérennisation de leurs savoirs et savoir-faire par la transmission à leurs descendances et aux personnes auxquelles ils font confiance.
Les connaissances, savoirs et savoir-faire n’ont de valeurs que s’ils sont transmis de génération en génération, a souligné Mme N’Diaye Ramatoulaye Diallo en s’appuyant sur une citation d’Igor Fiodorovitch Stravinsky, compositeur russe de musique : « Une tradition véritable n’est pas le témoignage d’un passé révolu ; c’est une force vivante qui anime et informe le présent. Bien loin d’impliquer la répétition de ce qui fut, la tradition suppose la réalité de ce qui dure. Elle apparaît comme un bien de famille, un héritage qu’on reçoit sous condition de le faire fructifier avant de le transmettre à sa descendance ».
Le maître chasseur (Donsoba) Adama dit Gossi Niakaté a été proclamé Trésor humain vivant dans le domaine des sciences cynégétiques. Né en 1928 à Fanga, cercle de Yélimané, Adama dit Gossi Niakaté est adulé, respecté et craint, en raison de ses connaissances de l’univers de la chasse et ses pouvoirs mystiques. Il est chanté par les aèdes de la chasse au Mali et dans la sous-région. Géomancien, thérapeute-herboriste, il sait prévoir, prévenir et chasser les mauvais sorts, répandant ainsi l’espoir et prodiguant la joie à de nombreux nécessiteux qui viennent le consulter. Il s’est illustré dans la chasse, en abattant les animaux les plus féroces comme les lions et les panthères. Président de la Fédération nationale des chasseurs du Mali, dépositaire de nombreuses traditions ésotériques du monde de la chasse, ce Donsoba tient à transmettre ses savoirs et pouvoirs aux jeunes générations.
Asmane Traoré, né en 1947 à Djenné, est désormais un Trésor humain vivant. Issu d’une famille de broderie traditionnelle dans laquelle il excelle, sa renommée a franchi les frontières du Mali. À son actif plusieurs œuvres remarquables en cotonnade. Ses styles favoris sont le « Wakiaten et le Tionkinyé » qui permettent de réaliser des dessins, d’obtenir des reliefs à l’aide de supports tels que le cuir, le crayon, le carton sur lesquels il brode avec le fil choisi et exécute les motifs comme les triangles et des cercles les plus délicats et complexes avec une grande finesse.
Bocar Alpha Cissé est le troisième Trésor humain vivant. Né vers 1953 à Tombouctou, il est célèbre pour sa dextérité dans le domaine de la broderie à la main. Il est l’auteur de plusieurs tenues traditionnelles à Tombouctou réservées aux cérémonies de mariage, de baptême et aux fêtes religieuses ; symboles de la bourgeoisie et de l’intelligentsia.
Alzadar est le quatrième récipiendaire. Maître géomancien et guérisseur, Cheickh Sidaty Kanté dit Alzadar est né vers 1978 à Djidiéni, dans le cercle de Kolokani. Fils de feu Cheick Oumar Kanté, marabout et de feue Fatoumata Sakiliba ménagère, Cheick Sidaty Kanté dit Alzadar a été initié à la géomancie par Diara Coulibaly, un maître géomancien originaire de la même localité que lui.
Dans ce domaine, il se fera très vite un nom quand il hérita d’un « djin » (diable) du nom de Alzadar et de la table divinatoire de seize trous. L’homme excelle également dans les connaissances coraniques, héritées de feu son père Cheick Oumar Kanté, érudit et phytothérapeute. La première mosquée de Djidiéni est l’œuvre de son père.
Les célèbres potières de Kalabougou ont été proclamées aussi Trésors humains vivants.
Ces femmes de Kalabougou, localité de la commune rurale de Farako, cercle de Ségou, excellent dans la poterie. Pétries de savoirs et de savoir-faire dans la transformation de l’argile, elles produisent des œuvres identifiables par la richesse et la diversité de leurs formes, de leurs décors et de leurs couleurs. Leurs créations se distinguent toujours par un petit détail. Regroupées en une coopérative dénommée « Kotognontala », comptant environ 300 potières, ces femmes forment un groupe pluriethnique composé de bambara et de bozo de la caste des forgerons. Elles méritent une reconnaissance nationale pour leurs efforts dans la préservation et la perpétuation d’une technique qui doit être transmise aux générations futures.

Youssouf DOUMBIA

L’Essor