Avec un pousse-pousse rempli de fruits qu’elle traîne tous les jours dans Bamako, Biba, la trentaine, femme battante parvient à tirer son épingle du jeu. Le blogueur Seydou Sylla a passé une journée avec elle.

Darsalam, Bamako, 22 mai 2019. A 7 heures,  avec Biba, nous commençons notre journée, à Farasso Carré. Regard timide, svelte, mais une envie ardente de réussir dans la vie : c’est ce qui caractérise Biba, à mon avis. Elle vient de faire sortir son pousse-pousse chargé de fruits qu’elle a achetés la veille dans un dépôt sur la route de Koulikoro, pour les revendre en détails.

Bamakan Sissoko, appelée « Biba » par les proches, est née à Toukoto, dans la région de Kayes. Non orientée après l’obtention de son DEF (Diplôme d’études fondamentales), pour des raisons qu’elle n’a pas évoquées, Biba est venue suivre des cours dans une école privée à Bamako, grâce à l’aide de son frère, pour obtenir par la suite le BT2 (Brevet de technicien).

Après trois ans de stage, elle ne parvient pas à avoir un boulot. Biba décide alors de faire du commerce. « Au début, je vendais des morceaux de pastèques dans une assiette que je portais sur ma tête.  Après quelques mois d’économies, j’ai pu acheter un pousse-pousse que je remplis de fruits pour les revendre dans les rues de Bamako », explique-t-elle.

Pas de travail exclusivement pour hommes

Si certains métiers sont considérés comme exclusivement réservés aux hommes, il se trouve néanmoins des femmes qui tentent chaque jour de briser ce mythe. Biba en est une parfaite illustration.  Lorsque je lui demande d’où elle sort  cette force surhumaine pour faire ce travail réservé généralement aux hommes, avec son visage en sueur, le regard de femme engagée à fond, elle lance : « Être femme ne veut pas dire qu’on ne peut pas faire ce que font les hommes comme travail. En sortant le matin mon pousse-pousse, je ne pense nullement à la fatigue que je vais ressentir, mais plutôt à pouvoir gagner un peu d’argent pour subvenir à mes besoins et envoyer un peu d’argent à ma mère et mes frères restés à Toukoto ».

Biba ne manque pas d’attirer le regard des autres personnes, qui ne comprennent pas pourquoi une femme aussi belle fait un travail réservé à des portefaix. L’essentiel, pour elle, c’est de bien faire son travail qu’elle aime et gagner sa vie : « D’autres disent que je ne suis même pas Malienne. Parce que pour eux, une femme malienne n’est pas capable de faire ce genre de métier. Pour eux, je suis tout sauf une Malienne. »

A la sueur de son front

Après une journée chargée à la recherche de clients avec Biba dans les rues de Bamako, nous nous dirigeons vers un point de repos qu’elle a trouvé, devant la direction de l’élevage, juste derrière le Lycée Askia Mohamed, en plein cœur de Bamako. C’est là que Biba se repose avant la tombée de la nuit pour continuer la vente de ses fruits devant les restaurants ou lieux de regroupement jusqu’à minuit. Cependant, cela n’est pas sans conséquences pour elle. Son fiancé se plaint quelques fois lorsqu’elle rentre tard.

Un de ses clients nous trouve sur place, un gendarme. « J’achète régulièrement des fruits avec elle, elle mérite d’être encouragée. C’est un exemple que les autres femmes doivent suivre », confie ce dernier.

La sœur de Biba, que nous avons rencontrée à la tombée de la nuit, se lamente de voir sa sœur incapable de dormir souvent, la nuit. Elle nous apprend qu’elle a actuellement des problèmes de nerfs, mais ne veut pas abandonner. Biba ne veut qu’une seule chose : « vivre à la sueur de son front ».

Source: benbere