Les marchés sont peu approvisionnés. Les vendeurs pointent du doigt les racketteurs . D’autres estiment que nos animaux traversent la frontière vers les pays voisins, où le marché serait plus lucratif

 

11 heures ce vendredi au terrain Chaba de Lafiabougou. Sous un soleil de plomb, vendeurs et animaux se disputent le peu d’ombre disponible. Cet espace est à moitié vide cette année. D’ordinaire, il reçoit en moyenne un millier de bétail sur pied à la veille de la fête depuis plusieurs années. Cette année, les coopératives de vendeurs de bétail n’ont pas pu mobiliser plus de 400 têtes. Quelques animaux sont éparpillés de part et d’autre. Qu’est-ce qui explique cette situation ?

Moustapha Traoré, la cinquantaine, teint noir, mince et élancé, porte un turban de couleur verte sur sa tête pour se protéger du soleil. Les lèvres sèches, la démarche nonchalante, il s’approche. D’une voix timide, il nous invite à le suivre sous l’ombre d’un arbre géant. «Le marché est morose cette année malgré un petit soutien du gouvernement», explique-t-il.

Dans le cadre de «l’Opération vente promotionnelle de bovins», le département en charge de l’élevage a mis sur le marché de Bamako 1.500 têtes de bovins. Leurs prix varient de 200.000 à 350.000 Fcfa. Les bœufs marqués de peinture de couleur rouge sont vendus entre 200.000 et 250.000 Fcfa. Ceux portant des tapons jaunes sont cédés entre 250.000 à moins de 300.000 Fcfa. Les bœufs portant une marque de couleur verte coûtent entre 300.000 à moins de 350.000 Fcfa, explique Moustapha Traoré.

Pour lui, l’insécurité a empêché plusieurs coopératives de ravitailler le marché bamakois cette année. Dozo (confrérie des chasseurs) et djihadistes exproprient les éleveurs de leurs bêtes. Par peur, la Coopérative de Dogofri qui apportait plus de 200 têtes, n’est pas venue cette année.

Tout comme celle de Diéma, de Nara, de Nampala, de Dili et Sokolo. Au motif qu’ils ne bénéficient d’aucun moyen de protection de leurs biens et de leurs personnes. Par exemple, les éleveurs de Dogofiri et ceux de Diabali se tournent vers la Mauritanie. Le bétail malien vendu dans ce pays voisin est réimporté au Mali à travers d’autres canaux, déplore Moustapha Traoré. Augmentant ainsi, selon lui, le coût du bétail sur pied.

Interrogé à cet effet, le président de la Coopérative des vendeurs de bétail « Niéta » évoque la hausse du prix de l’aliment bétail. Le litre de la mélasse, concentré issu de la cristallisation du sucre, est passée de 40 à 250 Fcfa, s’insurge Amadou Kola Dembélé. Pour le sexagénaire, les vendeurs de mélasse préfèrent vendre leur produit aux brasseries burkinabè qui produisent des boissons alcoolisées.

Au marché à bétail de Lafiabougou Koda, les parcs sont garnis. Bakary Tangara, la trentaine, masque respiratoire sur le nez, donne à manger aux bœufs. «La clientèle est très faible en cette période. Beaucoup d’entre eux demandent juste le prix. Le plus souvent nos tarifs sont au-dessus de leur bourse. Les prix d’achat sont élevés dans les zones d’approvisionnement», se plaint-il.

Debout à côté, Sékou Kéita est un diplômé sans emploi devenu vendeur de bœufs. Il invite les autorités à se pencher sur le cas des exportations incontrôlées. «Si une solution idoine n’est pas trouvée, bientôt la viande sera hors de prix au Mali», alerte-t-il. Selon lui, des dizaines de camions remplis de bœufs quittent tous les jours à destination des pays voisins où la sécurité est assurée.

«Une grande partie du bétail sur pied est importé aujourd’hui de la Côte d’Ivoire», révèle le septuagénaire Habib Denon, président de l’Association des vendeurs de bétail au marché de Sabalibougou. De l’intérieur du Mali à Bamako, les routes sont devenues des chemins de la mort où il faut faire face aux dozo, aux braqueurs, etc.

Certaines brebis galeuses de la police, de la gendarmerie et de l’armée rackettent les éleveurs. «Il y a deux semaines, sur la route de Douentza, deux camions chargés de bœufs ont été interceptés par des hommes armés. Ils ont vidé les camions et sont partis dans la brousse avec tous les animaux», conte Habib Denon.

Source : L’ESSOR