Lancée au Mali en 2001, la discipline a fait son trou chez nos compatriotes qui sont aujourd’hui plus d’un demi-millier à la pratiquer à travers le pays

 

Torse nu, les concurrents s’affrontent à tour de rôle. Debout autour d’une table à hauteur de ceinture, peinte aux couleurs du drapeau malien, vert-or-rouge et sous le regard d’un arbitre, les adversaires empoignent la main de l’autre et forcent chacun vers la zone de gagne (wind pad en compétition). Le gagnant est celui qui amène la main de l’autre au contact de la table, sans le blesser. Avec les mains attachées dans certains cas, quand les deux adversaires tergiversent sur le «go» du départ. Nous sommes dans une salle de bras de fer sportif à Médina-Coura, celle de l’Association sportive Néguè. Dans la même salle, s’entraînent des haltérophiles.

Les deux groupes se retrouvent presque tous les jours dans cette salle pour des séances d’entraînement qui durent plusieurs heures. Avant, le bras de fer sportif était considéré comme un jeu, un simple défi entre amis pour connaître le plus fort. Mais au fil des ans, la discipline est devenue un véritable sport de compétition au Mali. «Le bras de fer est un sport, c’est un jeu de tirage de bras qui se fait sur une table, utilisé pour connaître le plus fort. Il se pratique à deux. Les deux personnes s’assoient face à face autour d’une table et empoignent chacun le poignet de l’autre et forcent chacun vers la main non utilisée», explique Békaye Diawara «Salopard», le sélectionneur national-adjoint.

Selon le technicien, le bras de fer sportif a été lancé au Mali en 1997, mais c’est seulement en 2001 que la Fédération malienne de bras de fer sportif (FMBFS) a été créée. «Au départ, les pratiquants de ce sport étaient taxés de voyous et de délinquants. Ils faisaient peur, mais aujourd’hui ce n’est plus le cas», souligne le sélectionneur national-adjoint. «Aujourd’hui, il y a beaucoup de jeunes qui gagnent leur vie dans la pratique du bras de fer sportif. Chaque dimanche, il y a des compétitions dans toutes les Communes et les vainqueurs reçoivent toujours des prix. C’est une compétition comme toutes les autres disciplines», explique Békaye Diawara, avant de rappeler que les athlètes maliens ont remporté plusieurs trophées ces dernières années sous la houlette du champion d’Afrique en bras gauche, Ibrahima Alouwata Keïta «Toh».
Le bras de fer sportif est également pratiqué par les femmes, à l’instar de Koyan Keïta qui a été la première athlète à soulever le trophée de championne du Mali.

Parmi les autres athlètes qui se sont illustrées ces dernières années, on peut citer Aïcha Koné, sociétaire de Sanga Force de Sangarébougou et Kadidiatou Keïta de l’AS Néguè de Médina-Coura. Chaque année, la FMBFS, organise un championnat national qui met aux prises les meilleurs athlètes du pays à l’issue duquel, la direction technique de l’instance sélectionne les combattants sacrés dans les cinq catégories qui existent dans la discipline : les 65 kg, les 75kg, les 85kg et les 95 kg et plus.
Selon le sélectionneur national-adjoint, le bras de fer est un sport qui est constitué de 80% de force et 20% de technique. «Pour être champion de ce sport, il faut travailler la force et la technique. La force sans la technique conduit inéluctablement à la défaite», explique le technicien avant de renchérir : «Actuellement, il y a cinq champions au Mali qui sont Mahamadou Kourekama, (65 kg), Yacouba Barro (85 kg), Cheick Oumar Ballo «Danger» (100kg), Yacouba Konté (95 kg) et Mamadou Kanté (75 kg)».

L’une des particularités du bras de fer sportif, c’est que tout le monde peut le pratiquer. Il s’agit, en effet, d’un sport musculaire accessible à tous. Il faut juste s’équiper des matériels indispensables, à l’instar de la table de bras de fer. Toutefois, ce n’est pas tout le monde qui peut participer et gagner un combat de bras de fer sportif. Le coach de la salle Warra city à Hamdallaye, Mahamadou Camara explique : «Il y a une technique spécifique pour gagner au bras de fer, le top roll. Cette technique ne se sert pas que de la force brute, au contraire, elle est basée sur l’effet de levier et consiste à tirer l’adversaire vers soi de sorte à l’élever un peu. On appelle ça le «back pressure».

Le technicien poursuit : ensuite il faut décapsuler les doigts de l’adversaire dans le but de casser son poignet. Cela va alors l’empêcher d’utiliser ses muscles. Alors, il ne restera plus qu’à effectuer un mouvement de pronation latéral». Dans la salle Warra city, on retyrouve également des pratiquants d’arts martiaux (karaté, self défense, judo etc) et de lutte traditionnelle.
Djénéba Traoré s’entraîne dans la salle Djibril Force de Djélibougou. Elle est étudiante en deuxième année électricité au Centre d’enseignement commercial et industriel (Ceci) et a été sacrée championne d’Afrique des -60kg, l’année dernière à Bamako. «C’est à travers un ami de mon oncle que j’ai découvert le bras de fer sportif. Avant, je pratiquais le karaté, mais j’ai abandonné cette discipline pour raisons de famille. Quelques années plus tard, Djibril Camara, un ami de mon oncle m’a invité à une compétition de bras de fer sportif. Tout est parti de là et je ne regrette pas mon choix, parce que je suis aujourd’hui championne d’Afrique des -60kg», a confié Djénéba Traoré, en avouant que le début a été tout de même difficile.

LE MALI DEUXIÈME PAYS AFRICAIN APRÈS L’ÉGYPTE-Comme indiqué plus haut, la Fédération malienne de bras de fer sportif a été portée sur les fonts baptismaux en 2001. De la création de l’instance dirigeante de la discipline à cette année, les athlètes maliens ont participé à plusieurs compétitions internationales, notamment en France, en Pologne, en Turquie, en Belgique et au Brésil où s’est déroulé le Championnat du monde. S’y ajoutent les Coupes d’Afrique qui se sont déroulées au Maroc, au Sénégal, au Ghana, au Nigeria, en Côte d’Ivoire et bien entendu au Mali où treize nations s’étaient retrouvées en 2019, un record dans l’histoire de la compétition. Parmi les pays participants, il y avait l’Égypte qui reste, à ce jour, la seule nation du continent, à obtenir une médaille d’or à la Coupes du monde de bras de fer sportif. Selon le secrétaire général de la FMBFS, Daouda N’Diaye «Barklay», le bras de fer sportif existe dans toutes les régions de l’intérieur, exceptée celle de Kidal.

«Nous sommes présents partout au Mali, assure-t-il. De 2001 à cette année, ajoutera notre interlocuteur, le nombre de ferrites est monté en flèche pour atteindre 540 athlètes répartis entre 7 ligues régionales affiliées à la fédération : Bamako, Kayes, Koulikoro, Sikasso, Ségou, Mopti et Gao. Plus important, complètera Daouda N’Diaye, le nombre de femmes pratiquantes a également augmenté. Aujourd’hui, on en trouve dans presque tous les clubs».
Cependant, tout n’est pas rose pour l’instance dirigeante du bras de fer sportif national. En effet, nombre de nos compatriotes pensent que les pratiquants de bras de fer sportif sont des voyous qui ne connaissent que l’usage de la force.

«à chaque fois qu’ils (les pratiquants de bras de fer, ndlr) organisent une compétition, elle se termine par des affrontements», pointe un responsable sportif qui a requis l’anonymat. Si le secrétaire général de la FMBFS ne partage pas cet avis, il avoue que la discipline a besoin de soigner son image pour «être populaire comme la lutte sénégalaise».
«Le bras de fer sportif doit être comme les autres disciplines, c’est-à-dire nourrir son homme. C’est un grand défi pour la fédération, mais nous sommes optimistes pour la suite des événements. Inch-Allah, nous y arriverons», affirme Daouda N’Diaye.

Seïbou S. KAMISSOKO

Source : L’ESSOR