El-Hadji Diouf, star du Sénégal quart de finaliste de la Coupe du monde en 2002, passe le témoin à ses « jeunes frères », qui retrouvent la compétition ce mardi contre la Pologne (17 heures).

Nous avons croisé El-Hadji Diouf à son arrivée à Moscou, survêtement sombre et lunettes noires, après avoir couru plusieurs jours après lui pour organiser une interview. L’ancien attaquant du Sénégal, qui avait atteint les quarts de finale du Mondial en 2002, rêve de voir ceux qu’il appelle ses « petits frères » marcher dans les pas de sa génération. Et rappelle qu’en Afrique, sans doute plus que n’importe où ailleurs, il s’agit d’un peu plus que du football.

 

Que ressentez-vous en retrouvant le Sénégal en Coupe du monde, 16 ans après votre parcours et la dernière participation du pays ?

EL HADJI DIOUF. Je suis très heureux, parce que c’est la compétition où chaque pays va voir ce qu’il vaut au niveau du sport, puisque le football est le numéro 1. En tant qu’Africain, tu te feras chambrer ou aduler pendant des années suivant ce que tu fais à la Coupe du monde. Les gens se souviennent de deux choses. Les pays qui ont relevé le niveau de l’Afrique, comme le Cameroun, le Ghana et le Sénégal. Et aussi des pays qui ont fait un flop. Quand je vois mes amis congolais, je me moque d’eux à chaque fois en leur parlant du Zaïre qui a pris 9-0 en 1974. C’est important pour nous les Africains.

Plus que pour les autres ?

Financièrement et sur beaucoup d’aspects, on ne peut pas bousculer l’Occident. Mais au niveau du sport, on peut montrer qu’on est là. C’est un sport d’hommes. On peut rivaliser. C’est une question d’estime et de prestige. C’est ce que j’ai dit à mes jeunes frères : que leurs grands frères avaient haussé la barre. Je leur demande de faire mieux et je prie pour qu’ils fassent mieux que nous.

En sont-ils capables ?

Maintenant, c’est dans leurs mains, dans leurs têtes et dans leurs jambes. C’est à eux de se dire : on peut le faire. Nous, à l’époque, c’était quasi-impossible et on l’a fait. A eux d’écrire leur propre histoire, de ne pas essayer de nous ressembler.

 

Leur avez-vous donné des conseils ?

Je connais la plupart des joueurs. Avant de partir à l’étranger, tu vas voir le président, qui te donne le drapeau national, qui te montre que le pays est derrière toi. Tu es l’ambassadeur du Sénégal et tu dois bien représenter le pays. J’ai dit à mes jeunes frères : « Vous jouez tous dans les mêmes clubs que les autres, vous êtes bons, vous faites partie des meilleurs joueurs du monde et maintenant c’est à vous de faire votre place. Les meilleurs se reconnaissent au niveau du caractère ».

Un pays africain peut-il aller en demi-finale ou plus loin ?

Ce serait extraordinaire. Gagner une Coupe du monde pour un pays, c’est un prestige incroyable. Depuis qu’elle a gagné en 1998, la France est devenue un autre pays. Aujourd’hui, les présidents brésiliens ne sont pas aussi connus que les joueurs. Ce que les sportifs font, il n’y a pas un politicien qui peut le faire. On doit être un exemple, continuer à représenter le pays. La preuve, en arrivant ici en Russie, tout le monde est là « El-Hadji, El-Hadji »… Il n’y a que le football qui peut te donner ça.

Sadio Mané est-il votre héritier ?

Si je dois désigner quelqu’un qui me ressemble ou qui fait son chemin dignement, il y a Sadio et aussi Diao (Keita) Baldé, qui a beaucoup de talent. Sadio, ce que j’ai à lui dire, c’est qu’il n’est plus une révélation. Tout le monde le connaît. Il a joué une finale de Ligue des champions. Maintenant, c’est à lui de prendre ses responsabilités et de confirmer que c’est un très grand joueur. On a besoin d’un grand joueur dans les grands moments. L’exemple que je donne à chaque fois, c’est qu’en 2002, El-Hadji Diouf était une révélation. Je jouais à Lens, je n’avais encore jamais connu de Ligue des champions, jamais joué de match de haut niveau. Je n’étais qu’en France. Mais en Coupe du monde, c’est là que le monde s’est dit : un grand joueur est né, une star est née. Dans ma tête, c’était clair, c’est ce que je voulais faire. Je devais venir et titiller les très grands joueurs.

Quelles seront les stars de la compétition ?

Avant d’aller ailleurs, je regarde chez moi. Sadio est un petit qui est pétri de talent. J’espère qu’il va montrer au monde entier que le meilleur footballeur de cette Coupe du monde, ou l’un des meilleurs, est Sénégalais.

Appréciez-vous certains joueurs de l’équipe de France ?

Mbappé est en train de tracer sa voie, en train de montrer qu’il est un des meilleurs joueurs. Mais s’il ne confirme pas à la Coupe du monde, on dira tout le temps que c’est un joueur de club. Parce que l’équipe nationale est plus importante que le club. Le jour où on arrête de jouer au football, les gens se rappellent toujours d’une chose : il a été là pour son pays. Vous, tous les joueurs qui jouent la Coupe du monde, n’oubliez pas que vous êtes des soldats de votre nation. Nous, et les militaires, on chante l’hymne nationale avant d’entrer sur le terrain. Ça veut dire qu’on part en guerre. Ça veut dire que c’est une mission. On doit la réussir, on ne doit pas faillir.

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Source: leparisien