Les militaires qui ont pris le pouvoir en Guinée ont ouvert mardi quatre jours de consultations tous azimuts pour définir le contenu d’une transition censée ramener les civils à la tête du pays, à une date inconnue.

 

Jusqu’à vendredi vont se succéder auprès des putschistes les chefs des partis politiques, puis ceux des confessions religieuses mardi, suivis par la société civile, les diplomates étrangers, les patrons des compagnies minières ou encore les syndicats.

Les discussions, qui se sont ouvertes en fin de matinée au Palais du peuple, siège du Parlement, se sont déroulées à huis clos, sans les médias internationaux, mais plusieurs participants ont ensuite indiqué que le nouveau maître du pays, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, s’était montré “rassembleur” et à l’écoute lors de cette première rencontre.

Il a rappelé les motivations du putsch du 5 septembre contre le président Alpha Condé, détenu depuis, mais n’a donné aucun détail, selon les participants sur la transition à venir, qui doit être confiée à un futur “gouvernement d’union nationale”.

Ce coup d’Etat est selon le lieutenant-colonel Doumbouya le résultat de “l’échec de l’ensemble de la classe politique, militaire et autre de ce pays qui a trahi les valeurs de l’indépendance”, a affirmé l’ex-Premier ministre Sidya Touré, un des dirigeants de l’opposition à M. Condé.

“+Inclusion+, il a beaucoup insisté sur ce mot”, a souligné M. Touré, qui l’a trouvé “très rassembleur”. “J’ai cru comprendre qu’il voulait associer un maximum de Guinéens à cette démarche”, a-t-il ajouté, y voyant “un début qu’on peut accepter”.

Un ex-ministre de M. Condé, Papa Koly Kourouma, a également affirmé que le putschistes avaient jugé “les élites politiques et militaires responsable de tout ce qu’il s’est passé en Guinée depuis l’indépendance”.

“C’était une prise de contact et il faut la prendre comme telle”, a expliqué M. Kourouma, estimant que d’autres rencontres seraient nécessaires pour aboutir à des “propositions plus consistantes”.

“Pas de feuille de route”

Avant l’ouverture des consultations, des dizaines de représentants des partis, qui ont appris cette convocation par les communiqués de la junte lus à la télévision nationale, se bousculaient pour passer une porte étroite gardée par des soldats.

Bien que seule une personne par parti ait été conviée, beaucoup sont venus à plusieurs, au risque d’être refoulés, avec parmi eux de nombreuses formations jusqu’alors inconnues.

“On ne sait pas ce qui va se passer à l’intérieur. Il n’y a pas de feuille de route”, a souligné Albert Keïta, secrétaire général d’un parti d’opposition à M. Condé.

Cette phase cruciale s’ouvre dans une complète incertitude sur les plans de la junte et sa faculté à surmonter une multitude d’obstacles majeurs, qu’il s’agisse du délabrement du système politique, de la multiplicité des intérêts particuliers, des possibles rancoeurs ou encore d’une corruption réputée omniprésente.

Le putsch qui a emporté en quelques heures, au prix présumé d’une dizaine ou une vingtaine de morts, le régime d’Alpha Condé, a suscité des scènes de liesse chez des Guinéens exaspérés par la pauvreté, l’accaparement des revenus des vastes ressources minières, le clientélisme et la répression des libertés.

M. Condé, réélu pour un troisième mandat en octobre 2020 après des mois de contestation meurtrière, s’était enfermé dans un exercice de plus en plus solitaire et autoritaire d’une présidence à la légitimité abîmée, selon les analystes.

La junte a dissous le gouvernement et les institutions, aboli la Constitution, remplacé ministres, gouverneurs et préfets par des administrateurs et des militaires.

Elle a libéré des dizaines de prisonniers d’opinion, supprimé des barrages dressés dans les quartiers favorables à l’opposition, s’est engagée à réprimer les exactions des forces de sécurité et a nommé une générale gouverneure de Conakry. Elle a promis de se garder de toute “chasse aux sorcières” politique.

Le lieutenant-colonel Doumbouya n’a rien dit jusqu’ici sur le possible contenu de cette transition, sa durée, quel rôle les militaires y joueraient, comment seraient organisées des élections et selon quelles règles.

La junte a appelé lundi soir les Guinéens à n’accorder “aucun crédit” à de prétendus projets de “charte” de transition que feraient circuler des “individus mal intentionnés”. Elle a indiqué qu’une telle charte ne serait élaborée qu’à la fin de la concertation.

La communauté internationale, inquiète de la stabilité de la Guinée et d’une contagion des faits accomplis militaires, après un putsch dans des conditions similaires au Mali voisin en août 2020, suit attentivement la concertation qui commence.

Le représentant de l’ONU pour l’Afrique de l’Ouest, Mahamat Saleh Annadif, a dit lundi à Conakry escompter une transition d’une “durée raisonnable”, qu’il appartiendra aux Guinéens de déterminer.

14/09/2021 16:36:47 –          Conakry (AFP) –          © 2021 AFP

Source :Maliweb.net