Alpha Condé, 81 ans, bientôt 10 de pouvoir, va-t-il essayer de charcuter la constitution pour s’ouvrir un troisième bail à la tête de la Guinée? Le président guinéen, est jusqu’à présent peu disert sur le sujet. Il entretient surtout un flou artistique sur ses intentions, mais tout porte à croire que l’opposant historique venu miraculeusement aux affaires en 2010 avant de rebeloter pour un nouveau quinquennat en 2015, entend bien jouer, lui aussi, cet ignoble rôle de boucher de la Loi fondamentale.

 

Le dessein égoïste et très personnel étant, au bout du compte, de s’ouvrir un boulevard vers un troisième mandat, voire une présidence à vie, si affinités. La mode des troisièmes mandats est sans frontière et fait surtout des adeptes dans une Afrique que certains finiront par se donner raison d’avoir dit qu’elle n’est pas mûre pour la démocratie. Pourtant, la pratique est combattue avec la dernière énergie par les opposants. Mais dès que ceux-ci se retrouvent sur l’autre rive, comme Alpha Condé, ils embrassent, toute honte bue, la religion dans laquelle le pouvoir ne se conjugue jamais au passé. Et, à moins que ses contempteurs lui en prêtent la mauvaise intention, Alpha Condé, l’opposant qui a combattu les longs règnes et a même trouvé en son temps la formule des amnisties pour y mettre fin, compte entrer dans le jeu.

Condamné à mort en 1970 par le pouvoir de fer de Ahmed Sékou Touré, Alpha Condé, le poil à gratter de tous les régimes qui se sont succédé n’a dû son salut qu’à un long exil qui l’a conduit en France et surtout au Burkina Faso. C’est de ce pays dirigé en son temps par Blaise Compaoré, auprès de qui il avait trouvé gîte et couvert, que Alpha Condé atterrit en Guinée pour prendre le pouvoir au terme d’une élection à rebondissement. Mais de son ex-«ami» burkinabè, le chef de l’Etat guinéen qui est accusé par ses concitoyens d’un double mandat décevant, n’a pas joui que de l’hospitalité.

Il en a également hérité le goût suicidaire du long règne. Et comme au Burkina Faso où ceux qui ont accompagné Blaise Compaoré à gérer le pays et ont défendu bec et ongle son option de modification de l’article 37 pour briguer par la suite un troisième mandat, les collaborateurs de Alpha Condé commencent à faire machine arrière toute. Et ce qui devait arriver arriva, avec la démission forcée de Blaise Compaoré qui a trouvé refuge en Côte d’Ivoire. Alpha Condé comme Blaise Compaoré? On est si loin, mais si proche de ce scénario. Toutefois, après le ministre guinéen en charge de l’Unité nationale, c’est son collègue de la Justice qui vient de rendre son tablier. Et c’est sans ambages que dans une missive aussi brève que directe, que Me Cheick Sako, tout en révélant sa volonté de quitter le navire depuis le 4 avril, s’est désolidarisé de cette nouvelle constitution encore invisible mais qui agite le landerneau politique guinéen au point de faire craindre des lendemains chauds pour la Guinée.

Pire, le désormais ex-Garde des sceaux, depuis son refuge de Montpellier en France, sa «position personnelle contre toute modification ou tout changement de la constitution en vigueur. Le coup de couteau dans la constitution ne serait donc pas de la fiction et l’opposition tout comme la société civile sont déjà vent debout contre ce projet funeste qui pourrait bien placer, de nouveau, la Guinée dans l’œil du cyclone.

Il est temps que celui qui avait déclaré, dans la foulée de son premier serment sur la constitution, qu’il s’efforcerait d’être «le Mandela de la Guinée» revienne dans les sillons de la démocratie. Il faut qu’il se rappelle que Madiba, n’a fait qu’un mandat alors que son aura lui permettait d’en solliciter autant qu’il le voudrait.

Par Wakat Séra  

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