Une nouvelle race d’hommes de médias est en train de naître dans notre pays. En effet, ils se sont spécialisés dans un genre journalistique qui ne s’enseigne nulle part dans les écoles de journalisme. Ces “scribouillards façon façon” ont, il est vrai, avec la mauvaise foi qu’on leur connaît, inventé le journalisme in vitro, qui recrute des journalistes-griots. Leur cible principale, ce sont leurs confrères. Dont ils s’emploient à prendre systématiquement le contre-pied, surtout sur les réseaux sociaux où n’importe qui peut s’improviser journaliste, pour peu qu’il dispose d’un téléphone Androïd. Sans autre forme de procès. Ils sont la voix de leur maître qui les tient en laisse dans l’arrière-cour des partis politiques et autres ministères. À la manière d’un caniche qu’on promène le soir venu.

 

Pour ces ” journalistes “, la tâche est relativement simple : elle consiste à répondre coup pour coup à tous ceux qui empêchent leurs patrons de manger et de tourner en rond : à semer le trouble au sein de l’opinion en distordant continuellement le message, en déformant l’information, en défendant l’indéfendable. Telle est leur feuille de route ! Tel est leur agenda. Véritables obstacles à une presse réellement libre et indépendante dans notre pays, ils passent le plus clair de leur temps à polluer l’atmosphère d’écrits fantaisistes. Au nom du principe que ce serait là, le prix à payer pour notre démocratie en construction ! Malheureusement, une vraie démocratie ne se construit pas dans la médiocrité des hommes de presse. Pour une démocratie de qualité, il faut une presse libre, indépendante et responsable. Et dire que ce sont les mêmes mercenaires encagoulés, les mêmes cires-pompes qui se permettent de donner des leçons d’éthique et de déontologie aux autres : pouah, Boua a dû glisser des enveloppes à certains pour les voir descendre si bas, en foulant aux pieds les règles fondamentales qui régissent ce noble métier de journaliste. Certains directeurs de publication ont transformé leurs médias en plateformes de ‘’communiqués inutiles’’ des ministères incompétents.

Pourtant, un éminent homme de média burkinabé que nous avons eu du plaisir à écouter, a bien fait remarquer ceci : tout peut opposer les journalistes dans un pays, mais pas les principes et leur défense. Quelle que soit leur inclinaison politique, sociologique ou culturelle, les journalistes doivent, disait-il, avoir constamment à l’esprit, la défense de la justice, du bien, de la liberté. Malheureusement, c’était sans compter avec la maestria des journalistes prestidigitateurs, des traficoteurs intellectuels… Avec art et méthode, ils ont dévoyé l’essence d’un métier qu’ils ont livré poings et pieds liés au politique. Avec leur maître tapi dans une cour anticonstitutionnelle, ils veulent museler les vrais journalistes en les menaçant à travers des procès injustes. Ces comploteurs contre la démocratie et la liberté d’expression veulent ramener la presse malienne à l’époque médiévale. Oui à la dépénalisation du délit de presse. Il est inadmissible qu’au 21e siècle, un journaliste malien coure le risque de faire la prison simplement parce qu’il a voulu faire son métier.

Un journaliste professionnel doit s’interdire d’utiliser sa position dans un média donné, pour régler des comptes politiques avec d’autres confrères. Ce qui sous-entend le refus d’agir en sous-marin pour le compte de telle ou telle chapelle politique.

Comme à leur habitude, ces nouveaux penseurs par procuration de la presse malienne voient le diable partout. Ils reniflent le complot dans tous les écrits qui leur paraissent ramer à contre-courant. Pour ensuite donner la pleine mesure de leurs aptitudes. Comme s’ils ne vivaient pas dans le même pays ! Ils auraient sans doute aimé que tous les journalistes les suivent dans leur honteuse allégeance aux pouvoirs de l’argent et de la délation. Malheureusement pour eux, le compte est loin d’être bon. En journalisme, les faits sont têtus !

Par leur faute, le journaliste au Mali est devenu comme une fille de joie que l’on trimballe au gré de ses humeurs. Elle a de moins en moins de charme. Humiliée, réduite à l’état de consommable, elle ne fait plus recette aux yeux des citoyens… Comme le dit si bien Philippe Cohen, “la liberté de presse est depuis 1881, l’un des acquis de la démocratie. Mais que vaut la liberté de presse hors de toute responsabilité sociale ?” Là est la grande interrogation. Surtout, lorsque l’on décide de servir les seigneurs au détriment des citoyens…

Henri Levent

Source : LE PAYS