Dans une lettre ouverte adressée à la cheffe de la Cour constitutionnelle, Manassa Danioko ; l’universitaire Dr Bréhima Fomba ne mâche pas ses mots.À ses dires, l’institution est engloutie dans un dilettantisme sans précédent. Manassa Danioko ,sa présidente ,en est la principale cause .Lisez ! 

 

« Lorsque ce mercredi 4 décembre 2019 aux environs de 17 h 15, je recevais un coup de fil impromptu, j’étais à mille lieues d’imaginer que cela pouvait provenir de la Présidente de la Cour constitutionnelle du Mali Manassa DANIOKO. Mais je n’étais pas au bout de mes surprises lorsque, d’un ton condescendant, j’entendais Madame DANIOKO, manifestement remontée, m’en vouloir d’être critique envers la Cour constitutionnelle. Mes critiques à ses dires, c’est du droit erroné, pour faire court. Son indignation à elle, c’est d’imaginer que je puisse professer à l’Université de telles analyses juridiques erronées ! J’ai juste eu le temps de lui répliquer que je suis totalement disposé à recevoir des leçons de droit du monde entier, sauf d’elle, Manassa DANIOKO. Soyons sérieux tout de même !

Mais dans le fond, j’ai trouvé ma brève conversation avec Madame DANIOKO assez rigolote étant donné la hauteur d’esprit qui sied, lorsqu’on occupe la tête d’une prestigieuse institution de la République comme la Cour constitutionnelle. C’est pourquoi autant que faire se peut, la présente Lettre ouverte s’efforcera de prendre véritablement de la hauteur, ne serait-ce que par respect en tant qu’institutionnaliste à la personne de la Cour constitutionnelle. Surtout que d’ailleurs, et ce n’est pas rien, pour être franc, je ne me suis nullement senti offusqué par les remontrances de Madame la donneuse de leçon de droit constitutionnel à l’Enseignant-Chercheur que je suis.

Je me serais sérieusement offusqué de ces remontrances déplacées et me serais quelque part senti écorché en tant qu’Enseignant-Chercheur, si un tel jugement gratuit et péremptoire émanait directement d’un de mes pairs. Heureusement, cela n’est pas le cas ! Heureusement que les objurgations émanent d’une Conseillère de Cour constitutionnelle, plutôt aventurière en droit public, qui manque de la qualification diplômante nécessaire pour tenir un petit bout de craie blanche dans un amphi devant des étudiants d’une Faculté de droit. À chacun son métier, ne dit-on pas ? Du haut de votre piédestal de Présidente de Cour constitutionnelle, vous n’êtes certainement pas à même d’appréhender la portée réelle du tort que vous nous causez à nous autres universitaires, par vos jurisprudences calamiteuses qui défient les usages habituels de cette prestigieuse et respectable Cour constitutionnelle du Mali. Si vous ne le savez pas, puisque ne pouvant accéder à la Faculté faute de qualification, je puis vous assurer que nos étudiants dont le sort semble vous préoccuper tant se sentent plutôt intellectuellement torturés par les pirouettes des interprétations hasardeuses lamentables de la Constitution et toutes ces autres approximations juridiques de la Cour constitutionnelle qui heurtent frontalement la science du Droit qu’ils adorent tant ! Quelle leçon de droit prétendez-vous encore me donner à moi, alors que depuis votre accession à sa tête, le constat flagrant est que la Cour constitutionnelle du Mali a quasiment cessé de faire du droit pour verser dans des « manassades », fâchée qu’elle est, semble-t-il, avec la Constitution du 25 février 1992 et la loi organique sur son organisation, son fonctionnement et la procédure suivie devant elle, pour ne citer que ces textes.

Si d’aucuns, sans doute par couardise, n’osent vous le dire en face, sachez Madame DANIOKO, qu’il se murmure bruyamment partout au Mali, au-delà et même autour de vous, que vous avez tristement contribué à asseoir l’image d’une Cour constitutionnelle malienne très passablement trempée dans la matière constitutionnelle. En définitive, votre exploit personnel à la tête de la Cour constitutionnelle du Mali, c’est tout simplement d’avoir réussi, de manière scandaleusement brillante et en si peu de temps, à dilapider le capital d’expertise juridique et d’ingratitude envers les politiques, qui faisait tant sa renommée.

De quel droit erroné m’accusez-vous Madame, de publier et d’enseigner aux étudiants ?
– N’est-ce pas du droit erroné que de servir une interprétation farfelue de la notion d’intégrité territoriale par la théorie de « l‘insécurité résiduelle » ?
– N’est-ce pas du droit erroné que d’élaborer des fascicules de sensibilisation électorale truffés d’erreurs grotesques d’interprétation de la loi électorale ?
– N’est-ce pas du droit erroné que de produire par anticipation des spots publicitaires d’un référendum constitutionnel de 2019 soi-disant, alors que la Cour constitutionnelle doit au préalable se prononcer sur la constitutionnalité de la procédure de révision constitutionnelle ?
– N’est-ce pas du droit erroné que de soutenir dans un exercice pitoyable de double langage que le mandat des députés ne peut aucunement se proroger et qu’il peut se proroger ? Je n’avais personnellement pas fini de tresser des lauriers pour la première réponse quand la Cour l’avait déjà avalée pour en pondre une nouvelle totalement contradictoire !

– N’est-ce pas du droit erroné que de créer de toutes pièces une loi organique non prévue par la Constitution pour blanchir la lamentable prorogation de mandat des députés ?
– N’est-ce pas du droit erroné que de cautionner implicitement un Accord de partition du pays dit d’Alger signé en violation flagrante de la Constitution du Mali ?
– N’est-ce pas du droit erroné lorsque la Cour constitutionnelle, après avoir cloué le bec face à l’inconstitutionnalité de l’Accord d’Alger qu’elle s’est refusée à sanctionner même verbalement, se permet ensuite de jacasser sur des propos tenus par le chef du bureau de la MINUSMA à Kidal, invitant au passage, sans aucun fondement constitutionnel, le gouvernement à soi-disant en tirer les conséquences de droit ? De quelle autre conséquence de droit s’agit-il, alors que ces propos tirent directement leur source de l’Accord anti constitutionnel d‘Alger ?
– N’est-ce pas du droit erroné que de publier sous votre plume personnelle le commentaire d’un arrêt rendu par la Cour constitutionnelle elle-même que le texte qui vous organise prohibe formellement ?
– N’est-ce pas du droit erroné que de conseiller, qui plus est de manière erronée, le ministre de l’Administration territoriale sur les modalités du vote par procuration ?

On pourrait multiplier à l’infini ces hauts faits jurisprudentiels qui défient les principes élémentaires du droit constitutionnel tel qu’on peut le lire dans les ouvrages de référence et tel qu’il est enseigné dans les Facultés de droit et pratiqué par les juridictions constitutionnelles à travers le monde. Il est vrai que la Cour constitutionnelle du Mali n’est pas une juridiction figée ! Elle peut ainsi continuer à batifoler comme une institution vagabonde libre de toute contrainte constitutionnelle ou légale.

Pitié Madame ! Ces bourdes ne sont point de la responsabilité du Dr FOMBA. Au contraire, ce sont ces bourdes qui, à un rythme quasi insoutenable, apportent de l’eau au moulin de mes réflexions critiques. Ce sont ces bourdes incontestables, inscrites au registre noir de la Cour constitutionnelle du Mali, qui forment depuis votre accession à sa tête, une montagne de décharge de droit erroné. En tant que simple Enseignant-Chercheur et sans jamais prétendre prêcher une quelconque science juridique infuse, je me suis fait le devoir citoyen de balayer un tant soit peu, cette décharge insupportable qui a suffisamment pollué l’atmosphère de l’État de droit et de la démocratie au Mali. Je vous rassure au passage, Madame DANIOKO, que cette œuvre de salubrité publique à laquelle je me suis dédié n’est pas de la 25e heure. Elle date déjà de la toute première formation de la Cour constitutionnelle animée à l’époque par de gros calibres du droit public qui pourtant, à aucun moment, n’ont songé à mon égard, à user de l’arme de la censure ni à proférer la menace à peine voilée de bannissement de la contradiction. Mes commentaires et analyses qui vous dérangent tant, Madame DANIOKO, contribuent plutôt au débat inhérent à la science du droit, par nature réfractaire à tout embrigadement. Je rappelle qu’en tout état de cause, nul n’a le droit de trahir la République au profit de qui que ce soit ou de quoi que ce soit.

Pour ma part, c’est au nom de cette seule et unique République que je mène, avec les armes de la réflexion et du débat contradictoire ouvert, mais sans quartier, ma part de combat pour l’État de droit et la démocratie au Mali. Ce combat est, reste et restera insensible à toutes les impostures d’où qu’elles viennent. Il s’agit d’un combat purement républicain. Au nom de la République, toute la République, rien que la République, je vous invite Madame DANIOKO, à définitivement me rejoindre dans ce combat. Je vous invite pour ce faire, à user, voire abuser, de votre devoir d’ingratitude comme dirait l’autre, devoir assimilable pour ma part à une véritable obligation qui vous engage dans le contexte actuel du Mali à plus de professionnalisme juridique et d’indépendance de décision où le sujet posé comme une dissertation à mes étudiants est le suivant : sauver l’État ou le régime ? Attention de faire le bon choix ! Le choix républicain. À bientôt, Présidente Manassa DANIOKO, pour de futurs commentaires sur d’éventuelles futures bévues de droit erroné de la Cour constitutionnelle du Mali ! »

Dr Brahima FOMBA
Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako (USJP)

NB :les titres et le chapeau introductif sont de la Rédaction 

Source : Le Combat