Le G5 Sahel, déjà pointé du doigt pour l’insuffisance de résultats dans la lutte contre le terrorisme depuis sa création, en 2014, doit aujourd’hui faire face à un nouveau contexte régional, marqué par la fin de l’opération Barkhane au Mali et la réorganisation du dispositif militaire français au Sahel. Avec deux pays dans lesquels l’ordre constitutionnel est rompu, le Mali et le Burkina Faso, et l’expansion de la menace terroriste vers les pays du Golfe de Guinée, l’avenir du G5 Sahel et de sa force conjointe, lancée en juillet 2017, pourrait être repensé.

 

Dans son rapport de mai 2021, le Secrétaire général des Nations unies soulignait que la Force conjointe du G5 Sahel était de plus en plus opérationnelle, mais qu’elle ne disposait toujours pas des moyens financiers et logistiques dont elle avait besoin pour devenir autonome.

Début février, dans le cadre du 35ème sommet de l’Union Africaine, le Président mauritanien Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani a reconnu les « insuffisances » et les « contraintes multiformes » du G5 Sahel, mais indiqué que la structure demeurait « la plus à même, potentiellement, de faire face au terrorisme » dans la région, appelant l’Union africaine à renforcer son soutien envers elle.

Selon des sources diplomatiques, la Force conjointe du G5 Sahel, dont Barkhane assurait la planification et la coordination des opérations, n’a plus mené d’opérations d’envergure depuis plusieurs mois. Début février, une opération a été conduite mais n’a mobilisé que des troupes nigériennes et tchadiennes.

Pérennité compromise

Pour le chercheur burkinabé spécialiste des questions de sécurité Mahamadou Sawadogo, la pérennité du G5 Sahel est plus que compromise et il sera difficile de faire survivre cette institution à Barkhane, parce qu’elles étaient intimement liées.

« La logistique du G5 dépendait de Barkhane. Il y a donc lieu de revoir beaucoup de choses. Et, même sur le plan politique, il y a pas mal de questions qu’il va falloir résoudre. Celle des coups d’États par exemple. Il y a également le fait que le Mali ne s’entende pas avec le Niger et soit puni par la CEDEAO », relève-t-il.

En outre, selon lui, l’absence d’implication aujourd’hui du Mali et du Burkina Faso remet fortement en cause l’efficacité du G5 Sahel, parce que ces deux pays, en plus du Niger, en constituaient le fuseau central.

« Il y a donc un fuseau entier aujourd’hui qui ne fonctionne pas très bien alors que c’est là que se trouve l’épicentre de la violence. L’efficacité ne saurait être de mise sans ces deux pays, qui sont touchés par une crise politico-sécuritaire », pointe M. Sawadogo. « Si l’on y prend pas garde, cette institution pourrait être amenée à disparaitre, parce qu’elle a beaucoup plus d’obstacles devant elle qu’elle n’apporte de solutions », prévient le chercheur.

Vers un élargissement ?

Dans la réorganisation de son dispositif sécuritaire au Sahel, la France veut étendre sa coopération régionale vers les pays du Golfe de Guinée, à l’instar de la Côte d’Ivoire, du Ghana,  du Togo et du Bénin. Selon certains analystes, elle pourrait tenter de prôner un élargissement du G5 Sahel vers ces pays ou consentir plus d’efforts en appui à eux, de plus en plus victimes de l’expansion terroriste.

« Je pense que cela était déjà dans le viseur de la France. L’avantage d’une ouverture du G5 Sahel aux pays côtiers est le fait que ces pays attirent beaucoup plus de bailleurs et que cela permettra de résoudre la question financière de la structure », soutient Mahamadou Sawadogo.

Mais le chercheur spécialisé dans les questions sécuritaires à l’Institut d’études de sécurité (ISS Africa) William Assanvo n’est pas du même avis. Dans une récente interview, il indiquait qu’une extension du G5 Sahel pour agir dans les zones frontalières avec les pays dits côtiers ne serait pas l’évolution la plus efficace.

« Le G5 a été créé dans un contexte particulier, sur une zone géographique particulière, où l’insécurité persiste malgré les succès observés. Il me semble nécessaire de continuer à se focaliser sur cette zone pour pouvoir contenir de manière durable l’insécurité qui s’y est développée », souligne-t-il.

Mohamed Kenouvi

Source : Journal du Mali