Il est déjà le président d’un pays à terre qu’il faut remettre sur pied. Ibrahim Boubacar Kéita, puisque c’est de lui qu’il s’agit, élu président de la République à l’issue du scrutin présidentielle, n’aura même pas un temps de grâce tant les urgences sont légion. 60 jours, après son investiture qui interviendra le 4 septembre prochain, le nouveau chef de l’Etat doit engager des pourparlers avec la rébellion touareg du MNLA avec laquelle un accord préliminaire a été signé en juin dernier.ibrahim boubacar keita ibk rpm kankeletigui bougeois sebenikoro

Face à la menace sécessionniste brandie par ces insurgés du désert, les Maliens qui ont fait confiance à IBK pour son autorité, sa qualité d’homme de poigne, sont pressés de savoir comment leur président va procéder avec la question de Kidal.

Quel statut politico-juridique à accorder à l’Adrar des Ifoghas ? Est-ce l’autonomie comme l’exige le MNLA ? Lui qui s’est empressé à féliciter le nouveau président de la République pour sa brillante élection attend beaucoup d’IBK par rapport à la résolution de cette crise séculaire.

Déjà l’un des barons de cette rébellion, en l’occurrence Mohamed Ibrahim Ag Assaleh, avait, depuis Ouagadougou, appelé à voter IBK au second tour estimant que son challengeur, Soumaïla Cissé, un fils du Nord, n’est pas celui qui est à mesure de résoudre un problème qui oppose le Nord au Sud.

IBK va-t-il aller dans le sens souhaité par la rébellion en accordant l’autonomie à Kidal et par voie de conséquence à toutes les autres régions du pays pour que le Mali redevienne une République fédérale après celle de l’indépendance ?

Même si une telle hypothèse n’enchante pas la majorité des Maliens, il faut dire que de plus en plus le sujet est abordé au sein de l’opinion nationale.

En plus de ce défi de souveraineté, le nouvel homme fort du Mali a un défi sécuritaire à relever. Il faut préparer le départ de la Minusma et éventuellement l’Opération Serval, en mettant sur pied une armée forte et républicaine. Une armée disciplinée entièrement soumise à l’autorité civile à mille lieues de ce qu’il nous a été donné de constater en 2012.

A ce niveau se posera la gestion des ex-putschistes qui se sont bien battus pour la victoire d’IBK. On le sait le désormais général Amadou Haya Sanogo et ses hommes sont descendus dans l’arène politique pour obtenir l’élection d’Ibrahim Boubacar Kéita à la présidence de la République. On sait aussi qu’entre IBK et l’ex-junte, la relation ne s’est jamais compliquée contrairement aux autres démocrates.

Alors comment procéder avec un tel colis dont la proximité avec le pouvoir n’a jamais été du goût de la communauté internationale ? Certes, IBK disait à qui veut l’entendre que s’il est président de la République, il n’y aura pas deux capitaines dans le bateau Mali, maintenant on attend de voir la suite. Surtout qu’il n’a plus à faire à un capitaine mais un général 4 étoiles !

Le nouveau président malien sait aussi qu’il doit réconcilier un peuple dont le tissu social a été profondément déchiré. Il s’agira de réconcilier les rebelles touaregs avec le reste de la nation malienne et réconcilier les putschistes avec leurs victimes. Une Commission dialogue et réconciliation est déjà à pied d’œuvre mais comment réconcilier les victimes avec leurs bourreaux sans justice ? Certes, Sanogo et compagnie ont demandé pardon au peuple pour les actes posés, mais cela est-il suffisant pour désarmer les cœurs des Maliens, notamment les familles des bérets rouges. Sans oublier que la CPI est dans nos murs depuis des lustres !

Ibrahim Boubacar Kéita aura aussi les religieux sur son dos. L’association Sabati 2012 était déterminée à faire élire le candidat Ibrahim Boubacar Kéita. On ne s’en cachait même plus avec les spécimens dans nos mosquées.

Deux jours avant l’élection l’information a été donnée aux fidèles que les autorités religieuses du pays demandent aux musulmans d’aller voter pour IBK. Mais lorsqu’on posait la question de savoir laquelle autorité religieuse, d’autant plus que le Haut conseil islamique s’est voulu neutre, on restait sans réponse. Sabati 2012, qui est dirigé par le jeune, Moussa Boubacar Bah, peut-il parler au nom des autorités religieuses du Mali ?

On sait que le Chérif de Nioro est derrière ce mouvement et a même débloqué 100 millions FCFA pour faire élire IBK, mais de là à dire qu’il incarne seul les autorités religieuses du pays ! Il faut dire que ce comportement n’a pas manqué d’irriter certains fidèles dans les mosquées lesquels s’inquiétaient du fait que nos lieux de culte soient transformés en terrains politiques. Comment gérer ces religieux quand on sait religion et laïcité ne font pas bon ménage ? On l’a vu avec l’affaire du code.

 

Abdoulaye Diakité