Le 18 décembre 2013, le gouvernement informait l’opinion nationale et internationale de la lettre n°285/PG-CS dont l’Assemblée nationale, siège de la Haute cour de justice, venait d’être saisie. Une correspondance qui contenait la dénonciation de certains faits susceptibles d’être retenus contre Amadou Toumani Touré, ancien président de la République, pour haute trahison. Trois mois après, au mois de mars, l’hémicycle vient de désigner en son sein les membres titulaires et suppléants devant siéger au sein de cette juridiction politique. Cette étape supplémentaire dans les poursuites envisagées contre ATT, signifie t-elle que la justice se rapproche de l’ancien chef de l’Etat en exil ?

 

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Le  lundi 10 mars dernier, l’Assemblée nationale du Mali a procédé à la désignation des 18 députés (9 titulaires et 9 suppléants) devant composer la haute cour de justice. Il s’agit de Abderhamane Niang, Alhousna Malick Touré, Bakary Diarra et Ousmane Kouyaté (Groupe parlementaire RPM),  Moussa Coulibaly et Mamadou Habib Diallo (APM), Alkaïdi Mamoudou Touré (VRD), Sériba Diarra (ADEMA) et Alassane Tangara  (Groupe parlementaire FARE-SADI). Eux siégeront à la Haute cour de justice comme titulaires. Ils auront comme suppléants Abdias Théra, Boubacar Sissoko, Djikiné Cissé, Samuel Cissé (groupe RPM) ; Youssouf  Maïga, Bokari Sagara (APM) ; Dotian Traoré (VRD), Youssouf Aya (ADEMA) et Abdoulaye Fofana (FARE-SADI).

 

 

La désignation de ces «juges politiques», (ce ne sont pas des magistrats), s’est déroulée sur fond de consensus entre majorité et opposition parlementaire. Les élus de la nation ont, en effet, entériné le choix de ces membres à la suite d’un vote majoritairement favorable (141 pour et 4 contre).

 

 

Le choix des membres de cette instance vient remettre sous les feux des projecteurs, la question de l’éventualité des poursuites que l’Etat pourrait engager contre Amadou Toumani Touré, ancien président de la République, chassé du pouvoir à quelques mois seulement de la fin de son second et dernier quinquennat….

 

 

Après cette étape, la désignation des membres de la haute cour de justice, le gouvernement va-t-il franchir le rubicond en saisissant les autorités sénégalaises d’une demande d’extradition de l’ancien chef de l’Etat ? La question est sur certaines lèvres. Un ministre du gouvernement sénégalais (interpellé à ce sujet) a récemment déclaré que son pays n’a, pour l’heure, reçu aucune demande de Bamako dans ce sens.

 

La haute de Cour de justice, faut-il le rappeler, est une juridiction (politique) prévue par la constitution malienne, en son article 95 qui stipule : «la haute cour de justice est compétente pour juger le président de la république et les Ministres mis en accusation devant elle par l’Assemblée nationale pour haute trahison ou en raison des faits qualifiés de crimes ou délits commis dans l’exercice de leurs fonctions, ainsi que leurs complices en cas de complot contre la sûreté de l’Etat…»

 

La mise en accusation est votée par scrutin public à la majorité des 2/3 des députés composant l’Assemblée nationale.

 

La Haute cour de justice est liée par la définition des crimes et des délits et par la détermination des peines résultant des lois pénales à l’époque des faits compris dans la poursuite».

 

Si les membres de cette institution sont toujours désignés lors des précédentes législatures, force est de reconnaître qu’elle (l’institution) n’a jamais fonctionné dans les faits. Va-t-elle fonctionner cette fois?

 

Le 18 décembre 2013, le gouvernement rendait public un communiqué informant l’opinion nationale et internationale que l’Assemblée nationale, siège de la Haute cour de justice, venait d’être saisi par lettre n°285/PG-CS du 18 décembre 2013, d’une dénonciation de faits susceptibles d’être retenus contre Amadou Toumani Touré, ancien président de la République, pour haute trahison. Dans le communiqué diverses infractions susceptibles d’être retenus contre l’ancien chef de l’Etat sont énumérées :

 

«D’avoir, en sa qualité de président de la République du Mali, donc chef suprême des armées, et en violation du serment prêté, facilité la pénétration et l’installation des forces étrangères sur le territoire national, notamment en ne leur opposant aucune résistance, faits prévus et réprimés par l’article 33, al 2 du Code pénal ;

 

– D’avoir, au Mali, au moment des faits et en tant que président de la République, donc chef suprême des armées, détruit ou détérioré volontairement un outil de défense nationale, faits prévus et réprimés par l’article 34, al 2 du Code pénal ;

 

En tant que Président de la République…

 

– D’avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu que dessus, participé à une entreprise de démoralisation de l’armée caractérisée par les nominations de complaisance d’officiers et de soldats incompétents et au patriotisme douteux à des postes de responsabilité au détriment des plus méritants entraînant une frustration qui nuit à la défense nationale, faits prévus et réprimés par l’article 34, al 3 du Code pénal ;

 

– De s’être, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu que dessus, opposé à la circulation du matériel de guerre, faits prévus et réprimés par l’article 34, al 3-c du Code Pénal ;

 

– D’avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu que dessus, participé, en connaissance de cause, à une entreprise de démoralisation de l’armée, malgré la grogne de la troupe et des officiers rapportée et décriée par la presse nationale, faits prévus et punis par l’article 34, al 3-d du Code pénal ;

 

– D’avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu que dessus, en tout cas, depuis moins de 10 ans, par imprudence, négligence ou inobservation des règlements laissé détruire, soustraire ou enlever, en tout ou partie, des objets, matériels, documents ou renseignements qui lui étaient confiés, et dont la connaissance pourrait conduire à la découverte d’un secret de la défense nationale, faits prévus et punis par l’article 39, al 2 du Code pénal.

 

Au delà des questionnements somme toute légitimes sur ce dossier ATT, l’idée de l’ouverture de poursuites contre l’ancien président ATT, reste une question qui divise l’opinion et agite le débat entre même les spécialistes des questions de droit constitutionnel, partagés entre ceux qui partagent le choix du gouvernement, et ceux qui lui dénient toute pertinence.

 

Dans ce débat, il n’est pas rare d’entendre qualifier ce choix (du gouvernement) de démarche «au relent revanchard».  A coté d’eux, il y a d’autres analystes qui  ne sont tout simplement pas d’accord avec le recours à une disposition (surannée) qui crée un embarras : le recours à une justice politique inadaptée au contexte actuel d’Etat démocratique.