CONSTAT. Le rapport que vient de publier Human Rights Watch révèle qu’il y a plus de victimes civiles que militaires dans les violences liées au terrorisme.

Serval, Épervier, Barkhane, la Minusma et le G5 Sahel… Aucune de ces forces armées ne semble venir à bout du terrorisme au Mali, malgré un déploiement qui s’intensifie d’année en année. Pire, 2019 constitue l’année la plus meurtrière notamment pour les civils au Mali, et ce, depuis le début des violences en 2012. D’après le nouveau rapport de l’ONG Human Rights Watch sur le Mali publié ce 10 février, 456 civils maliens auraient perdu la vie cette année. Épicentre des violences ? « La région centrale du Mali », où « des groupes armés tuent, mutilent et terrorisent des communautés, apparemment sans craindre de devoir rendre des comptes », a déclaré Corinne Dufka, directrice de Human Rights Watch pour l’Afrique de l’Ouest et autrice du rapport dans un communiqué.

Groupes islamistes et communautaristes se superposent

Les témoignages des 150 victimes et témoins d’exactions, des leaders des communautés peule et dogon, des responsables des services sécuritaires et judiciaires et des experts sont formels. « La violence qui touche le centre du Mali s’est intensifiée progressivement depuis 2015, quand des groupes islamistes armés alliés d’Al-Qaïda ont commencé leur descente du nord vers le centre du pays », peut-on lire dans le rapport intitulé « Combien de sang doit encore couler ? »

Après l’apparition, la même année, du groupe du prédicateur radical Amadou Koufa, recrutant prioritairement parmi des Peuls, généralement des éleveurs, les affrontements se sont multipliés entre cette communauté et les ethnies bambara et dogon. En réponse, ces dernières ont créé des groupes d’autodéfense en s’appuyant sur les chasseurs traditionnels dozos. Au fil des mois, les exécutions de villageois forcés de descendre de leur véhicule en raison de leur appartenance ethnique, de civils brûlés vifs dans leurs maisons ou encore tués par des engins explosifs improvisés, se multiplient.

Les violences s’étendent doucement, mais sûrement vers le sud

Ces violences, inédites dans le pays, frappent également les militaires maliens et étrangers. Dernière attaque en date, celle commise contre le camp de Sokolo, dans la région de Ségou, près de la frontière mauritanienne. Le bilan est lourd : au moins 19 gendarmes tués et 5 blessés. Une situation sécuritaire dramatique, qui s’est d’ailleurs propagée au Burkina Faso voisin. Perçu jusqu’en 2016 comme un phare de stabilité dans la région, le pays est désormais lui aussi pris dans un cercle de violences, et entraîne par là même « déplacements de grande ampleur » et « épisodes de famine ».

Que faire face à la « quasi-impunité » des responsables

Si Human Rights Watch déplore la prolifération des violences, l’ONG fustige surtout la quasi-impunité dont jouissent les responsables des différents groupes armés. Et estime que « les autorités maliennes devraient consacrer davantage d’énergie et de ressources à enquêter correctement et à poursuivre en justice tous les responsables d’exactions graves ». Pour Corinne Dufka, « l’échec du gouvernement malien à punir les groupes armés, tous bords confondus, encourage ces derniers à commettre d’autres atrocités », a-t-elle fait savoir.

Si les tribunaux ont ouvert l’an dernier plusieurs enquêtes et condamné « environ 45 personnes au motif d’incidents moins graves de violences communautaires », « les autorités judiciaires n’ont toujours pas interrogé, et encore moins poursuivi en justice, les puissants leaders de groupes armés impliqués dans de nombreux massacres ». Ainsi, pour HRW, « les groupes armés tuent, mutilent et terrorisent des communautés, apparemment sans craindre de devoir rendre des comptes ». Pour inverser la tendance, HRW avance une solution : le renforcement du système judiciaire du centre du Mali et du Pôle spécialisé dans la lutte contre le terrorisme, avec le soutien des partenaires internationaux du pays. Reste à savoir si l’idée fera son chemin auprès des concernés.

Source: lepoint