L’Etat islamique au Grand Sahara et le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans sont les principales forces djihadistes implantées au Mali.

La France est présente au Mali depuis janvier 2013 dans le cadre de l’opération Barkhane au Sahel. Mardi, treize militaires français ont trouvé la mort dans la région de Menaka, dans le nord du pays, au cours d’une collision entre deux hélicoptères lors d’une opération de combat contre des djihadistes.

Il y a six ans, la France intervenait dans ce pays d’Afrique de l’Ouest pour libérer le nord du territoire tombé sous la coupe de groupes djihadistes liés à al-Qaeda après une rébellion touareg. “Sensiblement les mêmes depuis le début du conflit, explique Michel Goya, ancien colonel et spécialiste en analyse des conflits. D’un côté ce qui est devenu l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS), de l’autre le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), qui entretiennent des rapports de rivalité et de coopération en même temps.”

“Des jeux d’alliances”

“Leur répartition est géographique au Mali, ils n’opèrent pas sur le même territoire, décrit Stéphane Kenech, reporter indépendant spécialiste des mouvements djihadistes. Le GSIM est plutôt dans l’Ouest, l’EI plutôt dans l’Est. Il n’y a pas d’affrontements entre eux du fait de cette répartition, d’autant que d’autres groupes djihadistes non-affiliés, des katibas (des milices islamistes, Ndlr), font tampon entre les deux au centre du pays. Au contraire, il y a plutôt des jeux d’alliances temporaires en fonction des intérêts de chacun.”

Début novembre, la “filiale” de l’Etat islamique dans la région avait revendiqué dans un communiqué signé de sa “Province Afrique de l’Ouest”, l’attaque d’un camp militaire dans le Nord-Est, qui avait entraîné la mort de 49 soldats maliens, ainsi que la pose d’une bombe artisanale dans la même zone de Ménaka qui avait tué le 2 novembre un soldat français de l’opération Barkhane.

Cette région dite des “trois frontières” entre Mali, Burkina et Niger, est la zone d’action du groupe EIGS depuis sa création en 2015. Il compte 100 à 200 combattants sur ce territoire du centre-nord du pays. Le groupe est emmené par Adnan Abou Walid al-Sahraoui, ancien membre du Front Polisario dans les années 1990, un des principaux responsables du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), groupe djihadiste qui avait pris le contrôle du nord du Mali en 2012, devenu en 2013 al-Mourabitoune.

Il avait fait dissidence en mai 2015 pour prêter allégeance à l’EI, qui ne l’accepta qu’en octobre 2016. Présent dans la zone de Ménaka, dans l’ouest du Niger et dans l’est du Burkina Faso, l’EIGS avait notamment revendiqué l’attaque de Tongo Tongo, en octobre 2017 au Niger, qui avait coûté la vie à quatre soldats américains et quatre militaires nigériens.

La partie d’al-Mourabitoune qui n’a pas rejoint l’EI est ou était menée par l’Algérien Mokhtar Belmokhtar, présumé mort. En juillet 2015, le groupe avait rejoint al-Qaeda, avant de donner naissance, en mars 2017 avec d’autres formations djihadistes, dont al-Qaeda au Maghreb islamique (AQMI), au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, dont le chef est le touareg malien Iyad Ag Ghali.

“Aujourd’hui, ils coopèrent ensemble”

Toutefois, bien que l’Etat islamique au Grand Sahara et le GSIM soient nés d’une scission au sein d’al-Mourabitoune et qu’une “union ne soit pas envisageable à cause des différences idéologiques tenaces”, comme l’expliquait en 2017 le journaliste de France 24 Wassim Nasr, auteur de L’État islamique, le fait accompli, les deux groupes ne sont pas ennemis.

“Aujourd’hui, ils coopèrent ensemble et conduisent même depuis l’été 2019 des opérations d’ampleur conjointement. Cela ne veut pas dire que tous les groupes n’expriment pas des différends régulièrement. Cela touche à des différends doctrinaux, comme le rapport à l’instrumentalisation des tensions communautaires, le ciblage ou non des populations civiles ou des chrétiens, et plus prosaïquement le partage du territoire entre deux. Mais jusqu’ici en tout cas ils ont toujours su désamorcer les tensions”, explique Mathieu Pellerin, analyste Sahel à l’International Crisis Group.

En ce qui concerne la mort des treize militaires français, le groupe qu’ils pourchassaient pourrait être lié à l’Etat islamique au Grand Sahara. “On compte aujourd’hui une dizaine de katibas opérant dans le Sahel, à cheval sur la frontière du Niger, du Mali et du Burkina-Faso”, écrit dans un article de Politique étrangère Alain Antil, directeur du Centre Afrique subsaharienne de l’Institut français des relations internationales. Des milices qui ont l’habitude de se séparer et de se reformer en fonction des jeux d’alliances avec l’Etat islamique au Grand Sahara et le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans.

Source: lexpress