Le voile, ce n’est un secret pour personne, est à la pointe de la mode dans les zones sous contrôle des groupes qualifiés de djihadistes qui écument la région. Au marché de Mopti, les vendeurs se frottent les mains.

Poisson frais, fumé et séché, fruits et légumes, objets d’art, articles divers… Nous sommes au marché de la ville de Mopti. Depuis quelque temps, les vendeurs de niqab sont les plus sollicités, notamment par les habitants des villages environnants. Les femmes venant des zones occupées par les djihadistes viennent se procurer ces vêtements portés naguère par une petite frange de la population.

Le « Sayé balejo », qui désigne en peul le niqab de couleur noir, long et ne laissant apparaître que les yeux, ou « bouroumoussi fiman » en bamanakan, est de plus en plus sollicité par les femmes vivant en milieu rural, principalement dans les villages qui sont sous le contrôle des groupes qualifiés de djihadistes. Ces derniers ont contraint les femmes à porter obligatoirement ces accoutrements sous peine de châtiment corporel infligé au mari et à sa femme.

Le business du « Sayé balejo »

Même si cet accoutrement n’est pas du goût de toutes les femmes, elles sont tenues de le porter. Kadidia (le prénom a été modifié), ressortissante du village de Saré Ila, a suivi la mode malgré elle : « Je ne suis pas habituée à me couvrir de la tête au pied, mais on m’y oblige. Donc, je porte le voile malgré moi-même. J’ai vraiment peur des représailles », confie-t-elle. De fait, le dimanche 5 janvier 2020, dans le même village de Saré Ila, non loin de la ville de Mopti, des hommes en armes y ont fait irruption pour imposer le port du voile aux femmes. Des contrevenantes ont été même fouettées sur la place publique.

Depuis cet incident, les femmes vivant dans les zones sous contrôle des individus qualifiés de djihadistes sont rentrées dans le rang. Il en a résulté que certains commerçants, dans la ville de Mopti, ont même multiplié leurs commandes. Si auparavant le « Sayé balejo » était cédé à 3000 ou 3 500 FCFA sur le marché, son prix a presque doublé avec la forte demande. Amidou (le prénom a été modifié), commerçant au marché de Mopti, confie qu’il tire assez de bénéfices de la vente du voile. Même s’il y gagne, il déplore la façon dont on force les femmes à porter cet habit : « Nos boutiques sont beaucoup sollicitées ces temps-ci par des clientes venues des villages. À mon avis, même si je trouve mon pain quotidien dedans,  je suis contre le fait que certains individus forcent des personnes à faire des choses qui vont à l’encontre de leur volonté ».

Absence de l’État

La non présence des services de l’État est fortement décriée par les populations vivant dans ces zones sous le joug des occupants qualifiés de djihadistes. En abandonnant ces parties du territoire, l’État a ouvert un boulevard aux groupes armés qui y dictent leur loi au grand dam des paisibles citoyens.

« Nous, nous ne savons plus si nous sommes Maliens. Nous n’avons plus d’espoir quant au retour de l’administration. Nous avons tellement duré avec ces gens que nous nous sommes désormais habitués à eux.», témoigne Djiby (le prénom a été modifié), un commerçant basé à Dogo, un village du cercle de Youwarou, dans la région de Mopti.

benbere