La plupart des conflits trouvent leur dénouement autour d’une table de négociations. Le cas de notre pays appartient à cette catégorie. C’est du moins la conviction de nombre d’observateurs

 

Dans le quatrième axe du Plan d’action du gouvernement (PAG) qui porte sur la promotion de la bonne gouvernance et l’adoption d’un pacte de stabilité sociale, les autorités de la Transition prévoient l’organisation de missions de bons offices, notamment le dialogue entre les communautés et les acteurs locaux en conflit, pour la relance du dialogue avec les groupes radicaux maliens.

Ces derniers temps, les groupes terroristes multiplient les attaques contre les militaires et les civils dans notre pays. Une des attaques meurtrières, en août dernier, contre les civils qui a eu lieu dans les localités de Ouatagouna, Karou, Dirga et Daouteguet a fait près d’une cinquantaine de morts. Face à la montée du terrorisme, la question du dialogue avec les chefs terroristes comme Amadoun Kouffa et Iyad Ag Ghaly a été l’une des recommandations phares de la Conférence d’entente nationale en 2017 et du Dialogue national inclusif (DNI) en décembre 2019.

Également, dans un rapport publié le 28 mai 2019, International Crisis Group avait souligné que pour sortir de l’impasse, le dialogue avec les djihadistes et leurs soutiens doit être une option à prendre très au sérieux par les autorités.

Le groupe de recherche, pour trouver une solution à la crise dans les Régions de Ségou, Mopti, propose le dialogue avec Amadoun Kouffa, le chef de la Katiba du Macina qui sème la terreur dans cette partie du pays. En plus de Kouffa, le groupe de recherche a préconisé d’engager le dialogue avec tous ceux qui ont des griefs contre l’État et qui les expriment en soutenant les terroristes.

Sur la question, Dr Aly Tounkara, directeur du Centre des études sécuritaires stratégiques au Sahel (CE3S) rappelle que depuis 2013, les forces étrangères sont présentes sur le territoire malien en plus de l’Armée, mais peinent à contrer l’offre de violence.« Je pense qu’aujourd’hui, quand on regarde les trajectoires des groupes radicaux violents, que ce soit en Afghanistan, en Irak et, récemment, en Syrie, on se rend compte que les puissances ont toutes été réticentes à engager le dialogue avec eux mais ont toujours fini par l’admettre.

C’était le cas avec les États-Unis en Afghanistan où ils étaient fermes à ne pas dialoguer avec les talibans, mais très vite, ils se sont rendus compte que les seules réponses militaires ne suffisent pas… », analyse le chercheur, pour qui ces hypothèses sont aussi plausibles dans le contexte malien.

Dr Aly Tounkara est formel : « aucun pays n’est parvenu à vaincre le terrorisme avec seulement les armes ». Cependant, il souligne qu’il y a des lignes rouges à ne pas franchir dans l’hypothèse du dialogue : le caractère laïc de l’État et sa forme républicaine. La question du dialogue est revenue plusieurs fois et les autorités maliennes ne se sont jamais opposées à ce principe avec les groupes rebelles et extrémistes.

Le dialogue avec les terroristes a déjà porté ses fruits. Enlevé le 25 mars 2020, feu Soumaïla Cissé, décédé le 25 décembre 2020, a recouvré la liberté après avoir passé 198 jours entre les mains de ses ravisseurs, suite à des négociations.

Certains acteurs, qui étaient farouchement opposés à tout dialogue avec les terroristes ont aujourd’hui reconnu la nécessité de franchir ce pas pour asseoir la paix et la stabilité dans notre pays et dans le Sahel. Il y a quelques mois, le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres, a parlé d’établir un dialogue avec certains groupes extrémistes.

«Il y aura des groupes avec lesquels on pourra parler et qui auront intérêt à s’engager dans ce dialogue pour devenir des acteurs politiques dans le futur», avait-il déclaré dans un entretien paru dans le journal « Le Monde ».

Fin décembre 2020, la France, qui était fermement opposée à toute hypothèse de dialogue avec les groupes terroristes opérant au Sahel, a également infléchi sa position.

C’est la ministre française des Armées Florence Parly qui l’a annoncé au cours de son audition par la commission Défense de l’Assemblée nationale française. Elle a indiqué que des négociations sont possibles, mais pas avec n’importe qui.

Dieudonné DIAMA

Source : L’ESSOR