Emmanuel Macron donne des signes d’ouverture vers ses alliés du Sahel en faveur de négociations avec les groupes armés terroristes. Ce à quoi il s’était toujours refusé.

Le « oui mais » brouillon, ambigu et presque honteux d’Emmanuel Macron en faveur de négociations avec les groupes djihadistes que la France combat depuis huit ans est la nouvelle marque de la politique française au Sahel. Le Président français a-t-il vraiment le choix? Les alliés de la France, notamment le Burkina et le Mali, ont lancé de passerelles vers les groupes extrémistes depuis des mois et recherchent des formes d’union avec toute les forces vives.

Un petit air d’« en même temps »

Depuis quelques semaines, une petite musique se fait entendre dans les coulisses de l’Elysée ou du ministère des Armées, concernant d’éventuelles négociations avec les djihadistes sahéliens. A en croire, les indiscrétions du « Canard Enchainé » ou de « Financial Afriqu, ce n’est pas encore l’affirmation d’une politique assumée. Mais l’opposition résolue à tout geste d’ouverture se fait de moins en moins volontaire et tonitruant.

Emmanuel Macron serait donc prêt à assouplir sa position sous certaines conditions qui pourraient se résumer ainsi « djihadistes, mais pas trop » ! Mais quel groupe armé pourrait entrer dans les cases macroniennes ? Mystère, et d’autant que le chef de l’Etat français ne le sait probablement pas lui-même.

Iyad Ag Ghali, chef du prinicipal groupe djihadiste au Mali, était désigné récemment par Emmanuel Macon comme « l’ennemi public numéro un » de la France. Comment expliquer aujourd’hui qu’il serait un interlocuteur valable?

Ce ne peut pas être le RVIM, le groupe de Iyad Ghali et d’Amadou Kouffa puisque ces deux chefs ont été désignés, en février dernier, au sommet de Ndjamena comme les ennemis numéro 1 de Paris. Ce ne peut pas être non plus l’Etat islamique dans le Grand Sahara (EIGS) qui, entre autres faits d’armes, a amputé des mains et des pieds de trois bandits, le 3 mai dernier, dans la région d’Ansongo au Mali.

La donne a changé

Il faudra donc attendre le mois de juin et prochain sommet du G5 Sahel pour connaître les nouvelles dispositions du président français qui devra en tout état de cause prendre en compte l’évolution de la situation. Car, depuis le mois de février, les événements se sont précipités, Idriss Déby, « le guerrier du Sahel » n’est plus. Son fils qui le remplace pour le moment sur le trône de Ndjamena a d’autres chats à fouetter, pris entre Boko Haram, les rebelles du FACT et une contestation intérieure. Autre fait notable, Iyad Ghali détient depuis le 8 avril un nouvel otage français en la personne du journaliste, Olivier Dubois. Enfin, l’EIGS, qu’Emmanuel Macron pensait avoir durablement affaibli a repris du poil de la bête et réoccupe le terrain dans la région des Trois frontières comme l’ont montré les derniers évènements d’Ansongo. Pendant toute l’année 2020, ce groupe armé terroriste a été pris en étau par la force Barkhane et par le RVIM qui le combattait durement. Or, depuis que Iyad Ghali a été désigné comme l’homme à abattre, il ne combat plus sur ce terrain-là, d’où la réémergence de l’EIGS.

La fatigue des populations

L’autre réalité qui revient comme un boomerang à la figure du président français est la volonté des populations de négocier avec les groupes qui occupent leur terrain. Malgré toutes les armées présentes sur leur sol pour venir à leur secours, elles n’ont vu aucune amélioration de leur situation et sont usées par des années de guerre. Elles ne souhaitent plus qu’une chose travailler et vivre dans leurs villages et n’ont pas d’autre choix que de dialoguer avec les djihadistes. Ghassimi Diallo, le maire de la commune de Thiou au Burkina Faso a déclaré au journal Sidwaya « J’ai négocié avec les terroristes pour que ma commune ne soit pas attaquée. » Dans cet entretien, il avoue ne pas être le seul à avoir agi ainsi, selon lui beaucoup d’autres communes burkinabè ont également initié des pourparlers.

Au Mali, le même phénomène se produit, de nombreux notables des territoires ruraux s’engagent dans un dialogue. C’est exactement ce qui s’est passé dans le cercle de Niono où des accords ont été passés entre djihadistes et chasseurs traditionnels sous le patronage du Haut Conseil islamique. Certes, ces accords sont fragiles et ils se font sur la base de rapports de forces plutôt favorables aux djihadistes, cependant, dans le centre du Mali, le cessez-le-feu tient et les populations peuvent aller aux champs et vaquer normalement à leurs occupations.

Emmanuel Macron n’a pas senti venir le vent du boulet et est resté figé sur ses positions sans prendre le pouls des sociétés sahéliennes. Au lieu d’initier une vraie politique et sortir du tout sécuritaire, il gardé sa posture martiale en bloquant toutes velléités de négociations. S’il a pu s’opposer aux chefs d’Etats sahéliens, il ne peut pas contester les initiatives locales, d’autant qu’il n’a aucune victoire, aucune amélioration sécuritaire à brandir. S’il veut, en outre, montrer un bilan plus glorieux à l’aune de la campagne électorale de 2022, il n’a plus beaucoup de choix…

SOURCEmondafrique.com