Entre menace américaine de désengagement et accusations de « néocolonialisme », la France poursuit sa mission au Sahel. Avec le soutien des gouvernements locaux.

La France est au Sahel et y restera. Tel est le message qui a été martelé au sommet de Pau qui s’est déroulé le 13 janvier. Rien de vraiment neuf, donc. « La montagne a accouché d’une souris », relativise ainsi Michel Goya (1). Mais les pays du G5 (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad) ont réaffirmé leur besoin d’une présence militaire. Après la mort des treize soldats en décembre et les interrogations qu’elle avait suscitées, le président Macron a estimé une telle confirmation nécessaire. L’envoi de 220 soldats supplémentaires a été décidé.

Au sommet de Pau
« Les chefs d’État ont réaffirmé leur détermination commune à lutter ensemble contre les groupes terroristes qui opèrent dans la bande sahélo-saharienne et dans la région du lac Tchad. […]. [Ils] ont exprimé le souhait de la poursuite de l’engagement militaire de la France au Sahel et ont plaidé pour un renforcement de la présence internationale à leurs côtés. Ils ont exprimé leur reconnaissance à l’égard de l’appui crucial apporté par les États-Unis et ont exprimé le souhait de sa continuité. »

Extrait de la déclaration conjointe des chefs d’États au sommet de Pau.

Rappelons que la France est dans cette région depuis 2013 à la demande du président du Mali. Les forces djihadistes menaçaient alors Bamako. Ce fut l’opération Serval. En 2014, Barkhane a pris le relais. « En tant que membre du Conseil de sécurité de l’Onu, nous avons une responsabilité dans les affaires internationales », explique un expert militaire qui connaît bien la région. « L’effondrement du Mali entraînerait dans sa chute les pays à l’entour. Nous avons, en outre, une responsabilité historique en Afrique, et particulièrement l’Afrique de l’Ouest. Nous ne pouvons pas faire comme si ces liens n’existaient pas. »

Le même spécialiste rappelle les « valeurs » au nom desquelles la France agit : liberté, droits de l’homme, démocratie. « Nous luttons contre une forme d’obscurantisme. Mais ce n’est pas un combat idéologique pour autant : nous ne cherchons pas à imposer une idéologie. Nous voulons protéger les populations. »

Par ailleurs, la France se défend elle-même : 30 000 à 50 000 ressortissants français vivent dans cette région, et beaucoup estiment qu’un Sahel livré aux djihadistes deviendrait un nid à terroristes dont l’Europe en général et la France en particulier feraient les frais. Quant aux intérêts économiques, ils sont inexistants. Ce n’est pas l’uranium du Niger que notre armée protège. Il s’agit certes d’un minerai stratégique, mais on en trouve dans bien d’autres pays.

 

« La lutte contre le terrorisme se joue aussi dans cette région »
S’il y a une nouveauté, en revanche, elle concerne l’engagement des États-Unis aux côtés de la France. Ceux-ci, actuellement, apportent à Paris une aide précieuse en matière de renseignements, ainsi qu’une assistance technique pour les ravitaillements en vol – « une faiblesse de notre armée », affirme Michel Goya. Or, Donald Trump a annoncé son projet de se retirer.

La France, dans ce contexte, déploie ses efforts dans plusieurs directions. D’abord convaincre ses alliés américains de rester en Afrique : « J’espère pouvoir convaincre le président Trump que la lutte contre le terrorisme se joue aussi dans cette région », a déclaré Emmanuel Macron. Ensuite, demander aux Européens de davantage partager le fardeau de cette guerre. Certains le font déjà. Les Britanniques avec un contingent et trois hélicoptères, les Danois avec deux hélicoptères, les Espagnols avec des transports tactiques. Mais l’effort pourrait être plus important, ne serait-ce que sur le plan financier. L’Europe, pour l’instant, ne semble guère convaincue de l’urgence de la situation.

Au niveau local, enfin, les militaires forment les armées autochtones. Mais c’est une action de très longue haleine, l’affaire au moins d’une génération. « Rien ne pourra se faire si les États locaux ne se renforcent pas, insiste Michel Goya. Une armée, ce n’est pas seulement une formation technique, c’est aussi et d’abord un État fort, ce qui n’est pas le cas du Mali. » L’armée tchadienne, en revanche, est plutôt performante. Et puis il y a l’opinion locale, avec laquelle il faut composer. « Si nous n’en faisons pas assez, c’est non-assistance à pays en danger, note un expert. Si nous intervenons trop, nous sommes accusés d’ingérence, voire de néocolonialisme. » Un chemin de crête…

562
C’est le nombre de Français « morts pour la France » loin de leur pays depuis 1963, du Tchad au Mali, du Liban à l’Irak, des Balkans à la Syrie et au Burkina Faso.

Presque tous sont tombés en luttant non contre des États, mais contre des organisations armées.

Charles-Henri d’Andigné

Source Famillechretienne.fr