« Les choses les plus belles sont celles que souffle la folie et qu’écrit la raison ». Dans son Journal, André GIDE nous apprend que les forces qui sèment l’espoir sont celles qui fleurissent la vie des peuples et des nations pour nourrir les populations d’espérance des fruits de l’effort, de la droiture, de l’engagement et des sacrifices.

Dans la transcendance des peuples se perçoivent la responsabilité des gouvernants, les principes de leurs actions, leurs objectifs, leur vision, leur moule éducatif, leur histoire, leur personnalité, leurs rêves. Dans les contraintes et l’audace de leur action se dévoilent leur folie, les normes de leur volonté et les transgressions heureuses qui illustrent les éclats de leur folie.

Dans notre pays le Mali, nous cherchons vainement ce que nous sommes devenus dans le bondissement des peuples, dans leurs repères de célébrité, dans leurs mythes rassembleurs construits dans la positivité et la fierté des jouissances collectives. Ce qui nous rassemble dans la dignité et le respect de nous-mêmes est introuvable, parce que les valeurs dans ce pays sont détruites et la grandeur nous a quittés dans tous les compartiments de la vie publique.

Quand la cruauté et la barbarie s’installent dans la durée sur une République, l’idiotie, les vétilles et les broutilles deviennent des substituts dangereux du bon sens et de la raison. Le supplice du manque étale son voile noir sur la République, dès lors que l’humanité n’est plus le rêve des prétendus leaders qui gardent par-devers eux tous les privilèges sans un coup de fanal sur les conditions de vie des citoyens.

Dans toutes les républiques où prospèrent le crime, le viol, le vol, la cupidité, la rapine, le sens de la vie d’étiole, parce que la morale et l’éthique font l’étage de l’humanité et de la civilisation. Nous avons perdu le respect de nous-mêmes et des autres dans la dimension chétive de la gouvernance qui diffuse en permanence dans la psychologie sociale la perversion, le mauvais exemple.

Que sont-elles devenues, nos institutions avec les hommes qui nous tournent dans le moulin du vide et le folklore du progrès ?

Dans quels secteurs de la vie publique pouvons-nous encore, en toute lucidité, vanter l’exploit ? Quelle interférence la gouvernance de la faillite a-t-elle sur le mental du peuple ?

Quand la gouvernance bascule dans le faux, le travestissement du service public, elle évacue la solidarité nationale et l’accompagnement populaire.

Ainsi, les charges et les devoirs de la gouvernance n’ont que la vitalité d’un chiffon qui s’exhibe dans des saletés aux puanteurs abjectes. Le visage de notre éducation aux galons de toutes les légèretés à fabriquer l’incompétence et le chômage de masses autant que celui de la santé à rebuter les patients illustrent un désastre sans nom dans notre société frappée de bassesses et de petitesses ahurissantes qui n’ouvrent aucun horizon d’espérance et de grandeur à un Mali qui a rompu ses amarres du vivre-ensemble et des compétences dans un feu tribaliste, régionaliste couronné de corruption où la cupidité et l’avidité du gain ont englouti la puissance du mérite.

Il faut bien scruter au font du Malien pour savoir que la misère morale et matérielle ont étalé un voile de dépravation sur notre société. Le Malien  a perdu tout son sérieux dans un règne de faussetés qui fait prospérer la misère morale, matérielle, l’achat de consciences, les crimes-économiques, les crimes de sang, les crimes téléguidés, les miliciens et un fleuve de corruption qui spolie les méritants, les populations. Le chapelet des jérémiades récité massivement et à haute voix dans nos rues expose le supplice du manque imposé à ce peuple, blessé dans son âme et qui a fini par perdre l’estime de soi.

Quand l’odeur de la survie et du bonheur n’est plus à la portée des populations, la flamme de l’espérance disparaît en elles. Nos rues nous renseignent sur ce qui se passe dans les foyers, dans les maisons. Elles mettent à nu l’esprit de la gouvernance, la personnalité de base de ceux qui s’octroient des titres ronflants de leaders.

Notre pays est dans une énorme démobilisation, parce l’administration publique et la morale sont en situation de vacances prolongée. Le train de vie de l’Etat, des gouvernants, en un mot, de la minorité, livre crument et sans peine les sources du mal-être et du grand malaise d’une cité perdue dans le gouffre des contrastes, des ordures politiques et du pillage criard.

Dans un pays où il manque cruellement la chaîne de solidarité, tout se brise, rien ne réussit. Quand l’esprit frileux devient la norme en affaire, les hommes et le pays se contractent, s’enferment et se pourrissent dans l’immobilisme. Il y a une « légion étrangère » solidaire entre elle et encouragée par ceux qui trouvent leur compte chez elle dans la corruption qui s’est emparée, sur nos marchés, de ce que nous avons de référentiel dans l’histoire de l’Afrique : le commerce, la place de nos femmes, de nos filles. Si chez nous, nous ne pensons pas nous donner la main dans la fluidité civique, patriotique, morale, nos faillites nous imposent des cloisons qui profitent aux gens d’ailleurs.

Source: Le Point-Mali