Entre société secrète, religion traditionnelle, musique, théâtre ou danse de possédés, le « Holley » constitue une forme d’expression de la culture songhoï. Ce pan extrêmement important du patrimoine culturel immatériel est revendiqué par notre pays au même titre que les Kôrôduga en milieu bambara, sénoufo et manding et le Koroba chez les dogon. Ce sont des formes de croyance qui ont rythmé la vie dans nos sociétés.

Le premier terme, « holley » désigne un génie plus ou moins familier qui, dans le rite, porte un nom. Le second terme, « horey » se traduit par amusement, distraction. La jonction des deux termes fera une traduction littérale : distraction des génies.
Le moins que l’on puisse dire est que la pratique est en net recul dans les grandes villes. À Gao, jusque dans la décennie 2000 – 2010, principal foyer de la pratique, il ne se passait de semaine sans que l’on n’entende la musique du Holley. Les battements de calebasse, les sifflements des flûtes où les vibrations du violon traditionnel, étaient fréquents dans la Cité des Askia.

À Bamako également, certains quartiers comme Darsalam en Commune III, Missira en Commune II avaient des manifestations hebdomadaires dont on n’entend plus parler.
Quand la crise de 2012 a éclaté, avec l’occupation de la ville de Gao par les terroristes, la plupart des manifestations folkloriques traditionnelles dont le Holley ont presque disparu, confie un habitant de la ville ayant requis l’anonymat. « Les familles qui accueillaient le Holley font profil bas, aucun représentant, y compris des maîtres Zimma ne veulent plus en parler, à forte raison organiser des cérémonies, de crainte des menées des terroristes», explique notre interlocuteur.

La Région de Gao, dont dépendait Tombouctou jusqu’en 1977, a été très tôt islamisée (XIe siècle). Cependant, malgré le fait que déjà aux XVe et XVIe siècles l’islam tendait à être la religion dominante, la grande masse des Songhoï et des peuples de l’empire du même nom, vivant à la campagne, et parfois même dans les centres urbains, restait attachée aux croyances ancestrales.

De nos jours encore, de nombreux Songhoy vouent un culte aux Holley (les doubles) et à d’autres génies qui peuplent la nature. Jibba Maïga, maître du Holley, résident à Bamako, confie que la manifestation, certes rare, accueille beaucoup de personnes. Certains financent les cérémonies dans les environs de Bamako comme à Kati, Baguineda ou Koulikoro.
On y rencontre des Songhoï de toutes les classes sociales : des gens anonymes comme des personnalités qui occupent de hautes fonctions.

CONFRÉRIE ÉSOTÉRIQUE- Le Holley – horey est une confrérie ésotérique réservée aux initiés. L’adhésion au culte se fait de trois manières. La première est «l’élection» ou la passation de l’épreuve de « maladie » ou de lavage de l’esprit : envoûtement et possession par le génie.

On y entre également par héritage ou la préparation pour la transmission de la pratique à un néophyte provenant de la progéniture de l’initié, de préférence un garçon discret et respectueux des valeurs traditionnelles. Dès l’apparition des signes de vieillesse chez le senior, celui-ci transmet le savoir qui a fait sa personnalité et qu’il souhaite voir perdurer à travers le temps et l’espace. Et troisièmement, l’adhésion se fait par la prédestination : cas de l’enfant qui nait possédé : son adhésion future à la confrérie est laissée à son propre arbitre.

La danse Holley occupe une partie importante du culte, puisque c’est grâce à elle que les hommes communiquent avec les esprits, explique le Dr Ousmane Ag Namoye, dans sa thèse intitulée : « Théâtre, société et violence en Afrique de l’Ouest : cas du Sénégal, du Mali et de la Côte d’Ivoire de 1960 à 2010 » soutenue en 2019 à la Faculté des lettres et sciences humaines de l’Université Cheick Anta Diop de Dakar au Sénégal. Pour lui, dans la danse Holley nous distinguons les formes de communications suivantes. D’abord le Windi ou le tour.

C’est l’entrée en matière, l’orchestre joue les airs musicaux pour tous les Holley sous la conduite du Zimma (maître) qui ouvre la danse, les danseurs et les danseuses spécialisés tournent lentement les uns derrière les autres dans le sens contraire des aiguilles d’une montre. C’est en allant dans ce sens que le Ganji insuffle dans le cerveau des danseurs son double.

Il faut accomplir sept fois le tour parce que le chiffre sept est magique et propre aux génies. Quant au Fimbi ou la secousse, il est toujours conduit par le Zimma, les danseurs et danseuses se mettent en ligne en face de l’orchestre dont la musique les secoue. Le mouvement est un balancement du haut du corps, les pieds solidement fixés au sol, la tête est tendue tandis que les mains effleurent le sol.

Pendant le Gano ou la danse proprement dite, l’orchestre joue successivement les hymnes des ganji. Chaque danseur exécute les pas appropriés à son ganji. Ici la danse est individuelle, le danseur se place tout seul en face de l’orchestre à une dizaine de mètres. Immobile, il écoute la mélodie et commence à danser lorsque le rythme devient de plus en plus rapide. Le danseur exhibe tous ses talents à la satisfaction du Zimma et des musiciens, c’est par un arrêt brusque que les musiciens montrent la fin de la séquence du danseur qui s’accroupit. Ainsi le Ganji (génie) le plus sensible aux éloges, s’exécute et monte sur son cheval qui est l’individu possédé.

Le processus de la possession ou évolution du spectacle est très long et se repartie en deux phases. La première est celle que l’on peut appeler la phase invisible. Le ganji pénètre dans le corps de l’homme ou de la femme dès la tendre enfance, il s’en suit une période de maladie qui, malgré tous les soins, ne fait que s’aggraver. à ce moment, les parents du malade vont se confier à un Zimma qui viendra le consulter. Après consultation, le Zimma annonce aux parents que la maladie est due à un ganji et la condition pour guérir est l’organisation d’une danse appelée « Ganando ».

La phase visible est celle à laquelle le grand public peut assister. Le « Holley−tam » entre dans un second état psychologique appelé transe, il bave, gémit fait des mouvements commandés par le ganji. Son langage est incompréhensible, seul le Zimma peut déchiffrer ce qu’il dit.

Comment se passe une scène du Holley – horey ? Le Dr Ousmane Ag Namoye raconte : une danse des possédés est organisée dans un espace très propre avec des spectateurs composés d’hommes et de femmes, les uns assis sur des nattes neuves, les autres débout formant un cercle. A l’intérieur du cercle se trouvent les musiciens composés des joueurs de « Zarka » (une sorte de violoncelle), des batteurs jouant avec des bâtonnets sur des calebasses renversées dans des baignoires d’eau, un flûtiste les accompagnait.

MANIFESTATION RITUELLE- Quand la musique atteint son paroxysme, le chef d’orchestre ou le maître Zimma sort de sa poche une poudre grise qu’il éparpille sur l’aire de la danse, cette poudre appelle les esprits. Il ordonne à une femme de chanter l’hymne de Marou thirey (le tuteur des sorciers) qui est repris par les choristes. Une femme danseuse manifeste les premiers signes de possession, elle se jette à terre, se tire les cheveux ; la crise devient plus aigu, les pleurs et les gémissements se transforment en sanglots. Elle continue toujours à se rouler par terre, lève les yeux au ciel, écarquille les yeux rouges, puis respire à peine.

En fait, ce n’est pas la danseuse qui est maîtresse de ce corps, c’est le ganji qui l’habite, qui la fait mouvoir, la fait gémir et la fait parler. Toute l’allure de l’individu s’est mystérieusement transformée, il a l’attitude caractéristique du holley. La théâtralité dans le holley se retrouve dans le culte qui est une manifestation rituelle dont les composantes sont : l’espace scénique, les accessoires et les personnages. Il est une forme de divertissement occasionnel ou annuel offrant un spectacle qui attire la société d’où sa convergence avec le théâtre.

Au pays Songhoï, le culte de Dongo, génie de la foudre comporte une théâtralité. à l’approche de l’hivernage, par crainte que Dongo ne se fâche, et envoie la foudre sur le village, on lui fait une cérémonie rituelle qui consiste au sacrifice d’un animal, à la danse aux formules incantatoires et à l’hymne qui l’excite. Tous ces éléments comparatifs nous permettent de cerner l’aspect théâtral du culte du holley.
Dans le milieu culturel songhoï, les cérémonies rituelles se rencontrent sous deux formes : les cérémonies annuelles obligatoires et les cérémonies d’initiations.

Les cérémonies annuelles se font pendant une période précise de l’année généralement en début d’hivernage et sont obligatoires et pendant les récoltes. Pour éviter le courroux des génies « Ganji » on doit exécuter le « yennendi ». Il s’agit de couper les premières gerbes de riz dans les champs, ces gerbes sont déposées à l’autel du Zimma. On y verse du sang de poulet rouge considéré comme la part des génies. Personne ne doit commencer la récolte du riz et manger avant les génies. Celui qui le fait court un grand risque.

Par exemple, en 2010, pendant les vacances au mois de juillet, nous avons assisté à une cérémonie de holley dans la ville de Gao où le Zimma à la demande des autorités régionales, intercéda pour avoir de la pluie.
Accompagné par son monde, ils partirent derrière la ville, ils immolèrent un bouc rouge dont le sang fut recueilli dans une gourde. Ce sang servira de boisson aux génies.

Patrimoine culturel immatériel
Le Holley – horey

La Région de Gao a été très tôt islamisée (XIe siècle). Cependant, malgré le fait que déjà aux XVe et XVIe siècles l’Islam tendait à être la religion dominante, la grande masse des Songhay et des peuples de l’empire du même nom, vivant à la campagne, et parfois même dans les centres urbains, restait attachée aux croyances ancestrales.

De nos jours encore, les Songhoy vouent, fut – il rare, un culte aux holley (les doubles) et à d’autres génies qui peuplent la nature.
Entre société secrète, secte de religion traditionnelle ou danse de possédés, le « Holley » constitue une forme d’expression de la culture songhaï dans laquelle se cristallise la représentation songhoy de la vie. Cette croyance s’empare du corps et de l’esprit du possédé.

Le phénomène de la possession qui consiste à être hanté par un esprit, singulièrement un génie, se désigne chez le Songhoï – Zarma par le mot composé holley – horey.
Le premier terme, « holley » désigne un génie plus ou moins familier qui, dans le rite porte un nom.
Le second terme, « horey » se traduit par amusement, distraction. La jonction des deux termes fera une traduction littérale : distraction des génies.

Le holle – horey est une confrérie ésotérique réservée aux seuls initiés. L’adhésion au culte se fait de trois manières : – par « élection » ou la passation de l’épreuve de « maladie » ou de lavage de l’esprit : envoûtement et possession par le génie ;

– par héritage ou la préparation pour la transmission de la pratique à un néophyte provenant de la progéniture de l’initié, de préférence un garçon discret et respectueux des valeurs traditionnelles, cela dès l’apparition des signes de vieillesse chez le senior : l’initié lui transmet le savoir qui a fait sa personnalité et qu’il souhaite voir perdurer à travers le temps et l’espace ;
– enfin, par prédestination : cas de l’enfant qui nait possédé : son adhésion future à la confrérie est laissée à son propre arbitre.

Le spectacle est toujours meublé de musique animée par un violon de petit format, et des grosses calebasses renversées sur lesquelles on frappe à l’aide de petits bâtonnets coincés entre les doigts. L’adepte possédé est un patient qui, dans le cadre d’un pacte d’alliance avec le génie, cède son corps à l’esprit qui le chevauche.

à la transe, phase suprême de l’envoûtement du holley, succède une ultime phase d’évanescence correspondant à la frontière entre le monde visible et le monde invisible : celui vers lequel chemine l’imagination du possédé pour atteindre la communion entre le matériel et le spirituel.

Ainsi, dès la transe, le possédé se place à la jonction de ces deux mondes intimement liés et de laquelle jonction l’adepte totalise la force de la spiritualité qui le rend infatigable durant le temps de la transe et de l’évanouissement, ainsi que celle (la force) maternelle et physique régissant ses mouvements d’humain perdant la raison pour entrevoir le fonds des phénomènes et de la condition humaine.

Le « Holley » réserve également un culte à l’appel de la pluie : le Yennendi. à l’approche de la saison des pluies, l’association des « Holley » informe les chefs traditionnels et administratifs de la préparation de la cérémonie.
Les autorités mettent à la disposition une « dîme constituée de trois boeufs, un noir, un rouge, un blanc et un mouton noir, un mouton rouge et un mouton blanc ». La cérémonie a lieu en dehors du village.

La confrérie Holley – horey est dirigée par un prêtre de sexe masculin. Il est au dessus des possédés de tous les âges et des deux sexes.

Sous lui se trouve le grand chef, Grand magicien qui organise et dirige les cérémonies rituelles.
Ce projet de document a été réalisé par monsieur Klessigué Abdoulaye Sanogo, ancien directeur national du patrimoine culturel.

Source: Essor