L’Empire songhaï est initialement un petit royaume étendu le long du fleuve Niger autour de l’actuelle ville de Gao. Au VIIe siècle, c’est le royaume de Gao, devenant par la suite vassal des empires du Ghana et du Mali. Il devient l’empire songhaï durant le XVe siècle et, à son apogée, s’étend sur une partie du Niger, du Mali et une partie du Nigéria actuel.

L’État songhaï est fondé à Koukia au VIIe siècle, à la suite des métissages qui s’effectuent entre les Songhaïs et les Berbères dirigés par le chef Za el-Ayamen. Ce dernier fuit la conquête arabe de l’Afrique du Nord et du Maghreb. Ce métissage entre les Songhaïs et les Berbères donne la dynastie des Dia. La capitale est alors à Koukia, en aval de Gao, actuel Mali. Vers 1010, les rois de Koukia s’installent à Gao et se convertissent à l’islam. Il en reste des stèles en marbre parfois encore visibles sur les frontons des bâtiments administratifs de Gao, le plus souvent extraites de la nécropole de Sané, au nord-est de Gao. Le marbre vient d’Espagne, les inscriptions en arabe sont faites en Andalousie dans les alentours d’Alméria. Les stèles sont ensuite transportées au travers du Sahara vers la cour des Songhaï de Gao. La plus ancienne date de 1014. Il retrouve son indépendance sous le règne de Sonni Ali Ber de la dynastie des Sonni (1464-1492), qui combat les Peulhs et les Touaregs, ainsi que les lettrés musulmans de la ville sainte de Tombouctou. Sonni Ali tente de préserver la culture non islamisée de son royaume. La ville de Tombouctou devient, lors de l’affaiblissement de l’empire du Ghana, au XIe siècle, le point de regroupement des caravanes et le centre du commerce transsaharien, ce qui en fait non seulement la métropole économique des empires du Mali et songhaï, mais aussi le principal centre religieux et intellectuel. De nombreux monuments en pisé sont alors érigés, telles les mosquées Djingareyber, construite sous le règne de l’Empereur du Mali Kankan Moussa, Sidi Yaya et Sankoré. L’explorateur français René Caillé y pénètre bien plus tard, en 1828, et n’y trouve que des restes de sa splendeur médiévale.

Le savoir, les livres et l’enseignement tiennent une grande place dans l’Empire ; c’est un héritage de l’empire du Mali que l’Askia Mohammed Sylla va protéger et développer. Les étudiants et les savants viennent d’Égypte, du Maroc, d’Andalousie ou d’Allada pour suivre des cours de mathématiques, de grammaire ou de littérature à l’université Sankoré ou d’autres médersas.

Les Askia s’entourent de lettrés. De nombreux docteurs étrangers viennent s’installer à Gao et Tombouctou, cette dernière étant la capitale culturelle de l’État. Ils apportent les traditions académiques de Chinguetti, Djenné mais aussi la Mecque et le Caire dont l’université al-Azhar est, à cette époque, le plus grand centre d’enseignement des sciences islamiques. Dès la seconde génération, les savants de Tombouctou développent leurs propres enseignements et critiquent dans leurs commentaires certains ouvrages des maîtres du Caire. La liberté d’enseigner est grande, il suffit d’être titulaire d’un diplôme pour ouvrir une école. Les signes du pouvoir intellectuel se retrouvent dans les habits des enseignants : boubou spécifique, turban blanc et longue canne à bout pointu. Ahmed Baba, lettré de Tombouctou, déporté lors de la conquête marocaine et qui retrouve la liberté à la mort du sultan Ahmed el-Mansour, vers 1605, s’illustre à Marrakech par la profondeur de son savoir.

L’arrivée au pouvoir des Askia entraîne cependant un virage rigoriste de la politique religieuse de l’Empire. L’arrivée d’al-Maghili, par exemple, amène la destruction des communautés juives des oasis du Sahara, celles du Touat en particulier. L’islam ne pénètre cependant pas le monde rural ; l’Empire songhaï reste une civilisation urbaine et les efforts des classes dirigeantes dans l’organisation et l’administration de l’Empire restent focalisés sur la société urbaine commerçante. En revanche, la fin de l’Empire entraîne un exode des imams dans des ermitages ruraux autour desquels s’organise une seconde islamisation du Soudan, l’islamisation des campagnes (XVIIe et XVIIIe siècles)

L’Empire songhaï prospère rapidement grâce au commerce transsaharien et à ses mines, en expédiant vers l’Afrique du Nord du sel et de l’or mais aussi des noix de kola, de l’ambre gris, de la gomme arabique, des peaux de léopards et des esclaves. Il exporte également des peaux d’hippopotames, découpées et tannées pour en faire des boucliers, réputés jusqu’au Maroc. L’or, qui fascine autant les Européens que les souverains marocains, n’est pas produit dans le Songhaï mais dans des mines, essentiellement situées en pays akan dès le XVIe siècle. Comme le Mali, le Songhaï sert de plaque tournante à des échanges commerciaux de biens qu’il ne produit pas : l’or vient de la forêt et le sel du Sahara.

L’Empire songhaï reçoit du Maghreb, en contrepartie, des produits manufacturés tels que des bijoux, des armes, des étoffes ou des miroirs, ainsi que des produits agricoles tels que du blé, des dattes ou des chevaux. À partir du milieu du XVIe siècle, le Songhaï finit par entrer en conflit avec les Saadiens pour la possession des mines de sel du désert et, en particulier, la grande mine de sel de Teghazza, finalement abandonnée par les Touaregs après son annexion en 1582 par les sultans Saadiens.

Oumou SISSOKO

Source: L’Alternance