Cher grand-père,  je suis très triste de t’écrire cette lettre. Ma 23ème lettre. Oui grand-père, au centre du pays, encore des âmes innocentes sont parties. Elles sont parties sous les coups de crimes terroristes. Elles sont parties toutes innocentes. Elles sont parties et rien ne va changer. Tout va continuer. Comme si de rien n’était. Comme à Ménaka, si des femmes, des enfants des vieux tombent sous la barbarie et le terrorisme.

Oui cher grand-père, encore, des familles endeuillées. Encore des femmes voyant leur fils, maris ou frères mourir et ne pouvoir rien faire. Des enfants voyant leur papa partir sans pouvoir se dire au revoir. Des yeux désespérés se sont de nouveau dit « adieu », à Ménaka et au centre du Mali. Et cela chaque jour, chaque semaine et chaque mois. Des âmes innocentes s’envolent dans le firmament de l’insécurité et du terrorisme.

Encore, cher grand-père, des drapeaux seront en berne. Des deuils se sentiront quelques heures ou jours. Des cris de ras-le-bol se feront. Il y aura des communiqués. Les gens vont condamner. Mais RAS, rien ne va changer. Tout va continuer comme de rien n’était. Rien ne va changer. Les mêmes pratiques vont perdurer. Des concerts vont continuer. Il y aura encore des fêtes. Tout va s’oublier. Comme un Alzheimer collectif, tout comme Koulogo, Ogossago, Sobanada ou Nantaga, Diallasago et Ménaka aussi. On va continuer comme si de rien était.

Oui cher grand-père, tout va continuer. Rien ne va changer. On a adopté le mécanisme, recruter, former, armer, envoyer sur le terrain et  accuser la France à chaque défaite. Des mesures de défense et seulement de défense face à l’insécurité. Au même moment des villas poussent dans certains endroits au nom de certains militaires. Une guerre où les commandités et les commanditaires n’ont pas le même sort. Mais ça va continuer. Recruter, former, armer et envoyer sur le terrain. Face à l’échec, tirer l’oreiller de « c’est la France » et s’endormir de nouveau.

Cher grand-père, on espère qu’un jour, l’on va arrêter d’écouter ceux qui ont des gros cœurs pour ceux qui ont de grosses têtes. Avant qu’il ne soit trop tard. En politique nationale, l’échec se paie par le sous-développement, la précarité et le chômage mais l’erreur géostratégique d’un pays se compte au regret de longue date. Qu’Allah nous en préserve ! Amine.

Cher grand-père,  je ne serais pas trop long. Le pays est triste. Depuis un certain moment, les pertes de vies humaines se comptent en centaine. Dans le grand-nord et le centre, plusieurs fois, plusieurs centaines d’innocents sont tombés, ça recommence. Prions pour le repos des âmes tombées et force aux familles et amis durement éprouvées.

Amine.

 

Lettre de Koureichy

Source: Mali Tribune