Malgré les immenses potentialités agro-sylvo-pastorales et minières dont Dieu l’a doté, le Mali continue encore de figurer dans la catégorie peu enviable des pays les moins avancés et les Maliens de ployer, dans leur écrasante majorité, sous le poids de la pauvreté, avec en poche moins d’un dollar par jour.

Les causes de ce paradoxe résident, certes, dans la mauvaise gouvernance, avec tout ce que cela suppose comme manque de leadership chez la classe dirigeante, la corruption et les autres tares sociopolitiques que sont le népotisme, le favoritisme, le laxisme, l’affairisme, l’incurie et la médiocratie.

A ces tares s’en ajoute une autre, dont personne ne parle mais qui n’en est pas moins nuisible. Il s’agit de la fameuse «fadenya» prise dans son acception la plus négative. Car la «fadenya», au sens noble, suppose une compétition entre deux personnes sous la forme d’une saine émulation, comme le voit si heureusement chez les Sarakolés, dans la course vers le sommet de la pyramide sociale.

 

A contrario, au nom de la «fadenya» négative, au lieu de chercher à rattraper Zan, voire de le dépasser, dans le cadre d’une saine émulation, l’on cherche plutôt à glisser une peau de banane sous ses pieds, dans l’intention affichée de le faire tomber. Et cette pratique est, malheureusement, très courante dans toutes les sphères de la société malienne.

Dans l’administration générale, c’est la loi du «pousse-toi que je m’y mette». Et, pour prendre la place de l’autre, tous les moyens sont bons: médisance, méchanceté gratuite, jet de mauvais sort… La panoplie est large. Ceux qui ont réussi, au nom de cette même «fadenya», se transforment en un soleil autour duquel tout le monde doit tourner. Pour ce faire, ils n’hésitent pas à dresser des obstacles de toutes sortes sur le chemin de ceux qui veulent parvenir en haut, comme eux.

En politique et dans la lutte pour le pouvoir, cette «fadenya» est impitoyable, cruelle et même mortelle. Le monde des affaires et le secteur privé ne sont pas à l’abri, loin s’en faut. N’en parlons pas pour les familles, le berceau même de la «fadenya». Ces tares agissent comme un véritable frein au développement. Au moment où dans certains pays l’on cherche à développer les avions furtifs, ici au Mali on cherche plutôt à détruire un frère, un collègue au moyen d’un «missile africain».

Où peut-on aller avec une telle mentalité? C’est le nivellement par le bas, ou «l’examen de Bougouni». On peut même affirmer sans risque de se tromper que cette «fadenya» est culturelle, car au village on n’hésite pas à chercher à «assécher», au moyen d’un «tôkôfèbla» (fétiche empochable), le champ d’un voisin, tout simplement parce qu’on voit d’un mauvais œil la perspective qu’il fasse de bonnes récoltes.

Vraiment, où peut-on aller avec pareille mentalité? Tant que nous n’arriverons pas à nous en départir, nous n’irons nulle part et c’est le reste du monde qui viendra nous coloniser. Par notre propre faute. Quel triste destin!

Yaya Sidibé