L’obtention du compteur électrique est une véritable aventure de combattant pour les Bamakois. Face à la longue durée d’attente de la procédure normale d’acquisition, beaucoup sont ceux qui trouvent des voies et moyens plus rapides pour obtenir un branchement sur le réseau électrique de l’Énergie du Mali. Une situation qui a conduit à l’installation d’une forme de business autour de la livraison des compteurs électriques.

Au Mali, il est un constat que les textes n’existent que de nom. Ceux qui sont censés connaitre leur contenu et le vulgariser se plaisent dans l’ignorance des citoyens pour les violer. À la société de fourniture d’électricité du Mali (EDM-SA), des individus véreux font du branchement sur les lignes électriques de cette société un véritable fonds de commerce. Pour des branchements qui ne doivent coûter que des sommes forfaitaires, les usagers déboursent près de 150 000 FCFA.

Procédure de branchement

Pour obtenir un branchement sur le réseau électrique du Mali, en plus du formulaire de demande, l’usager doit fournir une fiche d’autorisation de branchement (pour locataire) ; un quitus EDM-SA sur le point de livraison (cas de mutation, réabonnement) ; une copie de la lettre d’attribution, du titre foncier, de l’acte notarié ou la notification (pour propriétaire) ; une photocopie de la pièce d’identité en cours de validité ; le protocole d’accord. La procédure reste un peu différente quand il s’agit d’un locataire qui veut descendre le compteur chez lui.

Après dépôt de ces dossiers, l’usager doit compter près de 15 jours pour obtenir un accusé de réception et un rendez-vous. Pendant ce temps, son dossier est transmis au service technique pour une étude qui « consiste en une visite de terrain, pour collecter et analyser les données qui serviront à faire un devis qui est validé par l’agent technique ou le Chef du District dans les Régions pour le branchement simple, le chef de service ou le directeur pour l’extension ».

Une fois la demande validée et le paiement d’une somme « forfaitaire » effectué, s’il s’agit d’un premier branchement, un contrat est signé entre l’usager et la société de l’Énergie du Mali (EDM-SA). Une signature qui doit donner lieu, dans un délai de 15 jours, au branchement.

Réalité sur le terrain

Selon des témoins, cette procédure bien qu’étant moins coûteuse est une traversée du désert. Elle peut durer près de cinq mois. Pourtant, elle ne devrait durer que 30 jours si les renseignements fournis par le client sont suffisants et exacts. « La procédure de gestion opérationnelle des abonnements clients fixe le délai de branchement à 30 jours ouvrés, soit 15 jours pour l’établissement du devis et 15 jours pour le branchement après le paiement du devis », rappelle le Vérificateur général dans son rapport de vérification de performance sur la période du 1er janvier 2016 au 30 septembre 2019.

Au cours de cette investigation des agents du Vgal au niveau de cinq (5) agences, un centre et au département branchement, il a été constaté que le « délai de 15 jours ouvrés prévu pour l’établissement des devis de branchement n’a pas été respecté pour 17 dossiers soit 13,28 % ». Quant au branchement, le délai de 15 jours ouvrés « à compter du paiement du devis n’a pas été respecté pour 83 dossiers soit 64,84 % ».

Des branchements facturés à près de 150 000 FCFA

Cela peut-il s’expliquer par un manque de communication sur la procédure ou simplement une mauvaise foi du fournisseur d’électricité au Mali ? Tout compte fait, ces non-respects du délai convenu à engendrer des frustrations chez des usagers. Une situation qui profite bien à d’autres. Une véritable mafia s’est constituée dans le circuit entre les clients et les services techniques. À travers ce réseau, la voie normale est contournée.

Des témoins confient que ces négociateurs soutirent aux clients près de 150 000 FCFA, souvent avec des résultats peu désirés. « J’ai introduit ma demande pour trois compteurs depuis mars 2020, mais c’est seulement en novembre 2020 que j’ai obtenu deux de ces compteurs », nous confie un client d’EDM, dans la deuxième région du Mali, Koulikoro. Ce témoin affirme être toujours dans l’attente de son troisième compteur électrique.

Sur le reçu d’encaissement de ce témoin, on peut lire le paiement de 75 690 FCFA, au lieu de 125 000 FCFA, que le client déclare avoir payé à l’agent qui a servi d’intermédiaire avec l’EDM-SA. Un agent de terrain de l’agence d’EDM de Kalaban-coura, en commune V du district de Bamako, précise que la somme à payer est en fonction de la distance séparant le poteau électrique de la maison du demandeur. « Si le poteau se trouve juste à côté de la maison, le propriétaire pourrait être invité au paiement de 75 000 FCFA », explique cet agentTel est le cas de ce témoin dont nous venons de faire mention ci-dessus.

Une perte de près de 7 milliards de FCFA

Contacté au cours d’un nouveau branchement, un chauffeur de l’EDM-SA explique que ce business est développé en complicité avec d’autres éléments à l’intérieur de la structure. « L’argent qu’ils gagnent auprès des usagers est à partager avec le reste de l’équipe dans le circuit de livraison. Sans cela, il leur est impossible de sortir avec des compteurs », précise-t-il.

Lors du lancement des actions de lutte contre la fraude dans l’électricité au Mali, mardi 9 février 2021, le ministre des Mines, de l’Énergie et de l’Eau, Lamine Seydou Traoré a révélé que « la fraude développée autour de EDM SA fait une perte d’environ 7 milliards de FCFA ». À travers ce point de presse, le ministre a engagé une chasse à tous les « faux agents et contrevenants à la loi ». La structure de fourniture d’électricité s’engage également contre le phénomène.

Fousseni Togola

Source: Phileingora