Près de deux ans après le coup d’Etat qui a renversé le régime d’Ibrahim Boubacar Keita, les maliens attendent toujours la gouvernance vertueuse qu’on leur avait promise. Ils sont désormais partagés entre un hypothétique espoir de voir leur pays débarrasser de toutes les mauvaises pratiques qui avaient pignon sur rue au Mali pendant plus de trois décennies. Et une grande illusion de constater que la montagne finira par accoucher d’une souris, au regard des bourdes, des attentes déçues et autres manquements graves à l’orthodoxie financière.

La question que beaucoup d’observateurs de la scène politique malienne se posent est celle de savoir comment ceux qui ont promis urbi et orbi qu’ils changeront la trajectoire de la gouvernance, en inventant le concept Mali Kura, pourraient s’offrir le luxe d’augmenter leurs budgets dans un pays en crise où l’économie est presqu’à l’arrêt ? L’on se rappelle quand les auteurs du coup d’Etat ont commis leur forfait, pour se faire bonne conscience auprès d’une frange importante du peuple, avaient qualifié de calamiteuse la gestion des 30 dernières années. Aujourd’hui nous assistons aux mêmes pratiques sinon pire que le passé. En effet, les deux premières institutions de la transition, à savoir la Présidence et le Conseil National de la transition défraient la chronique avec des budgets exorbitants dans un pays en pleine crise multidimensionnelle. Avec respectivement 22 milliards pour la présidence et 12 milliards pour le CNT. Ces actes sont posés au moment où les ressources financières se font très rares, alors que les besoins vont crescendo. Le Mali se porte mal depuis l’avènement du CNSP au pouvoir En effet, après avoir subi un embargo de six mois, pourtant bien évitable, si les autorités de la transition avait accepté de proposer un chronogramme raisonnable pour un retour à l’ordre constitutionnel. Cet embargo a fortement contribué à détériorer le climat socio-sécuritaire. Même après l’embargo le Mali du colonel Assimi Goïta fait l’objet d’une asphyxie financière jamais égalée dans notre pays de l’avènement de la démocratie à nos jours. Le hic est que nos autorités, au lieu de compatir à la douleur du peuple qui broie aujourd’hui du noir, au lieu d’être solidaire avec lui, après d’énormes sacrifices qu’il a consentis, n’ont eu comme seule réponse que d’augmenter leurs budgets. Cette augmentation malencontreuse se passe au moment où le pays peine à trouver de l’argent sur le marché financier, car sa signature n’est plus crédible auprès des institutions financières. Les masques sont-ils tombés maintenant ? La gestion vertueuse promise est-elle devenue un slogan pour se maintenir au pouvoir ? En tout cas la rectification est loin d’être une réalité, pour ne pas dire qu’elle est une chimère, car les mauvaises pratiques qui ont été à la base du soulèvement du peuple contre le régime IBK n’ont guère reculé, elles se sont même accrues. La corruption, le népotisme, le clientélisme, la culture de la médiocrité sont les caractéristiques de la gouvernance actuelle.En effet, nul n’ignore aujourd’hui que les pratiques dénoncées sous IBK n’ont guère été bannies dans la gestion des affaires au Mali, comme en témoignent d’ailleurs la frauduleuse attribution des logements sociaux, ensuite le choix népotique des 26 membres du CNT et enfin l’attribution clientéliste des marchés publics ? Sait-on que la priorité des priorités reste la préservation de l’intégrité du territoire et pour cela une très grande part des ressources financières, voire humaines doivent être orientées vers l’atteinte de cet objectif ? Les autorités maliennes doivent donner le bon exemple en réduisant drastiquement, non seulement leur train de vie, mais aussi et surtout en accordant une importance particulière aux priorités que sont la crise socio-sécuritaire, les réformes politiques et institutionnelles et l’organisation d’élections transparentes, crédibles afin de sortir le Mali de cette impasse aux conséquences incommensurables

Youssouf Sissoko

 Source: L’alternance