Notre culture regorge de dictons et de sagesses magnifiant les vertus du dialogue. Les Assises nationales de la refondation dont le coup d’envoi a été donné samedi offrent une nouvelle opportunité aux Maliens de mettre en pratique l’un des fondements de notre vie en communauté : s’asseoir pour échanger les points de vue, confronter les idées. Se parler est un bonheur qui permet d’aplanir bien des malentendus et de tracer la voie vers la bonne entente.

Les dirigeants de la Transition souhaitent ardemment qu’il en soit ainsi. Le président de la Transition, le colonel Assimi Goïta, dans son adresse à la nation, jeudi soir, a souligné sa volonté de donner la possibilité au « peuple de s’exprimer en toute liberté, sans tabou et sans exclusive ».

Mais bien des voix s’élèvent pour soutenir qu’il s’agit d’un grand raout de trop car à de nombreuses reprises des concertations ont permis déjà aux Maliens d’échanger sur le devenir du pays. Ces critiques citent en effet les pourparlers ayant conduit à l’Accord pour la paix et la réconciliation, la Conférence d’entente nationale, le Dialogue national inclusif, les concertations au début de la transition en cours…

Au-delà de la répétition qui a des vertus pédagogiques, les présentes Assises permettront d’affiner les solutions déjà envisagées grâce à une mise à jour du diagnostic à la lumière des derniers développements de la crise. C’est une évidence : les rencontres du passé n’ont pas permis, loin de là, d’atténuer nos querelles.

Notre société est en effet traversée par de multiples lignes de fractures très profondes. Des citoyens ont pris les armes pour revendiquer l’indépendance d’une partie du territoire national. D’autres sont en train de guerroyer pour tenter d’instaurer l’islam rigoriste qu’ils pensent être la vraie religion de Mahomet.

Les affrontements ont fait suffisamment de victimes civiles et militaires pour amener les uns et les autres à revenir à de meilleurs sentiments. à quoi bon pour les citoyens d’un même pays de s’entretuer si tant est qu’il est possible d’instaurer un dialogue pour aboutir à des compromis favorisant le vivre ensemble ? C’est pourquoi le chef de l’Etat voudrait que la grande rencontre soit « une aubaine pour instaurer entre toutes les filles et tous les fils du pays un dialogue franc, direct et fécond, afin d’atténuer les querelles ».

Les revendications irrédentistes et religieuses ne sont pas les seules lignes de fractures. La persistance de la crise n’a pas permis de mettre en sommeil, même un petit moment, les luttes politiques pour la conquête du pouvoir.

L’ultime exhortation du chef de l’état dans son adresse à la nation – après les différentes rencontres à Koulouba – n’aura pas suffi à faire fléchir les réticences de certains acteurs de l’espace public. Pourtant, le colonel Assimi Goïta a appelé de ses voeux « une occasion rêvée de suspendre les clivages politiques, sociaux et idéologiques, pour créer une dynamique novatrice de mobilisation sociale autour des idéaux historiques de la nation malienne ».

Malgré les difficultés à faire asseoir tout le monde autour de la table, il appartient aux autorités de persévérer dans l’effort pour donner un caractère inclusif à leurs actions. Avoir la responsabilité de la destinée d’une nation en crise doit incliner à faire l’effort d’écouter aussi ceux qui ne sont pas d’accord avec les options prises, afin de prendre en compte leurs préoccupations.

Pas parce qu’ils sont les plus importants ou les plus nombreux. Tout simplement parce que, dans le contexte actuel, le souci de l’inclusivité doit habiter particulièrement les dirigeants à chaque instant.

B. TOURE

Source : L’ESSOR