Le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guteres a séjourné la semaine dernière au Sénégal, au Niger, au Nigeria, trois pays de l’Afrique de l’ouest, pour évoquer le terrorisme, le fléau qui ravage cette sous-région, sans daigner s’arrêter au Mali. Un pays réputé en être le sanctuaire, qui plus est abrite l’opération onusienne de paix plus meurtrière que toutes les autres réunies dans le monde (159 tués en 2021). Une illustration supplémentaire et affligeante de son isolement sur la scène internationale.

 

Lequel découle, il faut bien le rappeler, du double coup d’Etat du 18 août 2020 et du 24 mai 2021 ayant engendré d’une part les sanctions économiques et financières conjointes CEDEAO/UEMOA et celles ciblées de l’Union européenne, d’autre part la rupture de l’Alliance stratégique contre le terrorisme nouée avec la France et des États occidentaux au profit de la Russie.

Sans qu’il soit clairement établi à ce jour s’il s’agit de l’Etat russe comme l’affirme le gouvernement malien ou de l’entreprise de mercenariat privé Wagner comme le soutiennent la France et ses alliés occidentaux.

Une situation suffisamment embrouillée et incertaine pour que le patron de l’ONU juge prudent de ne pas s’y aventurer pour ne pas prêter le flanc aux critiques. Il n’est donc pas surprenant qu’au moment où, d’Abuja, il mettait en garde contre une disparition de la MINUSMA qui pourrait être le synonyme de « l’effondrement du Mali », le ministre des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, se trouvait, lui, à Lomé, pour solliciter, au nom du chef de la transition, le colonel Assimi Goïta, le concours du président togolais, Faure Gnassingbe, comme médiateur. A charge pour lui de « faciliter le dialogue avec les acteurs régionaux et plus largement l’ensemble de la communauté internationale pour trouver un compromis pouvant nous permettre de sortir de la crise ».

Le compromis en question concerne, à première vue, le contentieux entre les autorités de la transition malienne d’une part, la CEDEAO, l’UEMOA, l’UA, l’UE, l’ONU d’autre part, relativement à la durée de la prorogation de la transition. Au détour d’Assises nationales de la refondation de l’Etat contestées, Bamako l’avait portée à cinq ans avant de la réduire à 24 mois proclamés par le premier ministre Choguel Maïga comme « un minimum « . La CEDEAO, qui avait consenti 12 mois, a fini par fléchir à la proposition algérienne, portée par l’UA, de 16 mois. Les autres organisations citées disent la soutenir. Le président Faure Gnassingbe pourra-t-il amener les parties à un accord ?
L’homme détient des atouts qui lui valent d’avoir été choisi pour la tâche.

A 56 ans, il est le plus ancien dans la fonction de chef d’Etat au sein de la CEDEAO, ce qui lui vaut une certaine écoute auprès de ses pairs. On dit de lui qu’il est dans les grâces du président ivoirien Alassane Ouattara comme un fils l’est auprès de son père or ce dernier est désigné, à tort ou à raison, comme l’initiateur des  » sanctions dures  » contre le Mali.

A l’opposé Faure, lui, passe pour s’être battu, sans relâche, pour que les sanctions soient limitées à celles prévues par le protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance dont la plus lourde est la suspension de toutes les instances de la CEDEAO. Ce qui était déjà le cas pour le Mali dès l’annonce du « coup d’Etat dans le coup d’Etat » du 24 mai 2021.

Enfin la solidité de ses liens avec le colonel Assimi Goïta, noués par l’entremise d’un officier supérieur de son entourage condisciple de ce dernier, l’autorise à prendre des initiatives qu’il estimera nécessaires pour la réussite de son intermédiation.

Il y a toutefois un hic : le premier ministre Choguel Maïga a, plus d’une fois, reproché à la CEDEAO d’être  » instrumentalisée  » par la France dans sa prise contre le Mali de  » sanctions illégales, illégitimes et inhumaines « . Si ce grief repose sur quelque fondement, le « génie » attribué à Faure par Abdoulaye Diop et son réseau dense de relations, bien réel au sein de l’establishment français, ne devraient pas suffire pour obtenir le feu vert de Paris à la levée desdites sanctions selon le desiderata de Bamako. La partie française aurait beau jeu de réclamer en contrepartie l’abandon par le pouvoir malien de sa « dénonciation unilatérale » des accords de défense qui ont ouvert la voie à la mise en place de Barkhane et de la task force Takuba. Une décision dont elle rejette le bien-fondé juridique et dont la forme est regrettée par des amis du Mali qui rappellent que la coopération militaire et sécuritaire entre les deux pays a eu des jours meilleurs pour finir de façon si dramatique.

Saouti HAIDARA

Source: L’Indépendant