La visite à Oulan-Bator, à quelques jours d’intervalle, des présidents chinois, Xi Jinping, et russe, Vladimir Poutine, illustre le difficile jeu d’équilibre de la vulnérable Mongolie, de plus en plus dépendante de Pékin sans s’être vraiment affranchie de Moscou.

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La Chine respecte l’indépendance et l’intégrité de la Mongolie, s’est d’ailleurs cru obligé de déclarer le 22 août le numéro un chinois, pour rassurer les parlementaires mongols.

Dans cet ex-satellite de l’URSS, où l’industrie minière représente 20% du produit intérieur brut, la question de la place laissée aux concessions et multinationales étrangères est en effet devenue sensible.

Les matières premières mongoles aiguisent l’appétit de la Chine, plus gros investisseur dans le pays.

Pékin bénéficie d’un quasi-monopole sur les exportations mongoles, lui permettant de bénéficier de produits miniers à bas prix. La Chine est notamment de loin le premier importateur du cuivre et du charbon mongols.

La Chine est également devenue incontournable dans le secteur des biens de consommation. Les échanges commerciaux sino-mongols ont bondi à 6 milliards de dollars en 2013 (contre 324 millions de dollars seulement en 2002), ce qui représente plus de la moitié des échanges extérieurs de la Mongolie.

Tout cela inquiète les Mongols, une population de seulement 3 millions de personnes sur un territoire enclavé grand comme trois fois la France.

Surtout que la croissance économique de leur pays a récemment connu de brusques à-coups, en raison d’une chute des cours du charbon et de l’incertitude chez les investisseurs étrangers, qui ont réduit leur présence ces deux dernières années.

Moins de deux semaines après la visite de Xi Jinping, Vladimir Poutine a fait à son tour le voyage d’Oulan-Bator, pour y signer mercredi divers accords commerciaux et célébrer les liens historiques entre les deux nations.

Une coïncidence de temps qui a été remarquée. La politique extérieure de la Mongolie se fonde précisément sur cet équilibre entre la Russie et la Chine, rappelle Julian Dierkes, un expert de la Mongolie à la University of British Columbia.

C’est d’ailleurs principalement pour se protéger face à la puissance chinoise que la Mongolie s’était rapprochée au début du XXe siècle de la Russie, puis de l’Union Soviétique.

En 1990, ce pays encore fortement agricole est parvenu à enterrer pacifiquement 70 ans de dictature communiste. Sans s’émanciper totalement.

Aujourd’hui, les importations de pétrole en provenance de Russie pèsent fortement sur la balance commerciale mongole.

Malgré leur passé soviétique commun, la Russie a depuis longtemps perdu la lutte d’influence en Mongolie, explique toutefois à l’AFP Sergey Radchenko, un expert en politique internationale de l’Université d’Aberystwyth (Royaume-Uni).

Moscou a effacé la dette (remontant à l’époque soviétique) de la Mongolie et a tenté de regagner le terrain perdu en s’impliquant dans divers projets (d’infrastructures et miniers), poursuit-il. Mais cela ne permet pas à la Russie de peser sur le pays comme l’espérait Poutine il y a quelques années.

En quête d’indépendance, Oulan-Bator mène une politique dite du troisième voisin, qui consiste à maintenir de bonnes relations avec la Russie et la Chine, tout en cherchant à développer des liens privilégiés avec d’autres pays d’Asie. Même si beaucoup considèrent que les États-Unis sont dans les faits devenus le premier des troisièmes voisins.

Washington s’est d’ailleurs engagé à renforcer ses liens militaires avec la Mongolie, en souhaitant que cette démocratie joue un rôle de contrepoids face à la Chine et la Russie, deux puissances aux régimes autoritaires.

Politiquement et culturellement, les liens avec Moscou restent forts. Les Mongols sont nombreux à parler russe et une partie de la population, confrontée au capitalisme sauvage, est nostalgique de l’ère soviétique.

Culturellement la Mongolie se voit sur une même ligne que l’Occident, et elle souhaite se différencier des pays asiatiques, affirme Franck Billé, chercheur à l’université de Cambridge.

 

Afp