Critiques, boycotts et manifestations contre la France se poursuivent dans plusieurs pays musulmans. Dix jours après l’assassinat en France d’un professeur qui avait montré des caricatures du prophète Mahomet lors d’un cours sur la liberté d’expression, le droit à la caricature reste défendu par les dirigeants français, à commencer par Emmanuel Macron.

 

Lundi, le président Recep Tayyip Erdogan a appelé à boycotter les produits français en Turquie, dans d’autres pays musulmans, la vague de protestations se poursuit ce mardi 27 octobre 2020.

Ce mardi, une spectaculaire manifestation a eu lieu au Bangladesh avec environ 40 000 personnes, selon la police, pour appeler au boycott des produits français. C’est un parti islamiste qui appelait au rassemblement, durant lequel une effigie d’Emmanuel Macron a été brûlée. La police a stoppé la marche avant qu’elle n’arrive jusqu’à l’ambassade de France à Dacca. Les manifestants se sont ensuite dispersés sans heurt.

À Amman, en Jordanie, un sit-in est prévu ce mardi après-midi devant l’Ambassade de France. Un appel à manifester a également été lancé à Ramallah, en Territoires palestiniens occupés. Lundi, c’est devant l’Ambassade de France à Bagdad en Irak, qu’une centaine de manifestants s’étaient donné rendez-vous pour protester contre la position de Paris. Un drapeau français avait notamment été brûlé.

En Iran,  l’un des diplomates français en poste à Téhéran a été convoqué au ministère iranien des Affaires étrangères. La République islamique juge « inacceptable le comportement des autorités françaises qui ont “heurté les sentiments de millions de musulmans » ».

Les propos du mufti de Tchétchénie contre Macron

En Tchétchénie, le mufti de la petite république russe accuse le président français de « terrorisme » et d’incitation à la violence. Ce sont des mots très violents publiés sur les réseaux sociaux par la plus haute autorité religieuse de Tchétchénie, rapporte notre correspondant à Moscou, Daniel Vallot.

Le mufti Salakh-Khadji Mejiev accuse Emmanuel Macron d’être devenu le « terroriste numéro un au monde » et d’avoir insulté l’ensemble des musulmans. Pour le Mufti, le président français aurait dû condamner les actions de Samuel Paty, et a choisi au contraire « d’en faire un héros national ». Le dignitaire lui reproche également, à tort, d’avoir ordonné l’accrochage des caricatures de Mahomet sur tous les édifices publics français. Par cet acte « irresponsable », estime le Mufti, Emmanuel Macron attise les tensions et s’en prend directement à l’Islam, ce qui pourrait avoir pour résultat « de nouvelles victimes ».

Salakh Khadji-Mejiev n’est pas seulement le plus haut dignitaire religieux de Tchétchénie, il est également le conseiller de Ramzan Kadyrov. Le dirigeant tchétchène a lui-même condamné l’assassinat de Samuel Paty, mais il a insisté sur la responsabilité de la France dans la mort du professeur d’histoire. En janvier 2015, après la tuerie de Charlie Hebdo, Ramzan Kadyrov avait mobilisé dans la rue des centaines de milliers de personnes, non pas pour protester contre la mort des journalistes français, mais pour dénoncer les insultes faites à l’Islam.

Un boycott qui divise en Malaisie

En Malaisie, le parti islamiste a ainsi appelé aux boycotts des produits français, tandis que le ministre des Affaires religieuses a lui préférer citer les messages de paix proférés du Coran.

C’est le Parti Islamique malaisien qui a le premier pris la parole, explique notre correspondante à Kualu Lumpur, Gabrielle Maréchaux. Devant l’ambassade de France, les dirigeants de la troisième force politique du pays, actuellement membre de la coalition au pouvoir ont appelé au boycott des produits français et à la mobilisation en ligne des musulmans de Malaisie.

Quelques instants plus tard, le ministre des Affaires religieuses ripostait à son tour, en postant sur ses réseaux sociaux une lettre envoyée à l’ambassadeur de France. C’est en citant le Coran « Quiconque tuerait une personne, c’est comme s’il avait tué tous les hommes » qu’il commence, avant de poursuivre en invitant le diplomate à profiter du calendrier religieux actuel, avec la commémoration de l’anniversaire du prophète ce jeudi, pour se renseigner sur le message de celui-ci, en lisant par exemple le livre consacré à Mahomet qu’il lui envoie.

Aucun appel au boycott donc dans les propos du ministre ni dans ceux du chef de l’opposition, Anwar Ibrahim. Ce dernier a assuré porter le deuil de Samuel Paty et de toutes les victimes du terrorisme avant d’ajouter qu’il était cependant offensé par les propos du président français qui parlait d’islam en crise dans le monde entier.

En Arabie saoudite, il y a des critiques plus feutrées, dans un communiqué le pays estime que « la liberté d’expression et la culture devraient être les phares du respect, de la tolérance et de la paix ».

Rfi