Le président Emmanuel MACRON a officialisé ce 9 novembre à Toulon la fin de l’opération Barkhane au Sahel, seulement 3 mois après son retrait au Mali et sa mue notamment au Niger et au Burkina Faso. Mais la fin de cette opération n’est pas synonyme du désengagement des troupes françaises dans la lutte contre le terrorisme en Afrique. En clair, c’est la fin d’une mission, mais pas le retrait des militaires de l’ancienne puissance coloniale sur le continent. 

 

Depuis Toulon, le chef d’État français a annoncé la fin de l’opération militaire française dans le Sahel contre le terrorisme après le retrait des troupes françaises du Mali suite à des désaccords avec les autorités de la Transition. Entre les responsables des deux pays alliés, un désamour très profond s’était installé au point de détériorer les relations diplomatiques. Une situation qui profite notamment à la Russie, à la Turquie et à la Chine engagées depuis quelques années à étendre leur influence en Afrique.   

Dans son discours Marchal tenu en présence de plusieurs officiers français et des autorités politiques, Emmanuel MACRON a annoncé que la nouvelle stratégie de la France en Afrique sera finalisée d’ici six mois après consultations avec ses partenaires sur le continent où des populations sont plus en plus allergiques à la présence militaire française dans leur pays respectif. Des mobilisations, après le Mali, au Niger et au Burkina Faso et au Tchad témoignent du rejet de l’approche interventionniste de la France.

« Nous lancerons dans les prochains jours une phase d’échanges avec nos partenaires africains, nos alliés et les organisations régionales pour faire évoluer ensemble le statut, le format et les missions des actuelles bases militaires françaises au Sahel et en Afrique de l’Ouest », a indiqué le chef d’État français.

Selon lui, cette nouvelle approche est indispensable et c’est l’une des conséquences qu’il tire des expériences vécues ces dernières années dans toute la région du Sahel. Car, dit-il, mise en place pour apporter un appui conséquent à la lutte contre les groupes obscurantistes, l’opération Barkhane s’est trouvée sous le projecteur des critiques au regard de l’ampleur des attaques et ses corollaires de morts bien qu’elle ait permis également de neutraliser des chefs terroristes.

« Nos interventions doivent être mieux bornées dans le temps. Et ce dès le début. Nous n’avons en effet pas vocation à rester engagés sans limites de temps dans des opérations extérieures », a justifié le chef de l’État. Une mesure qui prend en compte les nombreuses préoccupations formulées lors du déploiement de l’opération Barkhane jugée trop ambitieuse avec un mandat non limité dans le temps. Résultat au bout de 9 ans d’engagement, l’opération s’enlisait et devenait humainement très chère (58 soldats tués) et financièrement trop couteuse pour la France.   

Par ailleurs, le président français a expliqué l’annonce de la fin de Barkhane n’était pas synonyme d’un désengagement des soldats français sur le continent africain. En effet, affirme-t-il le dispositif réarticulé au Sahel comprend environ 3.000 militaires au Niger, au Tchad et au Burkina Faso, après avoir compté jusqu’à 5.500 hommes au plus fort de son déploiement au Mali.

Pour preuve, dans son intervention, le chef d’État français a affirmé : « notre soutien militaire aux pays africains de la région se poursuivra, mais selon les nouveaux principes que nous avons définis avec eux. Il se déclinera à l’échelle de chaque pays selon les besoins qui seront exprimés par nos partenaires ».

En tirant les conséquences du bilan mitigé et controversé de Barkhane, pour MACRON l’engagement de son pays « aux côtés de nos partenaires en Afrique doit désormais être centré sur une logique de coopération et d’appui aux armées. Cela doit se traduire par un dispositif plus léger, plus intégré avec elles ».

Outre l’action militaire, ce nouveau dispositif qui sera défini avec des États africains prendra en compte les tensions communautaires, les vulnérabilités sociales et économiques que tentent d’exploiter les groupes terroristes.

« Au fond notre partenariat n’a de sens que s’il est un partenariat véritable qui répond à l’expression des besoins explicites venant des armées africaines (…) Repenser nos modes d’actions, cela vaut non seulement pour nos déploiements à l’étranger, mais cela vaut aussi pour le territoire national », a-t-il ajouté.

Après l’échec de l’opération Barkhane en 9 ans de présence dans la lutte contre le terrorisme, ce discours d’Emmanuel MACRON est comme un aveu d’impréparation du déploiement de cette force qui n’a pas tenu compte de certaines réalités.

Ainsi, le chef d’État français tente de redorer le blason en essayant de corriger les erreurs nées dans la mise en œuvre de l’opération Barkhane afin de maintenir son influence sur le continent.

Selon l’Institut Rousseau, l’opération Barkhane aurait très bien pu ne pas exister. « Une fois l’opération Serval réussie et les groupes armés islamistes chassés des villes du nord du Mali, la décision aurait pu être prise de quitter ce pays et de n’entreprendre une nouvelle action militaire qu’en cas de péril imminent. Les forces spéciales auraient eu la possibilité de mener des opérations ponctuelles. Les autorités maliennes se seraient retrouvées en première ligne face à un ennemi fortement affaibli, et auraient sans doute été davantage incitées à faire de la lutte contre le terrorisme une priorité », a expliqué l’Institut Rousseau.

Pour cette structure de réflexion des intellectuels, chercheurs, fonctionnaires, travailleurs du privé ou du public, « La France aurait évité de paraître de plus en plus, à mesure que le temps passait, comme une partie du problème plutôt que de la solution. Cette hypothèse, qui paraît de bon sens a posteriori, nous renvoie aux limites des interventions militaires : une force expéditionnaire peut renverser une situation et un rapport de force dans un court laps de temps, mais son caractère exogène et sa faiblesse numérique la pénalisent face à une guérilla qui s’inscrit dans la durée ».

Certes, c’est la fin de Barkhane, la nouvelle stratégie en gestation avec des États africains pourrait favoriser l’ancrage de la France, dont la présence est contestée, sur le continent au profit d’autres puissances.

PAR SIKOU BAH

Source : Info-Matin