Peau à deux tons, blanche caolin, la majorité des femmes maliennes n’accepte plus d’être des femmes naturellement noires. Elles optent pour le changement de la couleur de leur peau : la dépigmentation ou  » tchacho  » en langue nationale bambara. La seule finalité, c’est de devenir une femme au teint clair. Malgré les problèmes de santé qu’elle cause, la dépigmentation continue de séduire les femmes maliennes qui bénéficient parfois du soutien de leurs copains ou leurs maris. Cette pratique touche, de nos jours, les femmes de tous âges et le phénomène ou fléau évolue avec son lot de conséquences les unes aussi désastreuses que les autres. Nous avons rencontré Isabelle Anoh, promotrice du magazine et festival Afrikfashion, présentatrice de l’émission Tendance, l’une des invitées d’honneur du festival du Bazin, qui nous parle de cette pratique qui n’honore pas la femme africaine

Bamako Hebdo: Qu’est ce qui explique votre présence à Bamako?

Isabelle Anoh promotrice festival Afrikfashion

Je suis là pour la fête du Bazin, pour magnifier ce textile noble qui fait la fierté non seulement du Mali mais de l’Afrique. Il était aussi important pour moi qui, étant promotrice de mode car éditrice d’un magazine, un festival et une émission de mode, de venir soutenir dans un premier temps les organisateurs et saluer surtout l’initiative, ensuite toucher de près toute cette chaine qui travaille pour la promotion de ce textile au Mali.

 

 

On a l’impression que malgré tout le secteur du Bazin ne bouge pas trop

Je l’explique par le fait qu’on n’a pas de facilité de mouvement dans nos tenues africaines y compris le Bazin. Mais les stylistes ont bien compris cela et aujourd’hui ils peuvent nous proposer des modèles sous toutes les formes. Nous avons vu des lingeries en Bazin ! Donc, petit à petit, le Bazin prend une place importante dans nos vies. Au delà de tout ceci, il fallait vraiment penser à un évènement international pour promouvoir ce textile. Je trouve donc très salutaire la création du festival du Bazin mais, comme je l’ai dit aux promoteurs, pour Bamako c’est lancé, il va falloir maintenant songer à continuer avec la promotion dans d’autres capitales africaines et je pense que ce n’est que comme cela que nous pourrions valablement valoriser le Bazin et bien évidemment permettre à tous ceux qui travaillent dans ce secteur d’améliorer leur condition de travail. Toujours dans le même ordre d’idée, je dirai que pour une première édition, c’est un pari gagné pour les organisateurs, maintenant pour les prochaines éditions, il va falloir plus s’ouvrir aux autres, mettre l’accent sur les stylistes venus d’ailleurs, les invités afin qu’ils viennent partager leur expérience avec ceux d’ici car chaque pays a sa particularité.

 

 

Vos impressions par rapport à l’usage du Bazin au Mali ?

Depuis mon arrivée je vois les gens habillés en Bazin sous toutes les formes. C’est impressionnant.

 

 

Et là nous ne sommes pas le dimanche !

Ah oui ! j’imagine ! Quand je sais que le dimanche à Bamako, c’est le jour des mariages, c’est sûr que c’est aussi la fête du Bazin tous les dimanches. C’est vraiment une belle marque, un peu comme au Burkina où presque tout le monde s’habille avec du Faso Danfani. Contrairement à chez nous où tout le monde copie les Européens. Ils aiment s’habiller en costume et je trouve cela vraiment dommage.

 

 

Parlons de Afrikfashion show qui sera à sa 9ème édition et dont vous êtes la promotrice. Avez-vous des soucis de sponsoring ?

Afrikfashion show se tiendra au mois de novembre. Il s’agit d’une soirée dédiée à la mode et aux accessoires mais c’est aussi la façon la plus glamour de marquer la fin de l’année. L’événement a lieu à Abidjan, en Côte d’Ivoire et a pour but de célébrer la mode africaine. Par rapport au sponsoring, c’est un problème crucial dans notre continent, car peu sont ceux qui acceptent sponsoriser des évènements de mode. Néanmoins, nous avons pu gagner la confiance de certains de nos partenaires qui nous suivent depuis le début. C’est l’occasion pour moi de profiter de vos colonnes pour remercier tous nos partenaires et surtout les organisateurs du festi Bazin qui m’ont invitée, me permettant ainsi de revisiter Bamako.

 

 

Selon de nombreux spécialistes de la mode, Afrikfashion show est l’un des plus importants rassemblements de  » fashionistas  » d’Afrique, où l’on peut voir les créations des designers les plus talentueux du continent. Quelles sont les innovations pour cette édition?

Nous restons dans la même dynamique que les éditions précédentes.

 

 

C’est quoi la mode pour vous ?

La mode, c’est tout ce qu’il y a dans l’air du temps. Après la créativité africaine c’est autre chose parce que là c’est l’esprit de recherche de nos de nos stylistes, l’originalité, le travail important qui est fait autour de nos créateurs.

 

 

Que représente la beauté pour vous?

Pour moi beauté équivaut à propreté, simplicité et élégance.

 

 

Un entretien beauté, comment ca se passe avec Isabelle Anoh ?

En toute simplicité car je ne fais pas de gommage, de soin de peau, Dieu merci je n’ai pas de problème de peau, j’évite l’artificiel et me démaquille tous les jours.

 

 

Quels sont vos petits secrets beauté?

Beaucoup de repos, prendre le temps de se relaxer, être bien à l’intérieur de soi et savoir choisir ses produits de beauté.

 

 

Conseils de beauté à nos lectrices ?

La femme africaine est naturellement belle. On n’a pas besoin de trop d’artifice car trop d’artifices, rend plutôt superficielle et parfois sale. Il faut s’adapter à son style de maquillage, surtout léger.

 

 

Vous faites bien de parler de la beauté naturelle. Vos impressions par rapport au phénomène de la dépigmentation ?  

Avant de répondre, vous savez, on a toujours dit que je me dépigmentais, vous êtes devant moi, vous pouvez témoigner. Je suis contre la dépigmentation, les conséquences sont énormes. Une femme dépigmentée a peu de chance en cas d’une opération chirurgicale par exemple, car exposée au cancer de peau, etc. Le pire est que certaines femmes, qui s’adonnent à ce phénomène, n’ignorent pas ces dangers. Chères femmes, soyez fières de votre peau et entretenez-là tout simplement au naturel.

 

 

Vous demandez de vous voir et témoigner. Comment détecter?

Il ya des endroits pour détecter, les coudes, les doigts, etc. Donc prenez la peine de me regarder et témoigner de mon cas. Personnellement je ne m’exposerai jamais à ce phénomène qui déshonore la beauté africaine.

 

 

Parfois ce sont les hommes qui encouragent leur douce moitié !

Tout le monde ne peut pas être clair. C’est vrai que de nos jours la peau claire est prisée par les hommes donc la faute j’incombe aux hommes qui accentuent leur choix sur les femmes claires et, du coup, les femmes noires qui veulent aussi se sentir aimer se jettent dans la dépigmentation. Si pour un homme il faut avoir la peau de léopard… je dis honte aux femmes qui se dépigmentent. Chers messieurs, arrêtez vous aussi de pousser vos sœurs à l’erreur, car une fois leur peau gâtée, vous serez les premiers à aller voir ailleurs.

 

 

Isabelle apparemment attire par rapport à son teint. Si vous étiez noire, seriez-vous restée telle quelle ? Et pensez-vous que votre chance serait restée idem ?

Ça aurait été le contraire, peut être je serais plus à l’aise, aurait moins de problème d’entretien et surtout à l’abri des perturbateurs, ceux qui ne sont attirés que par la beauté physique. Il faut reconnaitre que l’entretien d’une peau claire nécessite plus d’effort qu’une peau noire. J’avoue que j’envie votre teint par exemple. Vous êtes toute naturelle et c’est ça la beauté africaine. Pour moi le teint n’a rien à voir avec la beauté interne, qui est au-dessus de tout.

 

 Quel styliste africain vous habille le plus?

Je n’ai pas de choix. Je porte les tenues des Maliens Maimour, Koko teinture, en Côte d’ivoire je porte du Pathéo, Gilles Touré, etc…

 

Et à l’international, quels sont vos marques préférées ?

En sac, j’aime bien  » Louis Vuiton « ,  » Micheal Toss « , en chaussure, j’aime  » Guess ». Le reste je m’adapte selon la période.

 

A la maison que porte Isabelle, en mode cool ?

Petit boubou, pantalon, tee shirt, relaxe quoi !

 

 

L’avis des dermatologues :

« Les conséquences de la dépigmentation doivent dissuader plus d’une personne »

Le vitiligo ou la dépigmentation de la peau est un phénomène qui fait de plus en plus de victimes. De nos jours, plus de 100 femmes meurent des conséquences du vitiligo ou de la dépigmentation. Parmi les femmes qui se dépigmentent, certaines le font par simple plaisir d’autres pour avoir des hommes à leurs pieds. Une autre catégorie le fait avec l’autorisation de leurs époux. Il y a également des femmes qui s’adonnent à cette pratique en avançant comme argument la beauté d’une peau claire souvent considérée comme le signe d’une aisance sociale.    

 

Les produits utilisés pour se dépigmenter sont fabriqués à base des substances dangereuses qui sont le plus souvent des dermocorticoïde d’activité très forte, de l’hydroquinone ou des dérivés contenant du mercure, qui sont présentés sous forme de laits corporels, crèmes, gels… Elles sont nuisibles pour la santé et pour la peau. Elles entrainent de nombreux dégâts comme des maladies de la peau, des infections qui tuent rapidement par chocs septiques, des cicatrises, des infections dont les plus fréquentes et les plus graves sont les dermo-hypodermites bactériennes, l’ochronose lychenode et des taches graves qui conduisent parfois à l’apparition de cancers et plein d’autres pathologies. Raison pour laquelle l’utilisation de ces produits est déconseillée par les dermatologues

 

Selon Dr Cisse Lassine, l’utilisation de ces produits entraine des effets non-dermatologues tels que l’altération osseuse, l’hypertension artérielle, le diabète, les complications rénales et nécrologiques. Cette pratique expose aussi l’enfant à des risques toxiques en cas d’utilisation chez la femme enceinte ou allaitante qui ont tendance à se dépigmenter de façon à avoir le teint le plus clair possible le jour du baptême de l’enfant. L’utilisation de l’hydroquinone entraine chez les adeptes des dyschromies, des troubles pigmentaires qui siègent avec prédilection sur les zones photo-exposées, les vergetures, le diabète, l’hypertension artérielle, l’insuffisance rénal, l’hyperpilosité, etc.…

 

 

Le plus redouté de ces dyschromies est l’ochronose, car son traitement est difficile et inaccessible dans les pays à ressources limitées. Malheureusement, c’est aussi l’un des plus fréquents chez les adeptes de la pratique. L’ocronose elle est caractérisée par l’apparition après la troisième décennie d’une arthrose vertébrale et de grosse articulation et de pigmentation cutanée prédominant sur les zones cartilagineuses (nez, oreille…) de teinte gris bleu elles surviennent chez la femme entre 30 et 39 en moyenne après 8 ans d’utilisation.

 

Pour des cas très graves, la personne peut même y laisser la vie. Elle peut ne pas obtenir l’effet éclaircissant voulu. Certaines femmes voient leur peau devenir multicolore sur la zone où le produit a été appliqué, alors que d’autres voient apparaitre des vergetures, de l’acné ou atrophie.

 

Tous ces effets sont des conséquences connues des corticoïdes lorsque leur utilisation est prolongée. Au niveau de   la microscopique, les personnes qui se dépigmentent ont des problèmes dans l’organisme. Avec l’utilisation répétée des corticoïdes, il peut survenir des dermatoses sur la peau chevelue. De même, la concentration du produit sous les langues peut favoriser une forte dépigmentation

Mariam et Kadiatou

SOURCE: Bamako Hebdo  du   4 oct 2014.