BIRAMA DIAKON, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE

« Nous oscillons entre 15.000 et 20.000 visiteurs par an »

Dans une interview que le directeur général de la Bibliothèque nationale nous a accordée, il a évoqué le manque de personnel et de fonds pour approvisionner et animer sa structure. Birama Diakon a également annoncé la mise en place d’une commission de réflexion sur l’élaboration de la politique nationale du livre, qui va prendre en charge tous les problèmes du livre, depuis l’écrivain jusqu’au libraire.

Les Échos : Quels sont les divers services que la bibliothèque nationale offre aujourd’hui ?

Birama Diakon : En fait, je peux dire que la bibliothèque nationale est une institution de mémoire. Nous avons quand même le dépôt légal, et, à travers le dépôt légal, nous avons tous les journaux de la place tous les matins qui arrivent ici et qui sont là depuis les indépendances. Nous sommes aussi un médiateur d’information. C’est-à-dire que nous faisons la médiation entre le public et l’information. Nous détenons l’information au niveau des livres, au niveau des journaux, au niveau des CDs et de l’internet. Les usagers viennent chez nous pour travailler, pour s’informer, pour faire de la recherche. Donc, grosso modo, nous offrons l’information et nous sommes aussi un bon cadre pour la recherche. En tout cas, pour les universitaires.

Les Échos : Quel est le budget de la bibliothèque nationale ? Et quelle est sa rentabilité depuis 3 ans ?

BD : On ne peut pas parler de budget. Il y a quand même les salaires. Maintenant, nous sommes à peu près 34 travailleurs. Nous avons un chapitre dans le budget qui est dévolu à l’achat de livres. On l’appelle le chapitre Achat du livre. Mais ça varie d’une année à l’autre.  Ce qui fait qu’on ne peut pas dire exactement quel est notre budget. Certaines années, on peut avoir 25 millions pour l’achat des livres. D’autres années, 19 millions. Cette année, c’est un peu exceptionnel. Avec l’embargo, on n’a pas eu assez de fonds. Mais les 34 fonctionnaires sont payés régulièrement. La rentabilité ? En fait, nous calculons par an la fréquentation. Le taux de fréquentation par an. Nous avons constaté ces derniers temps que ça monte vraiment. L’année dernière, on a eu quelques problèmes à cause du covid-19. Nous étions obligés de fermer pour la sécurité de usagers… de fermer la grande salle de lecture. Cette année, on a connu des difficultés aussi, mais pas autant qu’au début du covid. Ces derniers temps, avec les coupures d’électricité, nous avons senti une baisse. Sinon, la fréquentation était vraiment en hausse permanente. Je crois que nous sommes dans les 20.000 visiteurs maintenant par an.

 

Les Échos : Vu le peu d’engouement des Maliens pour la lecture, peut-on dire que l’objectif de faire de la Bibliothèque nationale un pôle de culture est atteint ?

BD : Il y a ce problème ou cette question qu’on me pose tout le temps. Les Maliens aiment lire. Mais souvent ils ne trouvent pas ce qu’ils veulent lire. Donc, il faut trouver une solution à ce problème. Et là, à ce niveau, nous n’avons pas mené d’enquête nationale pour demander aux Maliens quels genres de livres ils veulent lire. En tout cas, ici, nous faisons des statistiques par rapport au choix des livres par les lecteurs. Ça nous donne une idée de ce que les Maliens veulent lire. Mais pas une enquête à l’échelle nationale. Je crois qu’il faut aller aux enquêtes à l’échelle nationale pour savoir quel genre de livre et de contenu les Maliens veulent lire. Et, à ce moment, travailler avec les éditeurs pour que ce contenu soit disponible en bibliothèque. Sinon, effectivement, bon ! on sent que les gens veulent lire. Il y a des clubs de lecteurs. Des jeunes qui s’organisent en club de lecteurs et qui viennent. Souvent même, les samedis, ils invitent des auteurs pour discuter. Il y a des lycées qui viennent pour faire la visite. Nous les sensibilisons. Il y a les collégiens qui viennent. Et les primaires aussi. Voilà. Mais j’ai toujours dit que pour que la lecture soit ancrée dans nos habitudes, ce n’est pas seulement au niveau de la bibliothèque, mais c’est aussi au niveau de la famille. Dès le bas âge, on doit apprendre à l’enfant à lire. On doit faire de sorte que le livre soit son ami. Lors de ses anniversaires, on peut lui payer un livre au lieu de lui payer un pistolet à eau ou une voiture, on peut lui payer des illustrés. On peut faire des séances de lecture à la maison. Une fois par semaine ou une fois par mois, pourquoi chaque famille ne réunirait pas les enfants de la famille afin que le chef de famille leur lise des contes. Il faut absolument mener des activités autour du livre. Il faut faire les Cafés littéraires. Il faut faire les ateliers d’écriture…on faisait dans le temps des salons du livre.  Mais, ces derniers temps, avec les problèmes que vous connaissez, nous sommes en crise depuis 2021 hein ! On n’arrive pas à organiser ces activités autour du livre pour sensibiliser les jeunes à aimer la lecture.

Les Echos : Du côté de l’affluence pour les livres, est-ce qu’on peut avoir des chiffres sur les deux ou trois dernières années ?

BD : Chaque année, on fait le rapportComme je l’ai dit, c’est des hauts et des bas. Ça varie entre 15000 et 20.000 usagers par an. Ça dépend souvent du contexte ; par exemple, le cas du covid-19 qui avait abouti à la fermeture de la Bibliothèque nationale. Donc, ça peut jouer sur le taux de fréquentation.

 

Les Echos :  Est-ce-que les lycéens et les étudiants viennent en grand nombre pour la lecture ?

BD : Oui ! Les étudiants et les lycéens viennent en grand nombre parce que nous avons ici une médiathèque jeunesse, c’est pour les enfants de la 2ème à la 6ème Années. Nous avons aussi une médiathèque adulte, c’est pour les lycéens et les collégiens ; et la grande salle est pour les chercheurs et doctorants ainsi que les gens qui viennent de la ville pour s’informer, lire les journaux qu’ils ne trouvent pas à la maison.

Les Echos : Quels sont les partenaires principaux de la Bibliothèque nationale 

BD : Nous avons comme partenaires : les collectivités, l’Unesco, la Francophonie, le Réseau numérique, les ambassades… qui viennent nous donner des livres. L’ambassade des Etats-Unis et celle de la république Tchèque sont venues nous donner des documents.  Nous sommes en contact avec l’ambassade du Maroc et l’ambassade de l’Inde. Mais, il faut reconnaître que nous n’avons pas les moyens de nos ambitions pour faire une animation parce qu’il y a un chapitre d’animation et d’achat des livres. Mais, très souvent, le chapitre est trop faible pour mener des activités.

Les Echos : Pourquoi ne pas mettre des antennes de la Bibliothèque nationale dans toutes les communes et toutes les capitales régionales ?

BD : Bon ! en fait, nous avons des centres de lecture publics dans toutes les villes parce que quand vous prenez la Bibliothèque nationale, il y a la direction nationale des Bibliothèques et des documentations, il y a aussi le centre national de la lecture publique qui est un service rattaché. Donc, nous avons des Bibliothèques dans les communes. Et dans les régions, nous avons des Bibliothèques de cercles. Mais, vraiment, l’approvisionnement de ces bibliothèques-là pose problème parce que le fonds est insuffisant. Normalement, avec la décentralisation, la gestion des bibliothèques est dévolue à certaines communes du territoire, aux conseils municipaux et régionaux. Il faut comprendre que les bibliothèques sont importantes dans les communes et qu’il faut prévoir de l’argent. On peut prévoir des fonds dans le PDSEC pour l’approvisionnement des Bibliothèques.

 

Les Echos : Quelles sont vos difficultés majeures ?

BD : Nous avons des difficultés de personnel parce que c’est un secteur qui n’est pas attrayant. Donc, il faut former des ressources humaines en quantité et en qualité parce que nous travaillons avec les éditeurs, les libraires, les diffuseurs et les écrivains. Tant que les lecteurs de la chaîne du livre ne vont pas avoir assez de moyens pour travailler, ça va être difficile de faire la promotion du livre.

Les Echos : Quelles sont les perspectives ?

BD :  Nous avons vu qu’il faut aller vers l’élaboration d’une politique nationale du livre et de la lecture et nous sommes très avancés dans ce travail. Le ministre a mis en place une commission de réflexion sur l’élaboration d’une politique nationale du livre qui va prendre en charge tous les problèmes du livre depuis l’écrivain jusqu’au libraire. A cette phase, nous sommes en train de rédiger la politique nationale du livre pour vraiment en finir avec tous les problèmes que nous constatons. Avec cette politique nationale et son plan d’actions, alors, l’Etat malien saura que dans telle année, on doit investir dans le secteur pour tel montant. Mais, aujourd’hui, c’est comme une situation de pilotage à vue. Avec cette politique, on va sortir de ce pilotage à vue pour savoir exactement dans le domaine de l’édition qu’est-ce qui doit être fait pour développer la littérature, les sciences, les technologies. Il n’y a pas de librairie digne de ce nom ici.

Les Echos : Avez-vous un message spécial à l’adresse des élèves et des étudiants du Mali ?

BD : Moi, j’ai toujours dit à mes élèves de ne pas négliger la lecture, les langues ; d’être performants dans tout ce que l’on fait.  Dieu merci ! nous avons une Bibliothèque nationale qui donne ce qu’elle peut donner, qui est là ouverte. Donc, ils peuvent faire leurs lectures. Nous avons des médiathèques, la grande salle de lecture pour à peu près 30.000 livres. Cela veut dire qu’ils ont un joyau dont ils doivent profiter.

Entretien réalisé par Seydou Fané

 

Source: Les Échos Mali