Des dizaines de civils ont été tués cette semaine dans une localité du nord du Mali attaquée par des jihadistes affiliés à l’organisation Etat islamique (Daech), qui étend son rayon d’action au prix de nombreuses exactions, ont indiqué des responsables locaux.

C’est la première fois que Talataye, à environ 150 km de Gao, subit une attaque d’une telle envergure du groupe Etat islamique au Grand Sahara (EIGS, affilié à l’EI). Talataye, consistant essentiellement en une agglomération de hameaux dans une vaste étendue désertique, est situé à la convergence de zones d’influence de différents groupes armés, et les affrontements y sont récurrents.

Les jihadistes de l’EIGS arrivés mardi ont livré une farouche bataille à des jihadistes rivaux du Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM, affilié à Al-Qaïda), et d’autres groupes armés, dont le Mouvement pour le salut de l’Azawad, à dominante touarègue, ont rapporté à l’AFP différents interlocuteurs au fait des évènements.

La situation sur le terrain est obscure, tant l’information peine à remonter de cette zone reculée, largement coupée des réseaux de communication et dangereuse.

Le bilan humain varie aussi selon les sources qui parlent cependant toutes de dizaines de morts civils, sans qu’apparaisse clairement quelle part de ces civils aurait été prise entre deux feux, comme cela est fréquent, ou pourrait avoir été exécutée.

Les hommes de l’EIGS, surgis des brousses à moto, ont réussi au prix d’âpres combats de plus de trois heures à prendre la localité mardi soir, avaient rapporté des interlocuteurs locaux en début de semaine.

Un élu local et un responsable du MSA s’exprimant sous couvert d’anonymat ont fait état vendredi, l’un de 45 civils tués, l’autre de plus de 30. Ils ont fait état de l’incendie d’habitations et du marché. Un humanitaire a parlé de plusieurs dizaines de civils tués.

L’élu local et le responsable du MSA ont tous deux fait état d’un retrait, au moins partiel, des combattants de l’EIGS. « Actuellement nous contrôlons la ville, et le GSIM une autre partie », a dit le responsable du MSA.

Les combattants du MSA ont « regroupé les informations et les corps », a-t-il ajouté.

« Ce qui nous inquiète vraiment c’est la situation humanitaire, les populations sont abandonnées à elles-mêmes », a dit l’élu local.

« La situation sur place est très difficile selon les témoins », a rapporté un humanitaire travaillant dans la région.

Une association de femmes, ressortissantes de la localité mais installées à Gao, a lancé un « appel pressant » pour « venir en aide aux populations meurtries ».

Talataye comptait quelque 13.000 habitants en 2009, date du dernier recensement au Mali. Le GSIM passe pour être très influent dans cette région majoritairement habitée de nomades touareg dahoussahak (également appelés Idaksahak).

D’autres groupes armés qui ont signé des accords de paix avec l’Etat malien en 2015 après l’avoir combattu, principalement des combattants du MSA, y sont également implantés.

Toute cette immense région de Gao et de Ménaka, plus à l’est, est la proie depuis des mois de combats mettant aux prises des jihadistes entre eux ou les jihadistes avec d’autres groupes armés essentiellement touarègues.

L’Etat y a une très faible présence et les populations, principalement des nomades vivant dans des campements éparpillés dans le désert, sont prises entre deux feux, victimes de massacres et de représailles parce que soupçonnées de pactiser avec l’ennemi, ou privées de moyens de subsistance.

Il y a des centaines de morts civils et des dizaines de milliers de déplacés.

L’Etat malien a indiqué mardi avoir mené une « reconnaissance offensive » aérienne sur Talataye. Le chef de la communication de l’armée, le colonel Souleymane Dembélé, disait vendredi dans la presse malienne que l’occupation de Talataye par les jihadistes de l’EIGS était une « fausse information ».

L’EIGS, créé d’une scission avec d’autres groupes jihadistes en 2015, a prospéré ces dernières années dans une zone d’action limitée aux bandes frontalières entre Mali, Burkina Faso et Niger. Le groupe, qui a largement recruté dans des communautés nomades historiquement marginalisées par les Etats centraux, s’est rendu coupable de nombreux massacres de civils, notamment à Seytenga au Burkina Faso où 86 civils ont été tués en juin.

 

Source: h24info