De l’Armée aux collectivités territoriales en passant par des organisations faîtières, c’est une croisade tous azimuts contre la corruption que l’appareil judiciaire a engagé depuis quelques mois. Et il est bien décidé à mener ce combat à terme, dans le strict respect des lois de la République. C’est l’assurance qu’a donnée le ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux, lors d’une interview sur la chaîne de télévision nationale. Malick Coulibaly a rassuré : «Ce n’est pas du spectacle». Il faisait allusion aux différentes actions judiciaires ayant conduit, ces derniers mois, de hauts responsables à la Maison centrale d’arrêt de Bamako.
Dans les jours à venir, d’autres hauts cadres pourraient connaître le même sort, a laissé entendre le Garde des Sceaux qui a assuré que le dossier des «avions cloués au sol» n’est pas rangé dans le tiroir, comme la rumeur publique l’avait annoncé. «L’opinion sera informée des suites de l’évolution de ce dossier», a promis le ministre Coulibaly, ajoutant que le dossier relatif à l’acquisition de l’avion présidentiel et des équipements a été «remis au goût du jour».


Malick Coulibaly a martelé aussi que la justice ne fermera point les yeux sur les magouilles et les actes de délinquance, chaque fois qu’il s’agira de la vie de nos soldats sur le terrain. Les choses ne pourraient peut-être pas évoluer au rythme souhaité par les citoyens, car la justice a « besoin d’évoluer avec toutes les garanties qu’il faut». Mais, a-t-il rassuré, la brigade du Pôle économique de Bamako fait en sorte que la justice répressive puisse donner la réponse pénale appropriée à tout manquement constaté dans la gestion des deniers publics.
Cette lutte contre la corruption sera menée dans la durée et, surtout, avec « objectivité et rigueur », conformément à la volonté du chef de l’Etat. La finalité recherchée étant de faire en sorte que les gestionnaires puissent avoir un «peu de retenue par rapport à la chose publique».

Le contexte actuel du pays impose ce combat et dicte la vision du ministre pour qui, «ne pas combattre énergiquement la corruption n’est pas seulement de l’irresponsabilité, mais de l’ignominie». Cependant, il a tenu à préciser que cette lutte n’est dirigée contre personne, ni au profit de qui que ce soit. Aussi, à ce jour, «nous n’avons enregistré aucune ingérence indue dans le fonctionnement de l’appareil judicaire», s’est-il félicité.
Autre dossier brûlant évoqué, c’est l’affaire dite des «bérets rouges», dans laquelle le chef de l’ex-junte de Kati, Amadou Haya Sanogo, est mis en cause. La Chambre d’accusation a planché sur la demande de mise en liberté provisoire des accusés et le «délibéré est attendu ce mardi», a annoncé le ministre en charge de la Justice. Contrairement à certaines allégations, Malick Coulibaly a indiqué qu’il n’y a «nulle peur de ce procès», mais juste «des considérations de cohésion au sein des Forces armées». Quant aux victimes, le département s’est «préoccupé de leur sort, en allant dans le sens d’un processus d’indemnisation».
Le bras de fer entre l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite (Oclei) et le Syntade (Syndicat national des travailleurs des administrations d’État) n’a pas été occulté. Pour rappel, cet Office a épinglé trois hauts fonctionnaires dans son rapport et transmis leurs dossiers à la justice. Ce qui a suscité l’ire du Syntade qui avait souhaité «l’arrêt immédiat des manœuvres de l’Oclei». Selon le ministre Coulibaly, les discussions sont en cours pour aplanir les divergences. Mais, la justice a déjà convoqué les personnes citées dans les dossiers à elle transmis.
Par ailleurs, Malick Coulibaly a exprimé son souhait d’aller vers une rationalisation des structures de contrôle dans notre pays. Et s’agissant de la justice, il est persuadé que la nouvelle loi d’orientation et de programmation de ce secteur permettra de hisser notre appareil judicaire à hauteur de mission.

Issa DEMBÉLÉ