Le scandale des fonds dilapidés dans le cadre de la lutte contre le Covid-19 ne fini pas de livrer ses petits secrets. Une vérification financière de la gestion des fonds Covid-19 financés par la Banque Islamique de Développement (BID) au titre des exercices 2020 (du 17 juin au 31 décembre) et 2021(1er janvier au 30 novembre) a révélé outre les irrégularités administratives criardes, des irrégularités financières relatives au non-paiement des droits d’enregistrement et de la redevance de l’ARMDS au service des impôts ainsi qu’à la non-application des prix de la mercuriale comme exigée par la réglementation. Le montant total du préjudice s’élève à 163,79 millions de FCFA.

Le Gouvernement a signé le 17 juin 2020 un Accord cadre de financement par vente à tempérament et un Accord de Prêt avec la BID portant sur un montant de 22,5 millions de dollars US en vue de financer le Projet d’Appui d’Urgence pour la lutte contre la COVID-19.
L’Ordonnance n°2020-010/PT-RM du 03 décembre 2020 autorisant la ratification de l’Accord-cadre de financement par vente à tempérament et de l’Accord de prêt signés, le 17 juin 2020 entre le Gouvernement de la République du Mali et la BID concernant l’appui d’urgence pour la lutte contre le virus COVID-19 a été ratifiée par la Loi n°2021-002 du 22 février 2021.
Par cet Accord, la BID a désigné le Gouvernement du Mali, représenté par l’Institut National de Santé Publique (INSP) pour procéder à la réalisation de travaux, à des acquisitions de biens et à la réalisation de services conformément aux règles de passation des marchés indiquées à l’annexe II de l’Accord de Mandat.
La banque s’engage à mettre à la disposition du Mali un financement par voie de vente à tempérament pour un montant n’excédant pas neuf millions cinq cent mille (9 500 000 USD) dollars américains, un prêt sur les ressources ordinaires de la banque d’un montant n’excédant pas sept millions trois cent vingt mille (7 320 000 D.I). Dinars islamiques (ci-après dénommé le « prêt de la banque ») et un prêt sur les ressources du Fonds de Solidarité Islamique pour le Développement (ISFD) d’un montant n’excédant pas trois millions (3 000.000 USD) de dollars des Etats Unis d’Amérique (ci-après dénommé le « prêt du fonds ») ; soit un montant total de vingt-deux millions cinq cent mille (22 500 000 USD) dollars américains.
La durée d’exécution du Projet est d’un an à partir de sa date d’entrée en vigueur le 12 janvier 2021 et la date de clôture des décaissements est prévue pour le 28 février 2022. Toutes les sommes décaissées sur le prêt devront être utilisées exclusivement pour les besoins du projet.

Tel ne fut pas le cas pour les acteurs de la mise en œuvre de cet important projet dans la lutte contre la maladie à coronavirus.

Paiement d’une prestation non exécutée

Selon le rapport, le Coordinateur a produit une Attestation de Service Fait (ASF) pour ordonner le paiement de services connexes non réalisés pour un montant de 8 670 000 FCFA. Ce montant a été entièrement payé alors que les services connexes n’ont pas été réalisés. En effet, le marché n°00113C/2020/DGMP-DSP, conclu pour un montant total de 103 610 000 FCFA dont 94 940 000 FCFA au titre du prix de 118 climatiseurs et 8 670 000 FCFA pour leur transport et leur installation sur les sites indiqués par le Projet. Le marché a été notifié au fournisseur le 13 novembre 2020. L’achèvement du marché devrait intervenir 30 jours après la date de notification, soit le 13 décembre 2020. Cependant, lors des visites effectuées les 7, 9 et 10 septembre 2021 dans les entités bénéficiaires, par l’équipe de vérification, l’exécution des services connexes n’était toujours pas achevée.
Elle a constaté que : 12 des 69 climatiseurs transportés dans des entités localisées à Bamako et à Kati n’ont pas été installés (2 du CRLD, 4 de HDB, 4 de HGT et 2 de INSP) ; 35 climatiseurs qui devraient être transportés et installés dans les régions de Kayes, Koulikoro, Sikasso, Ségou, Mopti, Kidal et Ménaka n’ont toujours pas été transportés et installés ; les documents qui prouvent l’installation des climatiseurs envoyés à Gao (6), Tombouctou (6) et Taoudéni (2) n’ont pas été fournis à l’équipe de vérification.
Le montant correspondant aux services connexes non réalisés pour un montant de 8 670 000 FCFA a été irrégulièrement payé sur la base d’une fausse attestation de service fait car tous les services de transport et d’installation n’ont pas été réalisés.

Des marchés attribués à des fournisseurs hors normes

Le rapport note que le Coordinateur du Projet a attribué les cinq lots du marché relatif à la fourniture de produits de désinfection et d’hygiène à des fournisseurs qui n’ont pas fourni toutes les informations requises conformément aux exigences de la lettre de demande de renseignement.
En effet, l’examen des documents a révélé que certains des bénéficiaires ne devraient pas être éligibles aux marchés en raison soit de la non fourniture des informations requises, de la non fourniture des pièces qui sous-tendent les informations contenues dans les documents et ou de la non-conformité de celles-ci à celles requises. À titre illustratif, la Société d’Etude, d’Expertise et de Prestation de Services-S2E n’a fourni aucun document permettant de justifier son expérience dans le domaine de la fourniture des produits de désinfection et d’hygiène. De plus, l’analyse des informations contenues dans la note de présentation fournie ne
comporte ni la signature ni le sceau de la personne qui l’a produite.
Aussi, les informations contenues dans la note de présentation sont très incohérentes et aucun document justifiant de l’expérience de la société dans la fourniture de produits de désinfection et d’hygiène n’a été fourni.

Des surfacturations de prix

A en croire au rapport du BVG, le Coordinateur du Projet a ordonné le paiement des marchés dont les prix unitaires de certaines fournitures sont supérieurs à ceux indiqués dans la mercuriale des prix de 2020. En effet, la comparaison des prix unitaires facturés aux prix maximums de la mercuriale a mis en exergue des écarts sur les prix des fournitures suivantes : le litre d’Eau de javel a été facturé à 800 FCFA au lieu de 750 FCFA, prix maximum de la mercuriale 2020; soit un surplus de 50 FCFA par litre acheté.
Ainsi, le montant payé en plus pour l’achat des 211 950 litres est de
10 597 500 FCFA ; le litre de Grésil simple a été facturé à 2 000 FCFA au lieu de 1 250 FCFA, prix maximum de la mercuriale ; soit un surplus de 750 FCFA par litre acheté.
Le montant payé en plus pour l’achat des 52 990 litres est de
39 742 500 FCFA ; le climatiseur Split 5 CV a été facturé à 2 700 000 FCFA l’unité au lieu de 2 000 000 FCFA, prix maximum de la mercuriale ; soit un surplus de 700 000 FCFA par unité achetée. Le montant payé en plus pour l’acquisition des 12 climatiseurs de 5 CV est de 8 400 000 FCFA. La conclusion de marchés sur la base de prix supérieurs à ceux indiqués dans la mercuriale a engendré une perte financière de 58 740 000 FCFA.

Une réception irrégulière de fournitures

Sans aucune réserve et sans se référer aux échantillons qui devaient servir de référence d’appréciation, la commission de réception a réceptionné les cartons de savon en morceaux, alors qu’ils présentent des différences importantes en termes de volume et de poids. En effet, la comparaison des morceaux de savons livrés par la société Adama SANOGO à ceux de la société NOVEDI a mis en exergue une différence sur le volume et le poids des morceaux de savon livrés. Les morceaux de savon livrés par le premier pèsent en moyenne 108,545 grammes contre des morceaux de 44,59 grammes livrés par le second alors que les cartons sont facturés au même prix unitaire de 7 500 FCFA. Cette différence de poids peut constituer un gain estimé à 43 819 800 FCFA pour la société NOVEDI et une perte pour le Projet si on rapporte le montant facturé au poids moyen des morceaux de savon
livrés.
La commission en acceptant les savons fournis par la société NOVEDI sans se référer aux échantillons et sans réserve au vu de la différence observée sur le volume et poids des savons livrés se rend responsable d’une réception de fournitures non conforme ainsi que des conséquences qui en découlent.

Paiement de six marchés non enregistrés

Autre pratique décelée, c’est la violation de l’article 15.4 de l’Arrêté n°2015- 3721/ MEF-SG du 22 octobre 2015 fixant les modalités d’application du Décret n°2015-0604/P-RM du 25 septembre 2015, modifié, portant Code des Marchés Publics et des Délégations de Service Public qui précise : « […] L’enregistrement du marché au service des impôts et le recouvrement de la redevance de régulation interviendront après sa notification. Toutefois, aucun paiement ne sera effectué sur ledit marché avant l’accomplissement de ces formalités ». En effet, le Coordinateur du Projet a ordonné le paiement de six marchés sans que les fournisseurs ne se soient acquittés des droits d’enregistrement pour 45 055 605 FCFA et des redevances de régulation des marchés pour 7 509 268 FCFA auxquels ils sont assujettis. Le montant total de l’irrégularité s’élève à 52 564 873 FCFA. Ces six marchés ont été conclus et payés avant la signature de l’Arrêté d’exonération n° 2021-0865/MEF-SG du 16 mars 2021.

Plus de la moitié de l’emprunt contracté par le Mali dans un compte aux USA

La Coordination du Projet a conclu et réceptionné six marchés de fourniture avant la date d’entrée en vigueur des Accords de financement pour un montant de 1 501 853 500 FCFA.
L’entreprise CARPAD, attributaire du marché n°00030 C/2021/DGMP- DSP relatif à l’information et à la sensibilisation sur la COVID-19 a été apparemment créée pour ce marché d’un montant de 535 310 000 FCFA. En effet, cette entreprise a été créée le 1er janvier 2021 et immatriculée le 3 mai 2021 alors que la lettre d’invitation pour la commande date du 7 avril 2021 et la date de démarrage prévue était fixée au 1er avril 2021, avant l’immatriculation de la société elle-même.

La BID a demandé l’exécution de l’accord de Projet irrégulier de l’UNOPS pour le montant de 11,998 millions USD soit environ 6, 838 milliards de FCFA correspond à 53% du montant total du prêt. De plus le montant de l’Accord UNOPS dépasse de 533 035 008 FCFA celui du budget du Projet après le payement des dépenses encours qui est de 11 019 941 USD. Alors plus de la moitié de l’emprunt contracté par le Mali serait virée dans le compte bancaire JP Morgane aux USA du Bureau des Nations Unies pour les Services d’Appui aux Projets qu’est l’UNOPS sans service fait et en violation des dispositions de l’accord de financement signé entre le Mali et la BID.

Il faut ajouter qu’à l’entame de la présente mission de vérification en fin juillet 2021 le niveau de décaissement du Projet était de 12% et seulement 2 activités ont été réalisées sur les 15 prévues.

Alamoko S Coulibaly

Source: L’Investigateur