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Le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), est le principal acteur politico-militaire de la rébellion touareg, au nord du Mali. Après avoir oeuvré avec les groupes djihadistes en 2012 pour chasser l’armée malienne du nord du pays, le MNLA les a combattus avec la France. Moussa ag-Acharatoumane, membre du bureau politique, donne sa version de l’assassinat de Ghislaine Dupont et Claude Verlon.

Comment avez-vous réagi après l’enlèvement des deux envoyés spéciaux de RFI à Kidal ?

Juste après l’enlèvement, Ambeiry ag-Ghisa, une figure du MNLA, qui venait de les recevoir, a téléphoné à notre chef militaire, Hassan Fagaga, qui a prévenu la force française « Serval » que nous pouvions de suite poursuivre les ravisseurs.

Les Français nous ont dit : « Ne bougez pas ». On aurait eu des chances de les rattraper. On connaît le terrain. Trois pick-up contre un seul, à grande vitesse, les preneurs d’otages auraient peut-être eu le temps de les blesser mais pas de les exécuter. Nous pouvions empêcher cette tragédie.

Les Français ont eu peur des conséquences d’une poursuite. Ce n’est, en tout cas, pas en faisant partir de Kidal, plus d’une heure après, une colonne de blindés qui roulent à 30 kilomètres à l’heure qu’ils pouvaient rejoindre un pick-up qui vole comme le vent. Si on nous laisse faire aujourd’hui, nous avons les moyens de retrouver les assassins. Pas pour faire plaisir à la France, mais parce que nous condamnons ces pratiques.

Des sources maliennes indiquent que le chef des preneurs d’otages, Baye ag-Bakabo, était lié au MNLA. Est-ce exact ?

C’est faux. Le seul groupe auquel il ait appartenu, c’est AQMI [Al-Qaida au Maghreb islamique]. Comme de nombreux combattants de base, il a été interrogé à plusieurs reprises par les services secrets français, la DGSE, après avoir été délogé de l’adrar de Tigharghâr. Originaire de Kidal, il est resté dans la ville et ses environs après avoir été déclaré « non dangereux ». Selon nos informations, il a préparé l’enlèvement seul, avec ses hommes. L’idée ne leur est venue qu’après avoir aperçu les deux Français sans escorte dans Kidal, ce qui est rare. Ils ont eu assez de temps pour se préparer, mais pas assez pour tout planifier. Leur objectif était de livrer les otages à AQMI. Mais ils roulaient trop vite sur une mauvaise piste et ont cassé le pont avant. Ils pensaient que l’armée était derrière eux.

De nombreuses personnes ont été arrêtées et interrogées par les enquêteurs et l’armée française. Ont-elles livré des informations utiles ?

Ces arrestations, ces fouilles, ces rafles (opérées par les Français) n’ont servi à rien si ce n’est à faire naître un vif ressentiment dans les populations. On ne pénètre pas, comme cela a été fait, dans les tentes, les maisons, en bousculant les vieillards ou les femmes devant les yeux des enfants. Ces méthodes vexatoires et expéditives sont contre-productives. Les hélicoptères atterrissent au milieu des campements. L’image des Français a été ternie et conduit le peuple touareg à se retourner contre les Français.

Vous voulez dire que les populations soutiennent les preneurs d’otages ?

Non. Les quatre ravisseurs ont, au contraire, évité tout contact avec les populations et se sont cachés, pendant au moins vingt-quatre heures après l’enlèvement, dans la végétation avant de s’éloigner de la zone. Quand les blindés français sont arrivés là où les corps ont été retrouvés, ils ont vu deux personnes s’enfuir sans réagir.

Vos accusations sont graves. Pourtant, on présente souvent le MNLA comme une force supplétive de la France… Nous ne sommes pas des supplétifs. C’est la France qui est chez nous, pas l’inverse. Nous avons commencé à nous battre contre l’islamisme et le Mali avant que la France ne vienne et nous continuerons après son départ. C’est une alliance de circonstance. Les militaires français savent ce qu’ils nous doivent. Nous avons accueilli et installé les forces spéciales à Kidal, Tessalit et bien d’autres endroits. Nous avions des gens à nous dans les avions et les hélicoptères. Les frappes aériennes, de Gao jusqu’à Tigharghâr [contre AQMI] ont été permises grâce aux coordonnées GPS que nous avons données. La DGSE a parachuté du matériel pour certains commandants du MNLA. Nous avons 1 000 combattants sur Kidal et des bases réparties sur tout le nord du Mali.

Si vous êtes incontournables, comment peut-on enlever deux Français en plein Kidal ?

Les accords de Ouagadougou du 18 juin avec le pouvoir malien ont fixé le cadre d’un dialogue avec Bamako. Depuis le 2 juillet, nous avons cédé la totalité du contrôle de Kidal à la Minusma, force de l’ONU, et aux autorités maliennes.

Vous sentez-vous trahi par la France ? Pas trahi, mais la France fuit ses responsabilités et veut cacher la réalité de ses liens avec le MNLA. Le premier témoin de cette collaboration n’est autre que l’actuel ambassadeur de France à Bamako, Gilles Huberson, que nous connaissons bien. C’était l’émissaire secret du Quai d’Orsay auprès de nous.

 

Source : le monde